France – Des documents de travail internes au ministère de la culture (31 pages au total), disponibles en ligne, dévoilent les réformes envisagées par Françoise Nyssen dans les mois et années à venir. Le mot clé ? « Économies » par une attaque de front contre la culture et ses institutions avec une réduction systématique des dépenses, jugées inutiles et superflues. Après la divulgation de ces documents, la Ministre a porté plainte contre X, pendant que d’autres pointent la volonté du gouvernement de réformer en force sans le moindre débat public.
Les documents dévoilés ces derniers jours par Le Monde et L’Humanité témoignent des plans de Macron et de son gouvernement pour, ou plutôt contre, la culture. Ceux parmi les électeurs qui attendaient une politique ambitieuse de la part du nouveau Président, risquent de « déchanter », commente le journal. Car c’est tout l’inverse qui s’annonce, au rythme de la rengaine aujourd’hui bien connue : privatisations, sous-traitance, licenciements dans tous les aspects de la culture.
Quand le devoir d’efficacité pénètre la culture
Concrètement, jusqu’à 350 emplois du ministère de la culture pourraient être supprimés, alors qu’il sera demandé aux musées nationaux de développer leur « autonomie » et donc de garantir leurs ressources propres (en pratique, encourager toujours plus les logiques marchandes dans le secteur du savoir). Alors que la Comédie française devra gagner en flexibilité, les archives nationales, elles, « doivent réduire leur champ d’archivage aux documents essentiels », pour des gains estimés à 7 millions d’euros en 5 ans. De nombreuses responsabilités seront données aux collectivités territoriales, sans que leur budget ne soit augmenté pour autant et alors qu’elles souffrent déjà des coupes successives. L’audiovisuel serait le grand perdant, avec la fusion annoncée de France 3 et France bleu par exemple ou encore la mutualisation des informations nationales et internationales chez France Télévision, pour réduire les dépenses des rédactions. Mais alors que ces chaînes traitent de sujets différents, à des échelles différentes, n’assiste-t-on pas à une destruction organisée d’une information de qualité, au bénéfice du privé ? Pour chaque mesure identifiée, le document liste même les conséquences sociales à prévoir. Ainsi en ce qui concerne la réduction des effectifs au sein du ministère, on peut lire « risque social important […] à considérable ». Pour ce qui est de l’autonomisation des musées, la « sensibilité sociale forte » de la mesure à été relevée.
« La contribution du ministère de la Culture pour l’horizon 2022, dont nous poursuivons la révélation, est marquée par la recherche systématique de réduction d’emploi et de coûts couverts par l’appel à l’autonomie des établissements et leur prise en charge par les collectivités territoriales » note Patrick Appel-Muler dans son éditorial dans l’Humanité, multipliant les mots durs à l’encontre du gouvernement en constatant « une volonté de casse sans précédent ».
Pourtant, si l’on retourne un peu en arrière Françoise Nyssen avait annoncé un renforcement du budget de la culture, avec une enveloppe de 10 milliards pour 2018, un niveau jamais atteint auparavant. Mais à la lecture des documents, difficile de nier que le gouvernement souhaite soumettre les institutions culturelles aux logiques managériales, comme l’est de plus en plus l’administration et le service public de manière plus générale, et à l’obligation d’être soutenables si pas rentables d’un point de vue économique. Certains y verront une contradiction profonde, car la culture est nécessairement ce qu’elle est en pouvant s’exprimer en dehors du dictat du marché, afin de ne pas devenir un simple produit de consommation comme les autres.
Vers un management d’entreprise dans la culture ?
En attendant, Françoise Nyssen assure que les éléments qui ont fuité ne sont que des « pistes » et que rien n’a été décidé. Nul doute que, si la voie envisagée est retenue, nous pourrions assister à une déliquescence de l’offre, ainsi qu’à une hausse du prix de la culture (et le gouvernement aura beau assurer le contraire), creusant un fossé déjà bien trop grand entre la partie de la population ayant accès aux infrastructures culturelles et celle qui s’en voit privées faute de moyen. En effet, on voit mal comment un retrait de l’État au profit des collectivités et la fusion des organismes puissent avoir l’effet contraire.
S’attaquer ainsi à la culture serait une nouvelle fois l’expression flagrante d’un manque de vision politique du gouvernement, pour qui l’État semble n’être qu’une entreprise comme une autre. La radicalité du projet, qui laisse l’observateur pantois : d’un côté on multiplie les cadeaux aux plus riches, de l’autre, le bien commun, les politiques sociales et ce qui agrège la société sont peu à peu abandonnés, le tout au nom d’impératifs économiques et budgétaires, sur fond vision dogmatique du libéralisme. Pourtant, à ce jour, l’objectif ne devrait-il pas être de rendre la culture accessible à tous, de la « démocratiser ». Pendant sa campagne, Emmanuel Macron affichait pourtant sa volonté d’ouvrir la culture à tous. Là voilà à nouveau invitée à se vendre aux plus offrants.
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Sources : lhumanite.fr / lemonde.fr / copie de la fuite