Omniprésente dans notre quotidien, l’industrie de la mode et du textile représente aujourd’hui plus de 3 milliards de dollars, et de facto, nous concerne tous. Qu’on le veuille ou non, le simple fait de porter des vêtements nous implique dans les activités de ce secteur, dont les impacts ne sont pas sans conséquences sociales et environnementales. En effet, le textile compte parmi les industries ayant un des impacts les plus importants sur le changement climatique, et renforce les inégalités socio-économiques. Toutefois, un aspect reste souvent complètement ignoré par les consommateurs, la cruauté animale. Pour ne pas voir s’effondrer ce monstre du capitalisme et du consumérisme, cette mise sous silence représente d’ailleurs une des pierres angulaires du travail des lobbys de la mode. Le nouveau documentaire SLAY nous présente l’envers peu glorieux du décor de cette industrie, et nous pose une simple question : pouvons-nous aimer les animaux tout en les tuant au nom de la mode ?
Produit par Keegan Kuhn, connu pour la réalisation du documentaire Cowspiracy, le nouveau documentaire SLAY suit le périple de Rebecca Cappelli, une jeune activiste qui a parcouru les 5 continents pour enquêter et dénoncer les impacts dévastateurs qu’ont les industries du cuir, de la fourrure et de la laine sur l’environnement, les droits des travailleurs et communautés locales, et les conditions de vie cruelles des animaux. Tout au long du documentaire, nous rencontrons notamment des témoignages d’experts en bien-être animal et en durabilité, ainsi que des représentants de l’industrie des textiles concernés.
Selon Cappelli, réalisatrice de SLAY, l’objet principal de ce documentaire est de sensibiliser le public et les consommateurs aux traitements inhumains infligés aux animaux pour satisfaire notre consommation toujours plus croissante de produit textile à base de matière animale.
« L’une de mes principales inspirations pour faire ce film, ce sont les animaux, complètement laissés de côté dans cette conversation. Si quelqu’un m’avait dit ne serait-ce que la moitié de ce que j’ai découvert en réalisant cette enquête, je ne l’aurais pas cru. L’industrie de la mode a maintenu les animaux hors de l’esprit des gens pendant trop longtemps. Ensemble, nous pouvons changer cela », a-t-elle notamment déclaré.
Le cuire : un fléau environnemental et social
Son enquête commence en Inde, l’un des plus gros producteurs de cuir au monde. On y apprend que 90% des procédés de tannage, qui permettent au cuir d’obtenir une résistance à l’eau, à la chaleur, à l’abrasion et acquérir une plus ou moins grande souplesse ou fermeté selon le type de cuir recherché, utilisent du sulfate de chrome, substance chimique hautement toxique.
Ces substances chimiques contaminent les eaux usées qui sont ensuite déversées dans le Gange. Ainsi, pas moins de 500 millions de litre sont déversés chaque jour dans ce fleuve sacré, contaminant les nappes phréatiques et les cultures, responsables du développement de nombreuses maladies de la peau, de la lèpre et de cancer chez les habitants des communautés locales.
Face à cette réalité, les lobbys du cuir arguent cependant que l’industrie limite la production de déchet en utilisant la peau des animaux abattu pour la production de viande, et ainsi s’inscrit dans un contexte de « durabilité ». Or, les procédés de traitement du cuir sont tellement néfastes pour l’environnement et la santé humaine qu’il serait finalement préférable de simplement abandonner toute utilisation de ces peaux.
Au Brésil, la production de viandes et de cuir est responsable à elle seule de 80% de la déforestation de l’Amazonie, autre désastre pour l’environnement, la biodiversité et le droit des communautés locales.
Cette industrie est notamment largement soutenu par de nombreuses banques européennes, telles que la Deutsche Bank, BNP Paribas Fortis, ou encore Barclay, qui ont financé ces projets d’exploitation à hauteur de 9 milliards de dollars, alors même qu’elles prétendent lutter contre la perte de la biodiversité, la déforestation et le violation des droits humains.
Enfin, le documentaire met également en lumière l’ampleur du mensonge derrière les étiquettes labellisées « Made in Italy » ou « Made in France », gage de qualité et de luxe dans l’imaginaire collectif. En effet, il suffit qu’un pourcentage minime de la production de l’article y soit finalisé pour obtenir ce label, envoyant dès lors un message trompeur aux consommateurs qui ignorent qu’une majeure partie de la chaine de production du cuir est délocalisée dans les pays où les conditions sociales et environnementales ne sont pas respectées.
