Alors qu’un vaste projet de rétention d’eau est à l’étude dans les Deux-Sèvres, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent contre les 19 « bassines » qui pourraient voir le jour, symboles d’un modèle agricole intensif qui pose question. En dépit de la mobilisation citoyenne et des réticences émises par les scientifiques, quatre arrêtés préfectoraux ont donné le feu vert. Les opposants espèrent encore empêcher le début des travaux dans le Marais Poitevin.
19 bassines géantes à ciel ouvert pour stocker plus de 8 millions de m3 d’eau : les chiffres parlent d’eux-mêmes, les proportions du projet qui pourrait voir le jour dans les Deux-Sèvres sont importantes. Ces bassins de rétention seraient remplis pendant l’hiver en pompant l’eau depuis les nappes phréatiques ou dans les cours d’eau pour pallier les besoins en eau de l’industrie agricole en été. En apparence, face à des étés qui s’annoncent plus chauds et pendant lesquels l’eau pourrait être amenée à manquer, on pourrait croire à une bonne idée. D’autant que, pour faire face au risque de stress hydrique, les agriculteurs devront réduire leurs prélèvements pendant la saison la plus chaude dans les années à venir.
Mais tout le monde ne voit pas les choses de cet œil là, notamment les associations de protection de l’environnement, qui interrogent la pertinence de telles infrastructures et les coûts financiers associés alors que le modèle agricole doit se transformer pour devenir, de manière générale, moins gourmand en ressource. Ceux-ci dénoncent une fuite en avant productiviste d’un modèle incapable de se remettre en question. D’autant que les militants craignent que, dans le cas ou les nouveaux ouvrages devaient trouver l’aval définitif de l’administration, le modèle ne soit appliqué partout en France, où des projets semblables sont envisagés.
Opposition citoyenne
Parmi les nombreuses voix qui s’élèvent contre le projet, le collectif citoyen « Bassines Non Merci ! » s’insurge contre un projet qui « conforte un modèle d’agriculture dépassé et aujourd’hui insoutenable, polluant les ressources et complexifiant scandaleusement les conditions d’accès à la ressource d’eau potable pour les populations et renchérissant inutilement son coût ». Le groupe s’inquiète par ailleurs des conséquences que les ouvrages pourraient avoir sur l’environnement, notamment les zones humides ainsi que la faune et la flore locale et dénonce l’important financement public qui est prévu, 60 millions d’euros.
Une pétition en ligne qui a déjà recueilli plus de 1000 signatures met également en garde : « Les retenues ne serviraient qu’à renforcer l’irrigation et non à économiser l’eau. Les nappes pompées massivement en hiver ne se rempliraient pas en cas de sécheresse ! Les nouvelles cultures intensives irriguées augmenteraient encore la pollution des eaux ! » Les militants s’appuient également sur l’avis défavorable émis par l’Agence régionale de santé en raison des risques que le projet pourrait faire peser sur l’accès à l’eau potable pour les habitants.
« On raisonne à l’envers »
Pour François-Marie Pellerin, administrateur dans plusieurs associations de protection de l’environnement locales, membre de Deux-Sèvres Nature Environnement et de la Coordination pour la Défense du Marais de Poitevin, « on raisonne à l’envers ». Dans l’immédiat, il s’agirait de « réfléchir à un modèle agricole compatible avec l’évolution du milieu et une ressource en eau moins disponible ». Selon lui, avec les bassines, « on va arriver à un système technique qui va verrouiller le modèle agricole » conventionnel et donc empêcher la sortie de l’agriculture intensive. En effet, au regard des importantes dépenses qui sont à prévoir pour les bassines, on aura plus d’autre solution que d’utiliser les nouvelles infrastructures pour des raisons économiques, même si cela perpétue un modèle polluant. Ainsi, déplore François-Marie Pellerin, « le projet est surdimensionné en volume, très coûteux, il ne pourra être rentabilisé que sur 20 ou 30 ans avec des rendements agricoles maximum, au mépris des milieux ».
Dans une vision court-termiste, le projet répond bien aux problématiques des agriculteurs (des besoins colossaux en eau), mais à long terme, il posera plus de problèmes qu’il n’apporte de solutions : « l’ensemble de la réflexion autour de ces bassines intervient autour d’un contexte qui n’a pas été remis en cause : une agriculture très consommatrice en intrants et en eau ». Plutôt que de construire de nouvelles infrastructures qui justifient de perpétuer un modèle agricole à bout de souffle, l’urgence est donc d’entamer une réflexion de territoire à propos d’une agriculture véritablement compatible avec le milieu et moins demandeuse en eau, tout en réduisant les pollutions liées à ce secteur d’activité.
Sur le terrain, les citoyens s’organisent sans plus attendre.
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