S’il les écosystèmes forestiers sont essentiels pour assurer la limitation du réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité mondiale, ils sont pourtant gravement menacés par l’extension des villes, l’agrandissement des parcelles agricoles et l’extraction des ressources. Alors que la COP27 suit son cours, une nouvelle évaluation de l’état des forêts à travers le globe a été publiée par la Plateforme mondiale de la Déclaration des Forêts. Ses conclusions sont sans appel. Il ne reste que huit ans pour atteindre le double objectif mondial d’arrêter et d’inverser la déforestation d’ici 2030. Malgré cela, presqu’aucun acteur mondial n’est sur la bonne voie pour stopper la dégradation des forêts et restaurer 350 millions d’hectares de paysages forestiers. 

Dédiée à revigorer l’approbation politique des objectifs forestiers mondiaux et faciliter la collaboration entre les parties prenantes, la Plateforme mondiale de la Déclaration des forêts est aujourd’hui l’un des cadres multipartites les plus complets au monde pour l’action forestière. Chaque année, elle propose une évaluation complète de l’état des forêts à travers le globe et de l’état d’avancement des objectifs définis quelques années auparavant.

Des objectifs ambitieux

Sommes-nous sur la bonne voie ? Voilà la question que se sont posés les membres de la Plateforme mondiale de la Déclaration des forêts, organisme dérivé de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) censé faciliter la mise en oeuvre des objectifs définis par la Déclaration des forêts signée par plus de 200 gouvernements, entreprises, peuples autochtones et organisations de la société civile en 2014 à New-York. Il s’agissait alors de diviser par deux la déforestation en 2020 et d’y mettre fin en 2030.

Réactualisés en 2021 à l’occasion de la COP26 de Glasgow, les engagements ont été réaffirmés par plus de 140 pays détenant environ 90 % des forêts mondiales. Le message est toujours clair : il faut mettre fin à la déforestation d’ici 2030.

Une évaluation décevante

Le 24 octobre 2022, la Plateforme mondiale de la Déclaration des forêts publie son analyse de l’année 2021, intitulée lucidement Forest Declaration Assessment : Are we on track for 2030 ? (en français Sommes-nous sur la bonne voie ?). Et pour cause, si la question mérite d’être posée, elle ne tarde pas à trouver une réponse.

« Malgré des signes encourageants, pas un seul indicateur mondial n’est en bonne voie pour atteindre en 2030 ces objectifs d’arrêt de la perte et de la dégradation des forêts et de restauration de 350 millions d’hectares de paysages forestiers », peut-on lire dans l’introduction du rapport.

Perte de couvert forestier mondial en méga hectares en fonction des années. Sources : Forest Declaration Assessment: Are we on track for 2030 ? (2022)

Si la destruction des forêts mondiales a ralenti (mais continue !) en 2021 – qui enregistre tout de même près de 7 millions d’hectares de forêts perdus – l’objectif climatique vital de mettre fin à la déforestation d’ici 2030 sera manqué sans action urgente des politiques et de la société civile, estime l’organisation. 

Au Brésil, en Bolivie, en République Démocratique du Congo et au Paraguay, des cadences de déforestation supérieures aux années précédentes ont été enregistrées, confirmant ainsi la position de ces pays dans le top 5 des états les plus déboisés du monde.

Quelques bons élèves

Certains pays affichent toutefois des résultats encourageants. Ainsi, l’Indonésie, est le seul pays à avoir réduit la déforestation de ses forêts au cours de chacune des cinq dernières années. Quant à sa voisine, la Malaisie, elle enregistre une réduction de la destruction de ses parcelles boisées d’environ 25 % en 2021. En conséquence, l’Asie tropicale peut se vanter d’être la seule région du monde sur la voie d’une déforestation nulle d’ici 2030.

Gain de couvert forestier en méga hectares entre 2000 et 2020. Crédits : Forest Declaration Assessment: Are we on track for 2030 ? (2022).

