Les 23 septembre prochain, les Suisses sont appelés à s’exprimer sur le futur de la politique agricole de leur pays en ce prononçant à propos de deux initiatives lors d’une votation : la première est intitulée « pour des aliments équitables », la seconde « pour la souveraineté alimentaire ». En Suisse, seuls 50 % des produits agricoles consommés sont produits dans le pays.
Un an après une votation sur la « sécurité » alimentaire largement plébiscitée par la population, puisqu’elle a obtenue 70% de votes favorables, les Suisses retourneront aux urnes pour peut-être renforcer la politique agricole de leur pays vers un modèle plus soutenable tant d’un point de vue social qu’environnemental. Une singularité au cœur du continent Européen qui mérite notre attention tant elle est progressiste.
Des enjeux politiques qui questionnent le modèle alimentaire Suisse
La première des deux initiatives, déposée par le parti écologiste « Les Verts » doit permettre le développement de la production d’aliments équitables. Les auteurs de la proposition espèrent encourager de meilleurs contrôles des conditions dans lesquelles les aliments sont produits tant en ce qui concerne les droits des travailleurs, les règles sanitaires et le bien-être animal. La seconde initiative, qui concerne la souveraineté alimentaire du pays, est issue du syndicat paysan Uniterre*. Sa mise en œuvre concrète pourrait signifier la mise en place d’une taxe à l’importation pour favoriser le marché national (protectionnisme solidaire) ou encore la fin définitive des OGM dans tout le pays. Le syndicat réclame également la protection d’une profession dont les effectifs ont été divisés par deux en l’espace de 40 ans.
En d’autres termes, il s’agit de poursuivre les efforts de matière soutenue en faveur d’une agriculture locale et diversifiée, de meilleures conditions de travail pour les professionnels du secteur agricole tout en réduisant l’emprise de grands groupes industriels sur le marché. Ces deux propositions interviennent dans un contexte où l’on voit se multiplier les scandales alimentaires. La souveraineté alimentaire devient un moyen pour mieux contrôler les circuits de production, avec l’espoir de soustraire les paysans et agriculteurs des logiques de concurrence – du moins en partie – dont ils souffrent. En effet, les logiques industrielles qui dominent dans le marché global offrent peu de chance de survie à ceux qui veulent soutenir la qualité avant la quantité. Des décisions structurelles semblent donc s’imposer pour inverser cette tendance et revenir à des logiques durables.
Une opinion publique toujours partagée
Alors que les Suisses s’étaient exprimés de manière très favorable à une initiative allant dans le même sens il y a un an, l’enthousiasme pour ces deux nouvelles propositions n’est pas aussi prononcé à moins de trois semaines du vote. Pourtant, les premiers sondages donnaient le « oui » largement gagnant.
D’abord accueillie de manière positive par le public, l’initiative connaît désormais un net un recul selon les enquêtes d’opinion les plus récentes. Le premier sondage, publié le 17 août donnait le « oui » gagnant à 75 %. Mais depuis, les ardeurs sont largement retombées. Désormais, la proposition des verts ne rencontre plus qu’une approbation à hauteur de 55 % alors que celle d’Uniterre n’est soutenue que par 53 % de la population. Avec une marge d’erreur de 1,4 point, rien n’est encore joué et le souhait de soutenir une agriculture durable pourrait être toujours rejeté.
Dans les médias, la bataille entre « pro et contre » fait rage. Pour les premiers, c’est la santé des Suisses et l’avenir du modèle agricole qui est en jeu, pendant que les seconds s’inquiètent d’une éventuelle augmentation des prix, accompagnée d’une baisse de l’offre et font valoir que les règles sont suffisamment strictes. Les opposants plaident également la difficulté de contrôler les conditions de production des denrées importées. Ils évoquent enfin la menace que fait peser l’initiative sur les personnes les plus démunies qui auraient encore plus de mal à se nourrir à l’avenir. Une fois encore on observe une bipolarité du débat idéologique divisé entre l’idéal économique (croissance/prix/consommation) et les aspirations légitime à un avenir durable.
Ces arguments, qui rappellent l’importance d’accompagner la population tant via l’éducation que via des mesures sociales, ne peuvent toutefois par faire oublier que le pays, comme tant d’autre en Europe, fait face à l’obligation de faire évoluer son modèle. Entre 2000 et 2014, les ventes de pesticides en Suisse ont augmenté de 35 % (selon les chiffres de l’Office fédéral de l’agriculture), une problématique environnementale et sanitaire qui ne peut être réglée qu’au niveau politique. Les Suisses feront-ils le choix de l’écologie et la santé, ou celui-ci des logiques économiques ? Et surtout, quelles leçons les pays voisins peuvent-ils en tirer ?
*Le syndicat Uniterre, qui entend « défendre toutes les paysannes et tous les paysans, sans distinction de production ni de taille d’exploitation » a pour mots d’ordre Production – Solidarité – Responsabilité – Emplois et qualité de vie.
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