Le Think Thank britanique New Economic Foundation (NEF) propose une manière originale de calculer le bonheur par pays, libéré des vieux schémas du PIB. L’équipe de l’institut a développé un indicateur qui repose non seulement sur des données sociales mais également sur l’impact du développement du pays sur l’environnement. Inattendus à cette place, ce sont les pays d’Amérique centrale et ceux d’Amérique Latine qui se retrouvent en tête du Happy Planet Index (HPI)…

Mesurer le bonheur, la joie ou le bien être s’avère toujours être une question compliquée car subjective. Jusqu’ici, c’est la richesse qui dicte cette donnée. Un nouvel index veut faire les choses de manière un peu différente. Le Happy Planet Index propose en effet une nouvelle approche, alternative à celle communément utilisée, le Produit intérieur brut. Ce dernier est très critiqué car il ne prend en compte que la création de richesses. Or le PIB reste très majoritairement utilisé en Occident par toutes les grandes instances publiques et privées pour estimer la réussite d’un pays et fixer des objectifs politiques et économiques futurs.

Le nouvel indicateur est proposé par la New Economic Foundation (NEF), un Think Tank Britannique reconnu pour ses analyses pertinentes portant sur les questions sociales, économiques et environnementales contemporaines. Les résultats peuvent être consultés sur une carte interactive mise en ligne.

Espérance de vie et soutenabilité

De fait, l’index prend en compte aussi bien certains aspects sociaux que les conséquences environnementales du développement d’un même pays. La NEF propose de calculer le bonheur de manière suivante : on multiplie un indicateur de bien être avec l’espérance de vie et un indicateur portant sur la distribution des richesses. Le résultat obtenu est ensuite divisé par un indicateur de soutenabilité. Le tout offre une visibilité assez nouvelle et relativement étonnante.

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Selon ce mode de calcul, les pays en tête de classement sont donc ceux dans lesquels le bien être individuel n’est pas acquis au prix d’une dégradation de l’environnement. Par conséquent, les premières places ne sont pas occupées par les pays industrialisés qu’on a l’habitude de voir en tête de ce genre de statistiques, à savoir les pays Scandinaves et les pays de l’Union européenne. En effet, les dix premières positions sont partagées par les pays d’Amérique centrale et latine et ceux d’Asie-Pacifique (où la pauvreté économique est souvent retenue pour les définir). Les trois premières places sont respectivement occupées par le Costo Rica, le Mexique et la Colombie. Le résultat n’est pas forcément étonnant : dans les pays en question il existe de nombreuses initiatives locales, ce qui aboutit à un système d’entraide et de participation citoyenne important. Ajoutons que leur modèle de développement économique est moins agressif vis à vis de l’environnement, offrant un cadre de vie relativement préservé.

Zoom sur le Costa Rica, leader du HPI

Au Costa Rica, l’espérance de vie est de 78,5 ans, un chiffre qui reste assez élevé comparé aux autres pays du monde. Par ailleurs, dans ce pays, la majorité de l’électricité est produite à partir de sources renouvelables. L’air et la nature sont globalement préservés. Le gouvernement vise d’ailleurs un objectifs ambitieux : rendre le pays neutre en carbone d’ici 2021. Ces données permettent de mieux comprendre leur première place.

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Il faut noter que ce pays bénéficie de caractéristiques particulières puisqu’il dispose de nombreuses ressources naturelles et possède une population peu élevée. Ainsi, ce résultat est l’accumulation d’éléments particuliers qui ne sont pas liés à la richesse ou la réussite économique. Ce succès du Costa Rica s’explique également par la politique gouvernementale volontaire en matière environnementale et sociale. Ainsi, à côté d’un engagement fort dans le secteur des énergies renouvelables, le pays investit depuis longtemps dans des programmes de santé et d’éducation, financés avec de l’argent public.

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Des données à manier avec précaution

Si les pays occidentaux sont généralement bien classés en ce qui concerne l’espérance de vie et le bien être, ces résultats sont atteints au prix d’un impact environnemental important. Le HPI a le mérite de mettre en lumière cette réalité et de récompenser les pays dont le développement présent ne se fait pas au détriment des générations futures.

Cependant, ce type d’index, aussi pointu soit-il, reste à manier avec précaution, d’autant que le bonheur reste une notion très relative. Si dans le cas d’espèce il nous invite à regarder de plus près les politiques qui permettent d’aboutir à de tels résultats, il est nécessaire de rester critique vis à vis de ces données. En fin d’index, on trouve côte à côte le Tchad et le Luxembourg (ce dernier se retrouve à cette place en raison des fortes inégalités au sein du pays) : les problèmes de ces deux pays sont pourtant bien différents. Dans l’autre sens, la présence de la Palestine dans les 30 premières positions peut étonner, puisque la population subit un conflit majeur et permanent avec Israël ainsi qu’une situation politique très instable.

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De plus, en dépit d’un bilan favorable, le Costa Rica n’est pas sans défaut. Le pays garde de nombreuses ambitions industrielles. Par l’élimination des droits de douane et un régime fiscal favorable aux compagnies exportatrices (dont une exonération totale de l’impôt sur les bénéfices durant huit ans), le pays possède de nombreux parcs industriels ultramodernes où des entreprises étrangères comme IBM implantent leur production depuis quelques années. Sans même citer l’industrie du tourisme, le pays nage en plein paradoxe entre ses ambitions économiques et écologistes. Il est donc nécessaire de relativiser ces résultats. Les données ne reflètent que certains aspects du développement d’un pays et ne donnent pas d’indication sur le sort de minorités, le système en place ou encore l’existence de conflits sociaux et politiques.

Quoi qu’il en soit, l’Amérique Latine est certainement une région du monde dans laquelle les solutions de proximité ainsi que les initiatives visant à développer une économie locale et résiliente sont nombreuses et peuvent inspirer d’autres régions du monde. Une raison de plus de nous forcer à regarder par dessus l’ethnocentrisme atlantiste de notre imaginaire collectif.


Sources : happyplanetindex.org / theindependant.co.uk / weforum.org

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