C’est une enquête indépendante réalisée par l’association BLOOM qui a révélé l’imposture : l’écolabel MSC, censé garantir une pêche éthique et écologique, cache en réalité des pratiques de pêche industrielles et destructrices pour les espèces et fonds marins. Le label MSC est pourtant largement utilisé en grande surface pour rassurer le consommateur…

Fondée en 2005, l’association BLOOM se consacre à la protection des océans, des espèces et des écosystèmes qui y vivent et dont l’être humain est dépendant. Plus encore que les forêts, les océans sont un poumon essentiel de la planète, ils absorbent massivement le CO2. Or depuis une dizaine d’années, la communauté scientifique a constaté une augmentation de l’absorption de ce dernier en parallèle des émissions croissantes de CO2 dues aux activités industrielles. Un phénomène qui provoque une acidification des océans avec comme conséquence la disparition de certaines espèces, bouleversant la chaîne alimentaire de tout un écosystème fragile.

Un autre danger non moins important qui guette la vie aquatique est incarné par la surpêche pratiquée de manière industrielle qui vide les océans de ses poissons au point que d’ici 2050 ces derniers pourraient avoir totalement disparu selon des experts de l’ONU. Or la pêche est une activité source d’emplois et de nourriture dans de nombreux pays en voie de développement. La mort des océans entraînerait avec elle la disparition d’une source de stabilité alimentaire qui par ricochet aggraverait les inégalités, les crises socio-économique et politique déjà existantes dans ces régions. Sans oublier la perte d’un patrimoine culturel irremplaçable formé par la diversité des espèces aquatiques.

Pour endiguer cette catastrophe à la fois écologique, sociale, économique et sanitaire, les consommateurs peuvent choisir de privilégier l’achat de poissons dont la pêche est certifiée responsable (en attendant la prise de décisions politiques fortes à l’encontre des méthodes de pêche nuisibles, toujours trop longues à venir) à défaut de ne plus manger de poisson du tout. Et pour aider le consommateur à s’y retrouver, un écolabel avait été mis en place en 1997 par la WWF et Unilever : il s’agissait du label MSC, « Marine Stewardship Council ». Seulement, une enquête de BLOOM en partenariat avec des universités américaines et canadiennes a dévoilé en mai dernier que ce label couvre en réalité des pratiques de pêches dévastatrices et industrielles.

MSC, un label mensonger

Le site de MSC a tout pour rassurer le consommateur soucieux de son impact sur l’environnement, trois principes stricts devant être respectés pour qu’une pêcherie soit certifiée « MSC » : la quantité de poissons pêchés ne doit pas mettre en péril la pérennité des populations ; la structure, la productivité, la fonction et la diversité de l’écosystème doivent être maintenues ; enfin la pêcherie doit respecter la législation en vigueur et doit être capable de s’adapter aux différents changements.

Seulement, il ne s’agit hélas que de la communication d’un site internet. Car la réalité cachée derrière s’avère être bien différente selon ce que révèle l’enquête de BLOOM et ses coauteurs qui ont analysé toutes les pêcheries certifiées MSC. Le résultat est sans équivoque : le label MSC est une imposture. Si les dirigeants de MSC avaient déclaré que leur label donnait « la garantie qu’aucune méthode destructrice n'[était] autorisée », l’étude réalisée (à consulter ici) par BLOOM & les universitaires démontre le contraire. Frédéric Le Manach, directeur scientifique de BLOOM et premier auteur de l’étude assène : « Nos résultats révèlent de façon imparable l’ampleur de l’imposture du label MSC : à l’opposé de ses affirmations, le label MSC certifie en fait principalement des pêcheries industrielles destructrices ».

