C’est à Brugelette, en Belgique, qu’un nouveau combat s’est initié. Il s’agit d’une véritable lutte citoyenne contre le projet de construction d’une route, demandée par Païri Daiza, le parc animalier géant de la région. Un projet qui a été validé le 11 juillet, et immédiatement contesté par les citoyens locaux regroupés en plusieurs comités, Gibecq, Ghislenghien-Hellebecq et Brugelette-Pays Vert. Un grand projet jugé inutile et beaucoup trop coûteux pour la collectivité, en euros comme en conséquences écologiques, et dont la rapidité d’exécution semble, pour les citoyens, poser la question de la bonne gouvernance au sein de leur pays. Nous nous sommes entretenus avec le comité Brugelette-Pays Vert qui nous a parlé des tenants et aboutissants de cette affaire. Explications. 

Un combat écologique selon le collectif

Si les trois comités de citoyens ont décidé de lutter ensemble contre la construction de cette nouvelle route et d’unir leurs voix, c’est avant tout parce qu’elle supposerait d’énormes conséquences écologiques sur la région. Dans un communiqué commun, les comités exposent leurs principaux points d’inquiétude face à cette menace écologique.

« La nouvelle route porte atteinte à notre cadre de vie rural et à l’environnement, à la faune et la flore de nos campagnes. On s’interroge aussi sur l’absence d’étude d’incidence sur l’environnement, par rapport à cette route mais également par rapport à l’ampleur du développement du parc PAIRI DAIZA. Le tracé est celui qui a le plus d’emprises sur les terres agricoles. Des terres disparaissent chaque année (urbanisation, extension de zonings, routes, …) alors que nous vivons dans une région caractérisée par un réseau routier parmi les plus denses d’Europe. »

De plus, ils ne manquent pas de souligner que la politique menée dans cette affaire témoigne du peu de vision à long terme de la Région par rapport aux défis climatiques. Ils rappellent que la Région et le parc animalier basent leur développement sur la hausse du trafic automobile (croissance des clients du parc) et que ce trafic routier augmente sans cesse ses rejets de CO2 (hausse de 23 % des GES entre 1990 et 2015) et de particules fines dans l’air. Lutter contre ce projet de nouvelle route c’est donc pour eux une façon de lutter également contre ces politiques qui relayent au second plan les urgences climatiques que nous connaissons. Un plaidoyer pour qu’une autre direction soit prise et qu’on se dirige vers la réduction des émissions de polluants et du trafic. Pour ces citoyens en colère, il est clair que d’autres alternatives pourraient être développées pour le parc et son accessibilité, sans qu’il soit nécessaire de bousculer une nouvelle fois l’environnement avec la construction de cette nouvelle route.

Une lutte pour l’environnement donc, mais aussi contre le parc animalier dont le Collectif Pays vert note l’ironie : « Un parc qui se veut défenseur de la biodiversité du moment qu’elle est d’ailleurs. », commente-t-il. Mais il s’agit également d’une lutte pour protéger les habitants et exploitants locaux lésés dans cette histoire.

« Par ailleurs, l’emprise de cette route sur les terres agricoles qu’elle traverse est également alarmante. Plusieurs petits fermiers sont ainsi menacés, alors qu’ils connaissent déjà des difficultés à subsister aux côtés des grosses exploitations agricoles. Une pratique légale mais aux aspects moraux discutables a également lieu à cause de ce projet, mettant les exploitants agricoles dans une situation inconfortable. Pairi Daïza leur propose de racheter ces terres pour un prix surévalué (qu’il rétrocédera à la Région Wallonne pour le prix symbolique d’1€ par la suite) en faisant valoir que le prix de rachat sera nettement moins intéressant lors des expropriations. »

Carte du collectif Vert

Un problème de gouvernance

Outre ces questions de mise à mal de l’environnement et de bétonnage des terres agricoles, il y a le problème d’une véritable opacité et de connivence entre pouvoirs publics et intérêts économiques. Les citoyens s’inquiètent ici face à la gouvernance du pays, à la gestion des budgets publics et des projets financés par la collectivité dans l’intérêt du privé. Il faut dire que le parc, immense succès commercial, possède un certain poids économique avec ses 1,5 millions de visiteurs annuel.

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« L’ensemble de ce projet s’est construit autour d’une opacité totale des pouvoirs publics, à tous les échelons. » explique le collectif. « Pour notre commune, Brugelette, une seule réunion a été organisée en février 2017, à destinations des agriculteurs uniquement, eux-mêmes ayant invités les riverains concernés. Le but de cette réunion avec le Bourgmestre de la Commune ne concernait que les futures expropriations et ne cherchait nullement la concertation. »

En cause selon le collectif, la manière dont le parc Pairi Daïza traite directement avec les autorités wallonnes à Namur, faisant peu cas des riverains, et œuvrant toujours pour un développement de ses activités sans s’intéresser aux conséquences de ces dernières. Pour autant, le collectif insiste, son combat n’est pas contre le parc en lui-même, mais plutôt en réaction au fait que les citoyens ont la vive impression de ne pas être entendus alors même qu’il s’agit là de décisions qui vont directement impacter leur environnement. Il semble y avoir ici un ras-le-bol face à ce sentiment que les solutions les plus faciles, et donc les plus impactantes sont systématiquement privilégiées alors même qu’elles entraînent de sérieuses modifications du territoire et de la biodiversité. 

Ce qui les amène tout naturellement à parler de la question du coût d’une telle entreprise. Si les prévisions officielles de ce projet s’élèvent à 10 millions d’€, les comités de citoyens, eux, le chiffrent plutôt aux alentours de 20 millions d’€. Et, ils insistent, cette estimation ne se base que sur la réalisation des travaux, étant donné qu’aucune étude d’incidence environnementale n’a à ce jour été réalisée. Le coût réel de ce projet de route, si l’on prend en compte le coût environnemental, n’aurait alors aucune commune mesure avec le budget prévu par les autorités.

Avec une demande de permis d’urbanisme qui sera déposée en septembre, le début des travaux est envisagé pour le deuxième semestre de l’année 2018. Reste à savoir si les citoyens, réunis en collectifs, parviendront à faire entendre leur voix d’ici là.


Propos recueillis par Mr Mondialisation / Notélé / L’Echo / La Libre

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