Le 25 juillet dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), a publié un rapport sur lequel ses experts ont travaillé pendant près de cinq ans. Censé paraître en juin, sa publication a été retardée, laissant croire aux associations de protection de l’environnement à l’étouffement du rapport. Aujourd’hui disponible, mais peu médiatisé, le rapport pointe du doigt les risques importants liés aux pesticides pour l’environnement, mais aussi pour les travailleurs, et préconise une diminution de l’utilisation de ceux-ci. Certains se questionnent : pourquoi le rapport n’a-t-il pas fait l’objet d’une conférence de presse ?

Un million de travailleurs concernés en France

Malgré une économie de plus en plus orientée vers le tertiaire, la France reste un pays au potentiel agricole majeur. Sur les 55 millions d’hectares du territoire français, ce sont plus de la moitié qui sont utilisés pour les activités agricoles, soit 28 millions. Le nombre de travailleurs en lien avec l ‘agriculture est aussi encore relativement important. En 2010, c’était plus d’un million de personnes qui avaient une activité régulière en agriculture. Ajoutez à cela plusieurs centaines de milliers de travailleurs non permanents et plusieurs dizaines de milliers de stagiaires et vous obtenez le nombre de personnes directement concernées par l’exposition aux pesticides.

Face à ce constat, l’Anses s’est donnée pour mission de mesurer les conséquences de l’utilisation des pesticides sur les agriculteurs français. L’idée était notamment d’aborder le problème en termes de sécurité et de santé au travail. Ainsi, l’agence a épluché les publications scientifiques relatives aux dangers des pesticides pour la santé, cherchant un éventuel lien entre le développement de certaines pathologies chez les travailleurs agricoles et l’utilisation de ces produits chimiques. Et ils semblent avoir trouvé. De nombreuses études épidémiologiques mettraient en évidence un lien entre les expositions aux pesticides et le développement de certaines maladies, notamment certains cancers.

Revoir le reportage « Insecticide mon amour »

Le constat : entre opacité des données et lacunes de prévention

Dans la rédaction de son rapport, il semble que l’Anses se soit heurtée à la pénurie de données sur le sujet. En effet, l’agence déplore un « manque de données relatives aux expositions aux pesticides des personnes travaillant dans l’agriculture ». Il semblerait donc que la littérature scientifique ne se soit que très peu intéressée aux risques d’exposition encourus par les agriculteurs français, en dépit de l’importance du secteur. Les plans nationaux, ainsi que l’expertise collective de l’Inserm sur les effets sur la santé des pesticides, ne donneraient que peu d’informations sur l’état de santé des travailleurs agricoles français. Cette expertise, publiée en 2013, révélait déjà une possible corrélation entre utilisation des pesticides et développement de certains cancers, maladies dégénératives ou problèmes dans le développement du fœtus.

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Le rapport dénonce également les politiques en termes d’information et de protection des travailleurs. L’action de prévention répondrait davantage d’un effort individuel de la part des agriculteurs, émanant des quelques recommandations de l’état, que d’une véritable politique collective de santé. En d’autres termes, chacun fait ce qu’il veut, en dépit des externalités impactant la collectivité. En outre, l’agence considère que les moyens mis en place pour la constitution d’un conseil de prévention indépendant sont insuffisants, et que la lisibilité des réglementations applicables gagnerait à être améliorée.

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Réduire l’utilisation des pesticides : une solution privilégiée

Face aux constats tirés de leurs recherches, et à la difficulté d’une harmonisation immédiate des façons de mesurer les risques et de les endiguer, l’Anses recommande une diminution de l’utilisation des pesticides en milieu agricole. Citant le code du travail, le rapport rappelle que « [son objectif] est d’éviter les risques, en particulier par la suppression des dangers exposant des travailleurs. » et va plus loin : « Dans ce cadre, la diminution du recours aux pesticides constitue un objectif en soi, visant à la réduction de l’exposition à ces substances des personnes travaillant dans l’agriculture. »

D’un point de vue théorique et pratique, l’Anses recommande également une poursuite des études réalisées sur les dangers des pesticides sur la santé, ainsi qu’une harmonisation des méthodes de mesures de ces risques au niveau européen. Concernant les équipements de protection, l’agence prescrit la poursuite des recherches associées à leur efficacité, et propose également de recourir à la formation des utilisateurs de pesticides sur leurs dangers et sécurité d’utilisation. La nécessité de perpétuer les recherches sur les problèmes de santé en lien avec l’utilisation de ces produits chimiques s’avère centrale selon recommandations de l’agence. Des recherches qui devront pouvoir être faites dans un cadre neutre de toute influence, et qui prendront certainement encore quelques années à donner des résultats assez pertinents. Mais l’urgence écologique nous offre-t-elle vraiment le luxe d’attendre ?


Sources : Anses.fr / Inserm.fr / LeMonde.fr

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