D’une ferme lombricole à un chantier de construction en terre-paille, en passant par une chorale de femmes et une recyclerie, Neven Denis nous invite à découvrir les initiatives des Côtes-d’Armor à travers son film-documentaire intitulé Autant que faire se peut. À l’aide de sa caméra, le jeune réalisateur breton dresse ainsi le portrait de femmes et d’hommes qui s’engagent à faire plus qu’habiter leur territoire et à le faire vivre. Des images simples et singulières à la fois qui mettent en lumière des projets porteurs de sens, d’émancipation et de joie.
« Ce film est une proposition de voyage, sur le territoire communautaire de Loudéac, à la rencontre de celles et ceux qui renouent du lien avec le vivant ». C’est par ces mots que Neven Denis commence à décrire son nouveau documentaire nommé modestement Autant que faire se peut. Sorti à l’été dernier, cette dernière réalisation suit la veine de ces deux précédents ouvrages cinématographiques – Pas un millimètre de jeu et L’Image en commun – en proposant de raconter des savoirs et savoirs-faire perpétués par les habitants d’un territoire.
Collecteur de mémoires
Cette fois-ci, c’est à Loudéac, une communauté des communes du département des Côtes-d’Armor, que le jeune réalisateur pose ses valises pendant plus de trois ans, d’abord « en tant que en collecteur de photographies et de mémoires », puis pour réaliser son documentaire.
Initialement, le jeune breton travaille pour l’Office de développement culturel du Mené (ODCM) en réalisant la collecte de photos anciennes et des mémoires associées des habitants des communes de Loudéac. À la suite de ce projet, l’élaboration d’un long-métrage fait sens pour Neven Denis qui souhaite « réaliser un film sur la manière dont on réinvente nos communs et nos imaginaires collectifs », confie-t-il à Eco-Bretons, un web-média des transitions écologiques en Bretagne.
Un long voyage
Toujours en partenariat avec l’ODCM, il se lance alors en avril 2021, caméra sur l’épaule, dans la réalisation de son documentaire. Il part à la rencontre d’un bouilleur de cru, d’une éleveuse de vers de terre, de planteurs d’arbres, d’un fabricant de moulin, d’une chorale de femmes, de bénévoles d’un chantier d’éco-construction ou encore d’une recyclerie.
Après plus de 9 mois de rencontres et de tournage, le réalisateur diplômé d’un master en Image et Société à l’Université de Paris-Saclay a travaillé pendant 6 mois au montagne de son long-métrage.
Diffusé dès l’été 2022, le film s’inscrit plus largement dans le projet culturel « Là bas d’ici » financé par le département et l’Union européenne, comportant également une exposition itinérante et qui repose sur une volonté de promouvoir le territoire, sa culture et son patrimoine de manière contemporaine.
Inventer le territoire
À la lumière de ses semaines passées en Centre-Bretagne, Neven voit son documentaire comme une manière de découvrir des personnes qui entretiennent un rapport sensible à leur terre, en privilégiant la résilience, l’émancipation et la joie. « La société d’artisan·e·s et de paysan·e·s que j’ai filmé propose un autre récit que celui qui nous mène à la catastrophe. Ici, la terre est en partage, tel un outil commun, pour se nourrir, se loger, se retrouver, chanter, vibrer. »
Et pour cause : sans voix off et à l’aide d’images brutes, le long-métrage parvient à happer le spectateur dans l’univers rural et solidaire de ces personnes qui renouent du lien avec le vivant, et qui inventent leur territoire.
Des témoignages vibrants
C’est par exemple le cas de Marie-Amélie, qui a monté une chorale 100% féminine dans le Mené après avoir travaillé majoritairement en ville. « L’idée c’était de voir ce que ça donnait de proposer du chant en milieu rural », explique-t-elle à Neven. Aujourd’hui les Moniqu’Hard se réunissent tous les dimanches soir dans ce qu’elles appellent la Grange aux abeilles, dans une ambiance bigarrée. « Quand les filles arrivent, il y a vraiment un truc. Ce n’est pas juste je viens dans une salle neutre, je consomme mon atelier et après je repars. Elles sont toutes impliquées, ça vit ! ».
Plus loin, des habitants de la commune ou volontaires venus d’ailleurs isolent la salle des fête de Laurenan à l’aide de paille, de bois et de terre. Les plus familiers à ces techniques ancestrales forment les novices et, tous ensemble, ils développent leur compétence et aident à la communauté. « Je trouve ça passionnant de se réapproprier les matériaux très simples du quotidien comme la paille en milieu rural et de développer son autonomie à partir de cela » témoigne l’un des bénévole.
Toujours plus loin
Nicolas Le Qerré tient quant à lui Seconde Vie, la recyclerie de Loudéac, contrainte de déménager rapidement par manque de place. « C’est bon signe, ça veut dire que les gens nous amènent des affaire plutôt que de les jeter ! » se réjouit cet ancien professeur de philosophie.
Avec d’autres associations, la recyclerie occupera bientôt les bâtiments d’une ancienne grande surface, aujourd’hui désaffectés. Pour Nicolas, le rayonnement de ce nouveau lieu de passages et de rencontres « ira bien au delà de la ville ». « Charge à nous de faire vivre le lieu et de faire en sorte que les habitants s’en emparent », explique celui qui s’y voit déjà proposer un café-philo.
Comme une invitation
Après les 67 minutes de visionnage, on ne peut que se dire que le documentaire de Neven Denis porte plutôt bien son nom dans la mesure où il invite chacune et chacun à s’interroger sur ce qu’il peut faire, à son échelle et avec ses moyens, pour habiter, vivre et faire vibrer son territoire.
Sans prétention, le réalisateur espère ainsi proposer « un outil soulignant la façon dont on s’organise sur un territoire, pour remettre le local au cœur du quotidien et pour revaloriser les métiers des artisans et des paysans ». L’objectif du film étant avant tout de mettre en lumière des initiatives qui reflètent de belles valeurs, le pari est réussi !
– L. Aendekerk
Photo de couverture : Crédits : Autant que faire se peut de Neven Denis (Facebook)