Pour la quatrième année consécutive, la Californie subit une profonde sécheresse qui impacte toute la société au point de devoir imposer un rationnement de l’eau à la population. À l’heure où les Américains réalisent avec stupeur la valeur de l’or bleu, qui est à l’origine de cette crise écologique ?
Les grands artistes en ont fait des musiques, la Californie a longtemps été l’un des états le plus apprécié des américains. D’Hollywood à la Silicon Valley, de ses innombrables fermes à ses étendues vinicoles, l’état a longtemps été un symbole de beauté, de rêve et de réussite économique. Un paradis frappé par une sécheresse jamais vue depuis 500 ans, pratiquement aussi loin que les données disponibles. En ce début 2015, 80% du territoire serait désormais dans des conditions de sécheresse extrême.
Image : Damon Winter / The New York Times
Après quatre années consécutives d’une sécheresse chaque fois plus grave, le gouverneur de l’État vient d’annoncer l’application de mesures d’urgence afin de réduire de 25% la consommation d’eau dans les plus brefs délais. Limitation de l’arrosage, remplacement de pelouse par des végétaux, renouvellement des installations, les diverses mesures adoptées jusqu’ici sont sans effet. Les autorités ont alors instauré une police de l’eau capable d’infliger des amendes jusqu’à 10 000 dollars par jour aux collectivités qui ne réduiraient pas leur consommation.
L’agro-industrie responsable, mais protégée !
Qui est donc à l’origine de ce désastre qui pousse la Californie à débloquer un milliard de dollars de fonds publics ? Un tel cas de figure est le fruit de causes systémiques donc multiples. S’il apparait difficile de pointer du doigt un seul coupable, notamment en ce qui concerne le changement climatique, on peut se questionner sur l’origine de la consommation de l’eau. C’est là que la NRDC et la Pacific Institute s’accordent à dire que 80% de l’eau serait consommée par l’agro-industrie dans le Golden State. Et pour cause, l’agriculture moderne et l’élevage nécessitent des quantités astronomiques d’eau pour maintenir leurs hauts rendements.
Image : Damon Winter / The New York Times
Malgré cette réalité, le gouverneur Californien a totalement exempté les agriculteurs des limitations qui s’abattent sur la population. Cette immunité incohérente des premiers responsables (en dehors du changement climatique lui même) s’explique officiellement par le fait que les agriculteurs subissent déjà le manque d’eau. Les récoltes souffriraient déjà de la situation ainsi que leurs revenus. Plus officieusement, une grande part de l’économie de la région repose sur les vignes, les élevages de masse et l’agriculture industrielle. La production de masse serait-elle en train de se tirer une balle dans le pied ?
560 litres par jour, par bovin
Certains observateurs vont plus loin en pointant du doigt l’activité la plus énergivore et consommatrice d’eau dans l’agro-industrie : l’élevage. La Californie possède, en effet, des élevages faisant partie des plus vastes au monde. Camps de concentration à bétail qui s’étendent à perte de vue, la quantité d’animaux y est telle que les plus grands cinéastes comme Yann Arthus-Bertrand vont régulièrement filmer ces symboles de la démesure.
Feedlot à proximité de Bakersfield, Californie, États-Unis – Yann Arthus-Bertrand
Une étude de la Cornell University estime qu’une quantité de protéine animale nécessite 100 fois plus d’eau à la production que l’équivalent en protéine végétale. De plus, une large part de l’agriculture, et donc de l’eau consommée, sert à produire la nourriture du bétail. Selon les observations du Agriculture Natural Resource Conservation Services des États-Unis, une seule vache consomme jusqu’à 560 litres d’eau par jour. On compte plus de 5 millions de bêtes dans la région. Reportée à une année, la consommation d’eau dans cette industrie est astronomique. Alors que les autorités invitent la population à se doucher moins longtemps, n’est-il pas également temps de remettre en question les méthodes de production de l’alimentation ? Et même ses choix alimentaires ?
Image : Damon Winter / The New York Times
Le gaz de schiste jouerait aussi son rôle
Pour extraire le gaz de schiste, les industriels utilisent la technique de la fracturation hydraulique. Par définition, l’eau joue un rôle fondamental dans l’extraction du précieux gaz. Chaque année, entre 260 et 380 millions de litres d’eau sont injectés dans les sols. Les responsables se défendent en affirmant que la plus grande partie de cette eau retournerait dans le cycle naturel par évaporation ou par capillarité dans les sols.
Si le rôle joué par l’industrie du gaz du schiste dans la sécheresse reste difficile à déterminer, le secteur est frappé par un autre scandale en ce début avril 2015. Les scientifiques ont observé un fort lien de causalité entre l’augmentation des séismes et la fracturation hydraulique dans l’Oklahoma. Depuis 2009, on y observe 300 fois plus de tremblements de terre.
Changements climatiques, industrie pétrolière, piscines privées généralisées, clubs de golf, surconsommation de viande, tout indique que la Californie subit les conséquences d’un mode de vie déséquilibré. Si la plupart du temps la crise écologique touche les pays émergents, où des espèces rares vivant très loin des yeux du consommateur occidental, cette sécheresse historique frappe de plein fouet un symbole de la réussite américaine. Le choix des pouvoirs publics d’instaurer une police de l’eau tout en offrant l’immunité à certains industriels ne semble pas indiquer une volonté de prendre la cause des causes à bras le corps.
L’évènement doit-il servir d’alarme pour le reste de l’humanité ? Signes physiques des limites de la Croissance ? Il conviendra à chacun d’en juger.
Sources : lefigaro.fr / onegreenplanet.org / huffingtonpost.com / nytimes