En cette année de COP21, certaines décisions ne cessent de surprendre : EDF a décidé de fermer Nexcis, son pôle photovoltaïque qui vient de développer un procédé pour équiper les fenêtres de filtres photovoltaïque permettant à la fois de produire de l’électricité et de moduler la luminosité dans les bâtiments équipés. Une décision qui a scandalisé la communauté scientifique et les professionnels du secteur. Les salariés, menacés de licenciements, souhaitent reprendre l’entreprise en partenariat avec une autre start-up.
Nexcis, à la pointe de la recherche photovoltaïque
La transition énergétique est sur toutes les lèvres en cette année de COP21, le sommet international sur le climat qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre 2015 à Paris. Pourtant, certaines décisions pourraient faire croire que les volontés affichées par les autorités ne sont que de la poudre aux yeux. L’exemple de Nexcis, filiale Recherche & Développement d’EDF spécialisée dans le photovoltaïque, est plutôt frappant.
La petite société située près d’Aix-en-Provence, détenue à 65% par EDF (entreprise publique), a finalisé en novembre 2014 le développement de sa technologie BIPV (« Building integrated photovoltaïc », Photovoltaïque intégré au bâtiment), un procédé novateur qui consiste en de fines couches de panneaux photovoltaïques insérés dans les vitrages des bâtiments (bureaux, résidences, édifices publics…). Une innovation qui permet à ceux-ci d’améliorer grandement leur autonomie énergétique via l’autoproduction d’électricité.
« Dans un atelier de Nexcis, fabrication d’un panneau photovoltaïque ‘fine couche’ pouvant être posé sur une fenêtre ou sur le toit d’un immeuble »
Source : http://www.novethic.fr/
La filiale a été créée en 2009 suite à plusieurs années de recherche de l’Institut de Recherche et Développement sur l’Énergie Photovoltaïque (IRDEP), un laboratoire créé en 2005 par EDF R&D, le CNRS et l’ENSCP (École nationale supérieure de chimie de Paris). Elle a bénéficié d’un investissement de 75 millions d’euros (dont un tiers d’aides publique impliquant l’ADEME, des collectivités locales et l’Europe.) et a déposé 17 brevets résultant de la recherche publique depuis les années 1990. Las, la direction d’EDF a décidé en Février 2015 de cesser l’activité de sa filiale, ce qui a provoqué un tollé chez les salariés, qui n’avaient rien vu venir, mais aussi chez les scientifiques et professionnels français du photovoltaïque, scandalisés par cette décision.
« Jean-Bernard Lévy (le nouveau PDG d’EDF) est arrivé en octobre dernier. Il est là pour rendre EDF le plus rentable possible. Nexcis étant un centre de recherche avec un coût, il coupe la branche », estime Stephan Dainotti, le représentant du personnel devenu syndicaliste CGT suite à l’annonce de la nouvelle. Une vision court-termiste, axée uniquement sur la rentabilité financière immédiate, au détriment des salariés et de la recherche scientifique ? Le CAC40 est en effet un habitué du procédé…sauf que dans le cas de Nexcis, l’actionnaire est une entreprise publique, donc détenue en partie par l’État. Les salariés et leurs soutiens attendent donc une réaction de ce dernier.
Scientifiques, élus et syndicats aux cotés des salariés
Une fois remis du choc de l’annonce, les salariés se sont mobilisés. Alors qu’il n’existait pas de culture syndicale au sein de la start-up, plusieurs salariés se sont rapprochés de la CGT pour les épauler dans leur combat, et plusieurs élus locaux et nationaux se sont aussi engagés à leurs cotés. Les salariés peuvent également compter sur le soutien de la communauté scientifique, dont treize chercheurs du CNRS ont publié une tribune appelant à sauvegarder les résultats de la recherche photovoltaïque française, dont Nexcis en est un des représentants industriels et technologiques les plus prometteurs.
