Le fossé existant entre le discours politique et les actions de ces derniers est désormais tellement profond qu’une défiance intellectuelle s’organise contre les partis traditionnels qui se partagent le pouvoir depuis des générations. Le Youtubeur Dany Caligula propose d’analyser tout en humour l’incohérence de la politique menée par le Parti socialiste français ces cinq dernières années. Si Manuel Valls est en ligne de mire, c’est que depuis le retrait de François Hollande, c’est à lui que revient la défense du bilan mitigé du quinquennat, dont il a par ailleurs été la figure majeure.
La volonté de Manuel Valls de participer à la primaire de « La belle alliance populaire » en vue des présidentielles peut être perçue comme le symbole d’une politique essoufflée, en mal de nouvelles idées et incapable de se renouveler. Car l’échec social de sa politique menée en tant que Premier ministre, symbolisé par l’utilisation systématique de la violence pour gouverner, autant physique qu’institutionnelle (49.3), tout en promulguant des lois anti-sociales et globalement dans la lignée d’un capitalisme de connivence suggérant la mort des grandes idées sociales, a conduit a une profonde aversion contre le personnage même de Manuel Valls et renforcé globalement les clivages au sein d’une société déjà divisée.
Violence et impopularité
L’un des éléments de cette impopularité, et qui fait ici l’objet de la vidéo de Dany Caligula, c’est « l’écart entre le discours et les actes » : une grande partie des promesses électorales faites par le PS en 2012 n’ont pas été tenues. Pourtant, alors que les cinq années au pouvoir de la « gauche » portaient l’espoir d’une rupture avec les excès de la politique menée par Nicolas Sarkozy, à beaucoup d’égard, les choses ont à peine évolué, ou ont même parfois empiré. D’ailleurs, l’absence de renouveau politique a pu conforter l’opinion selon laquelle le PS et Les Républicains ont fini par constituer un microcosme assez consensuel, avec une politique globalement à droite, axée sur la vision européiste du libéralisme et de la soumission nécessaire au marché global.
L’impopularité de Manuel Valls résiderait donc en grande partie dans le fait qu’il a représenté à lui seul la défiance de la population française vis à vis de la politique en général. Ses multiples recours au 49.3 ont été perçus comme autant de passages en force contre le législateur, et une insulte aux français, alors nombreux à s’opposer à la Loi Travail. Les comportements alors démesurés des forces de l’ordre, répondant aux ordres reçus à l’occasion des manifestations que cette loi a provoqué, et l’intangibilité du Premier Ministre, tournant à la caricature, ont définitivement eu raison de sa respectabilité chez les individus les plus engagés à gauche. Et pourtant, aujourd’hui en campagne, le même homme s’attaque à l’outil du 49.3 sans sourciller.
Jusqu’où va la manipulation ?
Dans ce contexte, l’ascension de Manuel Valls au sein du gouvernement serait donc symptomatique d’un nouveau rapprochement des idées entre le Parti socialiste au pouvoir et Les Républicains sur un modèle très à droite : croissance, travail, sécurité. Pourtant, cette ambiguïté politique (déjà observable dans d’autres pays au capitalisme triomphant) est extrêmement inquiétante pour la démocratie, car elle conforte l’idée selon laquelle les principaux partis défendent une même vision du monde et des institutions aux intérêts communs. Sur fond de scandales, les cinq dernières années politiques ont ainsi renforcé le discrédit qui pèse sur la classe politique en exposant son incapacité à lutter contre l’emprise des institutions économiques globales, se limitant à jouer çà et là aux régulateurs du marché.
Selon Dany Caligula, on peut aller encore plus loin. En effet, il suggère que le Parti socialiste a utilisé sa position, celle d’un parti qui en principe intervient pour lutter contre les inégalités sociales, pour faire passer des lois entièrement à rebours, dont même « les Republicains auraient […] rêvé ». Pourtant, la résistance sociale a tardé à se mettre en place. Dans la liste de ces mesures, on trouve entre autre la Loi sur le renseignement, la Loi Macron ou encore la Loi El Kohmri. Pour l’auteur de la vidéo, l’une des raisons de ce paradoxe est la manière dont la politique est organisée : par « étiquette ». Ainsi, le PS représentant en principe la gauche, les personnes ayant voté pour ce parti ont mis du temps à s’organiser pour s’opposer au programme mené par le gouvernement, quand bien même celui-ci était profondément anti-social.
Quelles conclusions en tirer ? Il s’avère que les pirouettes politiques, à l’heure ou Les Républicains et le Parti socialiste défendent des mesures très proches en ce qui concerne le modèle économique, brouille les électeurs et les détournent de la politique. Dans le même temps, ceux qui ont déjà échoué en politique, n’ont de cesse de revenir sur le devant de la scène « en se présentant comme des sauveurs » anti-systèmes. On croit rêver. « Peut-être est-ce là l’une des plus grandes tare de notre système politique », estime Dany Caligula. Par ailleurs, cet échec et trahison du gouvernement « socialiste » renforce, par manichéisme et confusion, cette haine ordinaire des idées sociales. Le problème réside-t-il dans les institutions ? Dans l’absence de contrôle ? Ou dans une soumission des politiques aux acteurs économiques ? Autant de questions auxquelles il est plus que temps de répondre s’il on veut que la politique redevienne une chose attrayante, capable de susciter les passions et de faire naître l’envie de débattre du commun pour un avenir serein.