Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU « somme » la France de mieux prendre en compte les oppositions au mégaprojet de mine d’or en Guyane et notamment les voix des populations autochtones. Alors qu’un débat public a été organisé au premier semestre 2018, il s’agit d’un véritable désaveu pour la politique poursuivie par les autorités françaises. Retour sur un projet industriel, soutenu par Emmanuel Macron, qui divise.
Cette fois-ci, la mise en garde vient du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU. L’instance demande à la France de respecter les droits des populations autochtones et de prendre en compte les voix qui s’élèvent contre le projet « Montagne d’or » en Guyane. Le comité craint une violation de leurs droits, au mépris des conventions internationales signées par la France, notamment celle de 1971 portant sur les discriminations raciales.
Dans une lettre datée du 14 décembre et adressée à la mission française à l’ONU à Genève, le comité s’inquiète du « manque de consultation ainsi que l’absence de consentement préalable, libre et informé des populations indigènes de Guyane française » concernant le projet minier Montagne d’or » et remet ainsi en cause le processus de consultation qui s’est tenu entre mars et juillet 2018 et qui devait permettre la consultation des populations locales.
Le projet minier « Montagne d’or » est le plus important projet de mine d’or à ciel ouvert sur sol français. Il implique deux multinationales, le Russe Nordgold et le Canadien Columbus Gold. Pour séduire les populations locales, les entreprises promettent 3750 nouveaux emplois et poursuivent l’objectif d’entamer les premiers travaux dès 2019. Mais le projet industriel d’envergure rencontre depuis ses débuts une opposition importante de la part des associations de protection de l’environnement ainsi que des structures qui représentent les populations autochtones. Non seulement elles craignent que le mégaprojet défigure les terres de Guyane, les activités extractives provoquant une importante déforestation, mais elles pointent également les pollutions qui résulteraient des nouvelles activités. Les associations de défense de l’environnement relèvent notamment l’absence de plan pour traiter les boues issues de la cyanuration. Un processus industriel particulièrement polluant. Le projet s’étalerait sur près de 800 hectares, au cœur de terres considérées comme sacrées par les populations autochtones.
La population guyanaise est globalement défavorable à la réalisation de la nouvelle mine. Selon un sondage de l’IFOP de juin 2018 commandé par le WWF, plus de 7 Guyanais sur 10 (72%) déclarent ainsi ne pas avoir été convaincus des bienfaits de ce projet et 69% se disent opposés au projet.
⛔ Le projet de mine #MontagnedOr menace l'Amazonie française. Ensemble, agissons sur https://t.co/3fLwfGPG8o ! #StopMontagnedOr pic.twitter.com/mNDFkqJvQz
— WWF France 🐼 (@WWFFrance) April 11, 2018
Alors que plusieurs collectifs et associations locales réclament depuis plusieurs mois un débat public transparent, la mise en garde de l’organe onusien, qui se prononce lorsque la paix sociale est menacée et qu’il y a matière à craindre un conflit, est un véritable revers pour la France. Auparavant, la France n’avait jamais été interpellée par cet organe.
La mise en garde fait écho à une lettre adressée en novembre dernier à Emmanuel Macron, et dans laquelle six organisations amérindiennes affirmaient leur volonté de tout mettre en œuvre pour empêcher la réalisation du projet de mine. Pour ces dernières, c’est le respect de leurs traditions et de leurs modes de vie qui est en cause. Dans ce communiqué, les représentants indiquaient que « si la Montagne d’or ne recule pas nous allons droit vers l’affrontement ». En l’état, seul un abandon du projet pourrait calmer la situation. D’ailleurs, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU suggère de suspendre le projet tant que le consentement des populations concernées n’aura pas été recueilli et attend une réponse de la France pour connaître les mesures prises par le pays pour assurer les droits des populations autochtones.
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