Toujours du côté des bons élèves, « une campagne visant à mettre fin au rasage des forêts pour les plantations de cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana a fait chuter la déforestation de 47 % et 13 % respectivement », rapporte le Guardian.

De nouveaux parcs nationaux et des mesures de lutte contre l’exploitation forestière illégale ont entraîné une baisse de 28 % au Gabon. L’Amérique latine tropicale, le Mexique, le Venezuela, la Colombie et le Guatemala ont également signalé des réductions de la déforestation en 2021.

Une diminution insuffisante de la déforestation

Au total, la superficie rasée totale a chutée de 6,3 % par rapport à la référence 2018-20. La destruction des forêts tropicales humides les plus riches en carbone et en biodiversité n’a pour sa part diminué que de 3 %. « Pour être sur la bonne voie pour arrêter complètement la déforestation d’ici 2030, une réduction annuelle de 10 % est nécessaire », analyse la Plateforme. 

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En attendant, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) libérées par le phénomène de déforestation actuel sont équivalentes aux émissions de l’ensemble de l’Union européenne couplées à celles du Japon.

Les forêts : le poumon vert de la planète

Et pour cause, couvrant encore 31% de la surface terrestre mondiale, les forêts stockent environ 296 gigatonnes de carbone et abritent la majorité de la biodiversité terrestre. Ceci est d’autant plus vrai pour les forêts primaires, qui abritent une biodiversité extrêmement riche et des écosystèmes complexes.

Déforestation en méga hectares par région sur la période 2010-2021 et les trajectoires nécessaires pour arriver à l’objectif 0 en 2030. Crédits : Forest Declaration Assessment: Are we on track for 2030 ? (2022).

Certains forêts à travers le monde sont aussi des « moyens de subsistance pour des millions de personnes, dont beaucoup parmi les plus pauvres du monde », note l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à l’occasion de louverture de la 26e session du Comité des forêts (COFO) qui s’est tenue à Rome du 3 au 7 octobre dernier. La FAO estime qu’elles contribuent aussi « à atténuer les changements climatiques et à améliorer la qualité des sols, de l’air et de l’eau ».

Les solutions existent déjà

Fort de ces constats, la préservation de ces écosystèmes se doit d’être une priorité politique et citoyenne dès aujourd’hui. Pour le Directeur général de la FAO et la Plateforme de la Déclaration des Forêts, trois solutions concrètes et interconnectées peuvent être mises en place : la fin de la déforestation, la création de chaînes de valeur vertes censées certifier l’utilisation durable des ressources boisées et le reboisement.

À ce titre, le rapport de la Plateforme souligne des progrès notables dans les efforts de boisement et de reboisement au cours des deux dernières décennies, aboutissant à la création de nouvelles forêts et de nouvelles zones forestières « de la taille du Pérou » avec des gains nets de couverture forestière « dans 36 pays différents ». 

Priorité absolue

Cependant, les pertes globales ont dépassé les gains sur la même période, entraînant une perte nette de 100 millions d’hectares dans le monde. « Il convient de noter que les gains de couvert forestier, grâce aux activités de reboisement et de boisement, ne compensent pas la perte de forêt en termes de stockage de carbone, de biodiversité ou de services écosystémiques », rappellent aussi la Plateforme.

Déforestation en hectares par pays en 2021. Crédits : Forest Declaration Assessment: Are we on track for 2030 ? (2022).

La priorité doit donc être mise sur l’arrêt total de la déforestation le plus tôt possible, et au plus tard en 2030.

« Atteindre ces résultats nécessitera une réduction drastique de la conversion et de la dégradation de tous les écosystèmes naturels et une très forte augmentation des activités de restauration et de reboisement, qui doivent être poursuivies par des mesures équitables et inclusives », alertent les auteurs du rapport, qui espèrent pouvoir constater prochainement que nous sommes sur la bonne voie.

– L.A.

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