La fourrure : le paroxysme de la cruauté animale
Après avoir longtemps enquêté sur l’impact du cuir, Rebecca Cappelli s’intéresse à l’industrie de la fourrure. Sans surprise les lobbys de la fourrure se défendent de proposer une alternative verte aux fourrures synthétiques dont les micro-plastiques polluent la nature et nos océans. Ils insistent ainsi sur l’aspect biodégradable de la fourrure animale. Une fois de plus, nous sommes très loin de cette prétendue durabilité de ce secteur, qui s’efforce de modifier le narratif sur la cruauté animale. En réalité, seul 25% de la fourrure animale est biodégradable, et le secteur émet 7,5 fois plus d’émission carbones que l’alternative synthétique.
Pour ne pas altérer la qualité de la fourrure animale, de nombreux métaux lourds et produits chimiques, tel que le formaldéhyde, sont utilisés. Substances toxiques susceptibles de déteindre sur la peau des personnes qui les portent.
Plus alarmant, les conditions de vie et les méthodes d’abattage des animaux sont d’une barbarie sans noms. Les animaux sont confinés et maltraités durant l’ensemble de leur courte vie, et les méthodes d’abattage n’ont rien à envier au secteur de l’élevage et à l’industrie de la viande. On apprend notamment que pour ne pas salir et endommager la fourrure des renards, ils sont abattus à l’aide d’électrodes placés dans leur gueule et dans leur rectum, sans aucun dispositif de soulagement de la douleur.
Ainsi, chaque année, pas moins de 100 millions de visons, chinchillas, ratons laveurs et renards sont tués pour leur fourrure qui se retrouve sur nos manteaux, pompons, cols et capuches de nos vêtements d’hiver.
La laine : une alternative éco-responsable ?
Son enquête se termine en Australie, pays qui abrite plus de 70 millions de moutons, dont 38% appartiennent à la famille des moutons mérinos, connus pour leur laine supposée être la plus douce du monde.
Une fois n’est pas coutume, les lobbys présentent la laine comme une alternative éco-responsables aux différents textiles issus de matière animale. Ne nécessitant pas la mort de l’animal, et la laine étant une fibre naturelle, ce textile constituerait ainsi un choix durable, responsable et respectueux du bien-être animal.
Pourtant, la laine en tant que telle, une fois tondue, ne peut directement être utilisée. Elle doit en effet être traitée à l’aide de nombreux produits chimiques, qui comme pour le cuir et la fourrure sont déversés dans les eaux usées, contaminant les écosystèmes environnants, et aggravant les risques de maladie pour les personnes qui la portent.
Enfin, l’industrie de la laine est loin d’être exemplaire en matière de bien-être animal. Les agneaux sont soumis au procédé de mulesing pour prévenir l’apparition de myiase, soit leur infestation par des larves de diptères. Les agneaux sont ainsi mutilés au niveau de l’arrière-train, et leurs queues sont coupées dès le plus jeune âge, sans légalement devoir recevoir des anesthésiants ou antidouleurs lors de l’opération chirurgicale.
Dans un soucis de productivisme, les moutons sont génétiquement sélectionnés pour accroitre les portées de jumeaux ou triplés, exacerbant les risques de mort lors de la mise bas. Ils sont également conditionnés pour donner naissance tout au long de l’année. Or, le cycle naturelle des naissances n’est pas supposé se dérouler en hiver. Chaque année, l’Australie enregistre donc 15 millions de mort prématurée, les agneaux succombant aux conditions climatiques hivernales dans les premières 48h qui suivent leur naissance.
Quelles alternatives ?
Après le visionnage de ce documentaire, il est difficile d’ignorer que l’industrie de la mode et du textile a silencieusement et massivement normalisé la cruauté animale, et nous y prenons part dans nos choix de consommation.
Il existe aujourd’hui de nombreuses alternatives à ces matières animales. On retrouve désormais sur le marché de la fausse fourrure, de la laine végétale ou synthétique, et même du cuir végane. Si toutes ces alternatives n’atteignent pas encore un niveau de durabilité optimale, elle constitue incontestablement une première étape nécessaire vers la transition écologique de ce secteur, et garanti au moins un plus grand respect du bien-être animal.
Face aux réseaux sociaux, influenceurs et publicités, de nombreux choix écologiques s’offrent à nous. Le premier étant le vêtement qui se trouve déjà dans notre garde-robe, ou celui qui a déjà été porté.
Le documentaire SLAY est disponible gratuitement sur la plateforme waterbear.com. Pour les non-anglophiles, des sous-titres en français sont disponibles. Il n’y a donc aucune excuse pour le rater !
– W.D.
Image de couverture @SLAY