Richard Prince est un artiste américain qui a déjà fait grincer des dents à plusieurs reprises, et pour cause : connu pour ses travaux artistiques basés sur le concept de « réappropriation art » (oui, de la copie légale), il a tout au long de sa carrière repris stratégiquement des œuvres déjà existantes afin d’en créer de nouvelles et ce, en toute conscience. Mais la polémique autour de l’artiste ne cesse de croître depuis mai dernier, moment où ce-dernier s’est tout simplement contenté de copier et revendre des clichés volés aux utilisateurs d’Instagram et imprimés sur toiles, pour la modique somme de 90 000 $ pièce… La riposte des « victimes » ne s’est pas faite attendre.

Tout commence en septembre dernier quand Richard Prince avait exposé en toute discrétion, à la galerie Gogosian à New-York, une série de captures d’écrans provenant de comptes Instagram en vogue tels que celui de SuicideGirls (ce-dernier étant relativement connu sur la toile pour ses modèles aux corps tatoués). L’exposition de l’artiste, appelée New portraits, recensait les clichés « volés » de près de 37 modèles hommes et femmes. L’artiste avait soigneusement pris le soin de les agrandir, puis de les imprimer sur des toiles où l’on y voyait également apparaître les commentaires, principalement ceux laissés par…l’artiste lui même.

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À cette période, l’affaire n’avait pas fait grand bruit, bien qu’elle eut déjà intrinsèquement pointé du doigt cette large atteinte portée au droit à l’image de ces jeunes gens. C’est plus précisément en mai dernier, lorsque la galerie a décidé d’exposer une nouvelle fois les œuvres pour la Frieze à Fair de New-York, que la polémique a plus largement fait parler d’elle. Outre le fait que ces portraits aient été volés et ré-exploités, Richard Prince aurait fixé le prix de ces fameuses toiles à un montant s’élevant aux alentours de 90 000 $.

Face à cette appropriation plutôt cavalière de la part de l’artiste, la créatrice du compte Instagram « SuicideGirls », Missy Suicide, a choisi de répliquer la méthode à sa manière et de façon un tantinet ironique : plutôt que d’attaquer l’artiste en justice, celle-ci a préféré reproduire à son tour ses toiles, en les revendant mille fois moins cher et au profit d’une association, soit 90$. Le but de la manœuvre étant de casser la cote de l’artiste, ses « œuvres » n’étant que de vulgaires impressions. Aussi, en guise de réponse directe aux commentaires auxquels s’était livré Richard Prince sous les fameux clichés, la page « SuicideGirls » a pour sa part laissé fièrement apparaître sous chaque portrait ré-utilisé, le terme « True Art ». Ainsi, le dernier mot a pu être rétabli, de droit, à chaque propriétaire revendiqué.

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Enfin, chaque dollar récolté par leur riposte fut reversé à Electronic Frontier Foundation, organisation internationale à but non-lucratif qui lutte en faveur des libertés civiles à l’heure du numérique. Rappelons enfin qu’aux États-Unis, d’un point de vue légal, la pratique du « fair-use » (usage fairplay), autorise ce genre d’entreprise. En bon appropriationniste, Richard Prince a su tirer à son avantage des clichés d’ordre privé, ou du moins appartenant à la communauté d’Instagram. De quoi être particulièrement vigilant quand on partage du contenu sur internet.

Peut-on tout pardonner à ce type d’art conceptuel qui génère des millions sur le dos des autres artistes ? Bien que la démarche vise à « reformuler certaines modalités du portrait pictural » (ndlr. Judicaël Lavrador, Libération), il n’en reste pas moins que la flexibilité des réseaux sociaux en matière de droit à l’image, les publications sans autorisation et autre ré-appropriations, nous interrogent encore et toujours sur les bons réflexes à adopter notamment du point du vue de la confidentialité… au risque de se retrouver dans l’une de ces galeries d’Outre-Altantique sans peut-être même en avoir été informé.

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Sources : Washington Post / Distractify / Libération

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