Les salariés de Nexcis lors de l’étape Alternatiba d’Aix-en-Provence le 25 Juin 2015
Source : http://iberenexil.org/?page_id=10137
« Nous pensons que, dans le contexte de retournement de l’industrie photovoltaïque au niveau mondial, qui est en plein essor, et des enjeux liés à la transition énergétique, la fermeture de Nexcis n’est pas inéluctable et que la situation actuelle peut déboucher sur de nouvelles opportunités de déploiement industriel (exemple du phtovoltaïque intégré au bâti), compte tenu de sa pertinence technologique, de son caractère fortement innovant, et de la qualité de ses équipes. […] Nous demandons donc à ce que toutes les pistes soient explorées pour permettre une reprise de l’activité de Nexcis. Celle-ci peut compter sur le soutien de la communauté scientifique française pour l’accompagner également dans cette nouvelle phase. », expliquent les scientifiques dans leur tribune.
Notons que le Tour Alternatiba, qui a connu une étonnante mésaventure le 20 Juillet dernier après une prise de parole devant la centrale nucléaire de Fessenheim, a convié les salariés de Nexcis à présenter leur lutte lors de son étape à Aix-en-Provence le 25 Juin 2015.
Un projet de reprise porté par les salariés…et entravé par EDF !
Forts de leurs soutiens, les salariés ne se sont pas laissés abattre et ont présenté un projet de reprise le 15 juillet dernier, en partenariat avec la start-up Crosslux, installée à Gardanne, qui conçoit et fabrique du vitrage photovoltaïque semi-transparent isolant. Si la technologie de Crosslux n’est pas aussi avancée que celle de Nexcis, elle est passée en phase industrielle et possède déjà des clients, contrairement à Nexcis qui en était au stade pré-industriel. Le but est donc de lancer une nouvelle entité qui combinera les avantages des deux premières.
« On soutient leur projet de reprise à 200%, d’autant que potentiellement il devrait créer de l’emploi. Alors que l’Etat parle beaucoup de transition énergétique, ce choix de lâcher Nexcis le renvoie à ses propres contradictions ! », explique Gilbert Benhamou, de la CGT des Bouches-du-Rhône. Le projet est également soutenu par le Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, par le département des Bouches-du-Rhône et par diverses institutions scientifiques, dont le CNRS.
Extrait du projet de revitalisation – Source : http://nexcis-vivra.fr/projet-de-revitalisation/
Pour le moment la fermeture a été repoussée à fin Septembre, soit un délai de deux mois supplémentaires sur la date initiale. Les salariés ont besoin de 25 millions d’euros pour mener leur projet à son terme, dont 10 millions ont déjà été trouvés. Ils sont donc à la recherche de partenaires et investisseurs. Ces 15 millions restants, qui peuvent sembler une somme importante, sont à comparer avec certains grands projets polluants et inutiles qui engloutissent des milliards d’euros d’argent public : aéroport de Notre-Dame-des-Landes, nouvelle route du littoral à la Réunion…Rappelons également, pour donner un ordre d’idée, que le cout de l’EPR a dépassé en Avril dernier les 9 milliards d’euros, suite aux anomalies détectées sur la cuve du réacteur.
Ainsi, l’issue de Nexcis semble bien plus être un choix politique qu’un problème économique. Comme toujours en France sur les questions énergétiques plane l’ombre du lobby nucléaire, qui ne semble pas prêt à voir son monopole s’affaiblir au profit des renouvelables – ni même à débattre, comme l’a encore prouvé l’évènement de Fessenheim. Pendant leurs démarches, les salariés ont appris qu’EDF faisait pression auprès de plusieurs investisseurs pour bloquer les financements nécessaires…« D’autant que l’invention, si elle est mise en œuvre à grande échelle, pourrait contribuer à réduire la consommation d’électricité produite par EDF et, à terme, entraver ses bénéfices », estime le journal Bastamag.
L’État laissera-t-il tomber sa recherche de pointe en photovoltaïque et la possible industrialisation d’un vitrage isolant et producteur d’électricité, à 2 mois seulement de la COP21 ? Réponse fin Septembre.
Sources : bastamag.net / lepartidegauche.fr
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Photo Une : Philippe Laurenson – http://www.laprovence.com