« Aucun réfugié n’est accepté en France », « En Allemagne, on met les réfugiés en prison et on leur prend toutes leurs affaires personnelles », « En Grèce, tout est gratuit ». Voici quelques exemples de rumeurs qui peuvent circuler dans les camps de réfugiés au Moyen-Orient. Véritable fléau, la désinformation des réfugiés ne les induit pas seulement en erreur, elle peut aussi les mettre en danger, notamment lorsque celle-ci est le fait de passeurs et autres personnes mal intentionnées qui orientent les choix des populations déracinées. Le site NewsThatMoves s’informe sur le terrain, pour permettre aux réfugiés de démêler le vrai du faux en temps réel et leur venir en aide.  

La désinformation : source de vulnérabilité des réfugiés

Les difficultés rencontrées par les demandeurs d’asiles du Moyen-Orient sont nombreuses et pernicieuses. En plus de devoir quitter du jour au lendemain la vie qu’ils avaient bâtie dans leur pays (maison, carrière, économies,  biens, famille,..) et de subir les violences de la guerre, les réfugiés sont aussi catifs d’une information mal retransmise. En déplacements presque constants, les populations réfugiées n’ont que rarement accès à une information fiable concernant les lieux qui peuvent leur venir en aide. Au sein des camps, ce sont donc de nombreuses rumeurs qui circulent, dont l’origine cache trop souvent de mauvaises intentions. Sur l’Europe en elle-même, mais aussi sur ce qui les attend de l’autre côté de la Méditerranée et les façons dont ils devront y parvenir.

11874585153_06383027c4_kPhotographie : Mustafa Khayat

Aujourd’hui, on compterait pas moins de douze millions de Syriens déplacés, à l’intérieur ou à l’extérieur de leur pays, dévasté par la guerre. Non loin de là, les populations irakiennes, afghanes, congolaises ou encore soudanaises rêvent aussi d’un ailleurs où elles n’auraient plus affaire à des conflits incessants et tragiques. Cherchant à traverser la Méditerranée, ou se frayant un chemin difficile par la route des Balkans, nombreux sont ceux qui s’engagent dans un périple vers l’Europe. Face à l’intensité de la demande, des réseaux criminels de passeurs se sont développés, généralisant le racket de populations en position de faiblesse, et à qu’il manque souvent les informations clés pour s’en protéger. Des réseaux qui n’hésitent pas à mettre en péril la vie de réfugiés, femmes, hommes et enfants.

Un site et une association pour démanteler les rumeurs à la source

Afin de remédier à cette situation, l’association Internews, en partenariat avec les ONGs ActionAid et Traducteurs Sans Frontières (Translators Without Borders), a lancé en 2015 le site NewsThatMoves. Chaque semaine, le site publie une fiche informationnelle qui reprend les rumeurs et hoax divers entendus à l’intérieur même des camps. L’encart qui les accompagne est alors là pour informer les populations de façon fiable et rétablir la vérité. Sur le site, le réfugié a la possibilité de faire une recherche thématique ou géographique.

16800666392_c01d7c662f_kPhotographie : DFID – UK Department for International Development

Le site existe en quatre langues : anglais, arabe, farsi et grec. Afin de collecter les différentes rumeurs, des bénévoles circulent dans les camps, en plus d’opérer une veille sur les réseaux sociaux. Au fil des discussions avec les réfugiés, les informations potentiellement fausses sont recueillies, avant d’être vérifiées et corrigées. Elles sont ensuite publiées sur le site, et il arrive aussi que l’information soit directement diffusée par le biais de mégaphones, ou dans les bus de transport de réfugiés. De cette façon, l’information vient directement aux populations migrantes, souvent privées d’un accès aux médias traditionnels.

La rumeur, des mots parfois meurtriers

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Ce travail de démantèlement peut s’avérer vital. En effet, si beaucoup des rumeurs répandues au sein des camps concernent les conditions de vie en Europe, quelques-unes peuvent avoir des conséquences directes sur l’expérience de passage des familles. Ainsi, certains passeurs n’hésitent pas à raconter n’importe quoi aux migrants afin qu’ils payent davantage. C’est pourquoi il a parfois été dit qu’en Europe « tout est gratuit » (rumeurs que certains colportent même dans l’électorat d’extrême droite). Une assertion vouée à faire dépenser beaucoup plus les personnes désireuses de traverser les frontières et les dépouiller de tout ce qu’elles avaient à disposition.

22527575640_4f21bc47b1_kPhotographie : CAFOD Photo Library / Flickr

Au sein des camps, les rumeurs peuvent aussi émaner d’un manque d’information pur et simple, de retours d’expériences biaisés ou de volontés de nuire. Certains ont par exemple déjà entendu dire qu’à leur arrivée en Europe par la côte méditerranéenne, il était conseillé de crever le radeau afin de ne pas être renvoyés. D’autres pensent que des bus viendront les chercher en Grèce pour les amener directement vers l’Allemagne. Les chimères dont les esprits des réfugiés sont parfois nourris, peuvent, elles aussi, constituer le coup de grâce pour ces populations poussées hors de chez elles, dépouillées et vulnérables au plus grand bonheur des vautours marchands d’êtres-humains. Dans ce contexte, des initiatives comme celles de NewsThatMoves sont autant de bouées de sauvetage lancées dans un océan de désinformations.


Sources : NewsThatMoves.org / TheGuardian.com / Reuters.com

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