Sur terre, plus de 800 millions de personnes n’ont pas d’accès à l’eau. Pire : 3,5 milliards d’êtres humains n’ont d’autre choix que de boire de l’eau contaminée ou impropre. Est-ce la conséquence d’une humanité trop nombreuse ? L’exposé de #datagueule met en doute cette conclusion hâtive qui sert souvent de paravent à des causes bien déterminées. Leur analyse suggère de questionner le modèle industriel productiviste ainsi que notre rapport à l’eau.
La rareté de l’eau sur terre est un sujet qui a déjà bien souvent été traité. Cependant, la mise en perspective chiffrée proposée par #datagueule permet de mieux prendre conscience de tous les enjeux qui gravitent autour de cette question. En effet, si l’eau est une ressource rare, ce n’est pas la seule raison pour laquelle tant de personnes souffrent de la soif. D’autres facteurs sont à prendre en compte et notamment celui de la répartition inégale des richesses ainsi que celui de la surexploitation de cette ressource.
Inégalité de l’accès et consommation effrénée
10% de la population mondiale n’a pas accès à l’eau potable. Par ailleurs, près de la moitié de la population mondiale est condamnée à boire une eau impropre à la consommation, ce qui favorise les maladies et augmente la mortalité. Mais comme l’explique #datagueule, la croissance de la population mondiale n’est pas le seul facteur qui explique ces chiffres : en effet, la consommation d’eau grimpe bien plus vite que celui de la population mondiale. Pour cause, l’agriculture industrielle est la première consommatrice d’eau au monde, suivie de l’industrie générale (secteur secondaire) puis des humains dans leurs besoins quotidiens. Chacun de ces trois secteurs sont responsables respectivement de 70%, de 20% et de 10% de l’ensemble des consommations. Le déséquilibre saute aux yeux. 80% de l’eau consommée dans le monde sert directement le modèle industriel.
La consommation effrénée de l’eau aboutit aujourd’hui à une course pour exploiter les dernières ressources. Au proche Orient, explique #datagueule, des dizaines de milliers d’usines de désalinisation d’eau alimentent 300 millions de personnes ! Dès aujourd’hui, l’eau est devenu un véritable problème stratégique pour certains pays, ce qui peut mener à des tensions internationales : à l’avenir les conflits portant sur le partage de la précieuse ressource pourraient se multiplier. Or, bien que rare, l’eau pourrait être mieux partagée et mieux gérée : 80% de l’eau utilisée n’est pas traitée et simplement rejetée avec ses polluants dans la nature. Ajoutons que le mode de vie occidental aboutit à un modèle agricole et industriel fortement dépendants de l’or bleu. Par nos choix de consommation, nous alimentons (ou non) nous mêmes ce modèle.
Mise en cause de la gestion de l’eau et droit d’accès à l’eau
Catherine Carré, géographe et enseignante chercheur à l’Université de Paris I, rappelle dans la vidéo qu’il existe des réflexions pour envisager une meilleur gestion de l’eau et pour que l’accès à elle devienne un droit universel. Parmi les propositions, on trouve notamment celle qui consiste à dire que l’eau et sa gestion ne devraient pas pouvoir être confiés au secteur privé. En France, la problématique est très actuelle puisque pour les ménages les plus pauvres, les factures d’eau sont souvent élevées comparée à leur revenu. Mais ce changement ne saurait pas suffire, s’il n’est pas accompagné d’une modification du paradigme global et du modèle productiviste.
Malgré toute la complexité du sujet et les risques évoqués plus haut, certaines tendances positives peuvent être relevées. Des villes comme Paris ou Berlin ont décidé de revenir à une gestion publique de l’eau. Récemment, la Slovénie a fait une avancée inédite. Depuis quelques semaines, l’eau ne peut plus être privatisée dans ce pays et l’accès à l’eau potable est devenu un droit protégé constitutionnellement. Une première en Europe. Dorénavant, L’État slovène et ses collectivités seront exclusivement chargés de la gestion de l’eau. Le texte a été voté, rappelle l’Humanité, pour éviter l’accaparement de la ressource par des multinationales. Ces exemples rappellent que pour aboutir à une consommation plus raisonnée de l’eau, comme dans beaucoup d’autres domaines, une gestion désintéressée et dénouée d’intérêts économiques est nécessaire.