L’enquête a aussi permis de mettre en évidence le piège de la communication de MSC. Celle-ci mettant en avant la petite pêche côtière ayant un faible impact sur l’environnement marin pour cacher celle, industrielle et majoritaire, à l’impact dévastateur. Ainsi, les chaluts de fond et les dragues -soit les méthodes de pêche les plus destructrices- représentent 83% des captures certifiées entre 2009 et 2017. En fait les seules techniques de pêche empêchant la certification MSC sont les pêches à l’explosif et au poison. Des critères pour le moins laxistes qui se couplent à des conflits d’intérêt lorsque l’on apprend que le cabinet en charge de la certification est rémunéré par… la pêcherie elle-même. Dernier clou dans le cercueil du label MSC, aucun recours n’est possible pour les organisations et associations désapprouvant une certification, la faute à un processus d’objection très coûteux. Et quand on découvre que le juge chargé de statuer une contestation est payé par MSC, le fait qu’aucune objection n’ait véritablement abouti apparait comme peu surprenant et achève de noyer la crédibilité de ce label.

Au final, derrière le label MSC se cache une campagne de greenwashing en bonne et due forme qui permet à la pêche industrielle de se maintenir sur les marchés et de tromper la vigilance des citoyens lui accordant leur confiance. Comme le résume Frédéric Le Manach : « Aujourd’hui, nous ne croyons plus du tout au MSC. Ça a été le cas par le passé mais ses dérives sont aujourd’hui irrécupérables. Le MSC est devenu un frein à la pêche durable. En servant de bouclier marketing aux industriels de la pêche mondiale, le MSC empêche aujourd’hui toute possibilité de changement structurel du secteur de la pêche en légitimant les pires pratiques. »

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Suite à la publication de son enquête, BLOOM a lancé un appel aux enseignes de distribution pour qu’elles cessent de soutenir ce label mensonger et qu’elles exigent une traçabilité fiable et efficace.

Comment choisir son poisson ?

Alors, après cette révélation, se pose de nouveau la question pour le consommateur « comment consommer du poisson tout en contribuant à la préservation des océans ? » L’association BLOOM dégage plusieurs pistes pour guider le citoyen. Avant tout, on peut (doit?) tendre vers la réduction de la consommation de poisson dont les apports nutritionnels peuvent aisément être substitués par d’autres aliments dans les pays développés. Attention à ne pas remplacer le poisson par de la viande qui non seulement peut être issue d’élevages intensifs (à plus de 80%), pratique posant un problème écologique majeur, mais qui contribue aussi à la surpêche car 20% du poisson pêché mondialement sert à nourrir le poisson d’élevage (saumon), le bétail et les animaux domestiques.

Lors de l’achat de poisson, se montrer attentif à la méthode de pêche ayant été employée qui se doit d’être spécifiée sur chaque emballage. À bannir, les méthodes détruisant l’habitat marin (telle la drague) et entraînant la capture d’espèces non ciblées qui seront rejetées mortes à l’eau (filets).

On remarque que les méthodes à faible impact sont également celles qui donnent du poisson plus frais et de meilleure qualité car pêchés en plus petite quantité et localement, les poissons sont stockés moins longtemps sur les bateaux (voire pas du tout dans les cas des casiers et lignes de traîne) et ne sont pas abîmés par leur propre poids. Choisir un poisson pêché de manière durable, cela signifie certes le payer plus cher mais c’est obtenir en retour un bien meilleur poisson. Préférer la qualité à la quantité pour un même budget, diversifier les espèces consommées c’est rentrer dans un cercle vertueux.

Enfin, privilégier ces méthodes permet de soutenir une pêche artisanale en détresse qui emploie 12 millions de personnes dans le monde (contre un demi million pour l’industrielle), consomme huit fois moins de carburant pour une quantité similaire et ne rejette pas de poissons morts en évitant les prises accessoires (10 millions de morts inutiles par an pour la pêche industrielle).

En conclusion, en l’absence de label fiable et de politiques écologiques protégeant radicalement la faune et la flore océanique (malgré la victoire de l’interdiction du chalutage profond en Europe), il revient une fois de plus au consommateur de se montrer particulièrement vigilant.

S. Barret


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