Bien que l’Amazonie s’étende sur un tiers des terres émergées sud-américaines, elle représente moins de 5 % de leur PIB. Son activité dans la séquestration de CO2, la production d’oxygène et le maintien des eaux propres au niveau planétaire est pourtant cruciale et inestimable. Réserve exceptionnelle de plantes et d’animaux, elle est aussi la matrice de près de 500 langues et peuples amérindiens aujourd’hui menacés par la marche du soi-disant « développement ». Pourtant, des résistances se font jour au cœur de la forêt…

À travers le « Projet Waraná » mis en place avec le réseau Altromercato en Italie, Guayapi en France et l’association Slow Food International, les Indigènes brésiliens Sateré Mawé construisent une alternative locale à cette prédation environnementale par les multinationales comme source unique de développement économique et soi-disant social.

La waraná, qu’es aquò?

D’après leur mythologie fondatrice, les Mawé descendent d’un enfant qui fut tué par ses oncles, jaloux, puis ressuscité dans le jardin originel de Noçoquem. De l’un de ses yeux, planté comme une graine par sa mère chamane Unhamuaçabê, a germé la première plante de guaraná. Le guaraná (waraná en langue indigène, signifiant « principe de toute connaisance ») a été cultivé naturellement pendant des siècles, voire des millénaires, en Amazonie centrale du Brésil actuel, dans la zone située entre les fleuves Madeira et Tapajos.

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Les Indiens Mawé qui l’habitaient avaient coutume de planter le waraná dans leurs forêts ancestrales avec lesquelles ils vivaient en symbiose. La liane, domestiquée en arbuste, fut classifiée au XVIIIème siècle par le botaniste Christian Franz Paullini, puis au XIXème siècle par Theodor von Martius, sous le nom latin de Paullinia cupana var. Sorbilis. Au cœur de cette région interfluviale, un territoire grand comme la Corse (7 800km²) formé autour des sources des rivières Andirá et Marau, fut démarquée entre les années 1983 et 1988 comme « Terre Indigène ». Ses habitants l’appellent aujourd’hui « le sanctuaire écologique et culturel du véritable waraná Sateré Mawé ».

Traditionnellement, les graines de cette liane sauvage sont râpées en une poudre dissoute dans l’eau lors d’un usage rituel (waraná hy) mais d’autres types d’usages gastronomiques sont autorisés. L’extrait est utilisé pour faire des sirops et des boissons. La poudre est quant à elle valorisée comme épice dans différentes préparations culinaires. Le waraná est la base des pratiques politico-religieuse des Mawé, jouant une fonction similaire au vin dans la société chrétienne et la liturgie.

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En pratique, la plante concentre dans ses graines des tétraméthylxanthines, mélange en bonne quantité de molécules comme la guaranine (proche de la caféine), la théophylline et la théobromine à hauteur de 5 à 6 %. Celles-ci, lorsqu’elles sont alliées aux tanins traditionnellement présents à hauteur de 10 %, ainsi qu’aux saponines comme la timbonine en présence, en font à la fois un psychoactif très efficace mais sans les effets excitants du café et une plante somatique dont les effets se rapprochent du ginseng.

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Naissance d’un projet amazonien de commerce équitable

Le Projet Waraná, amorcé en 1995 implique plus de 13 000 Sateré Mawé répartis dans plus de 100 villages, organisés aujourd’hui en Consortium des Producteurs (CPSM). Le but affiché est de protéger l’authentique guaraná produit dans ses terres d’origines par les sélectionneurs historiques de l’espèce, les découvreurs de ses bénéfices, les inventeurs des meilleures techniques pour sa culture et transformation, experts dans l’art de sa consommation. Au-delà de la préservation de la culture et la science des « fils du waraná », la Sentinelle se bat aussi pour protéger la survie de l’espèce qui risque un appauvrissement génétique généralisé, menacée par les multinationales et les organismes de recherche agronomique brésiliens. Ceux-ci veulent imposer des monocultures de type industriel basées sur l’utilisation de semences hybrides et l’utilisation de produits agrotoxiques.

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Étroitement liée au waraná, la production de miel issu des abeilles natives est au cœur d’un autre mythe indigène. Lorsque Anumaré Hit monta au ciel, transformé en soleil, il invita sa sœur Unhawamoni à le suivre. Elle hésita, puis choisit finalement de rester sur terre sous la forme d’une abeille, afin d’aider les Sateré Mawé à prendre soin des forêts sacrées du guaraná.

Le monde abrite près de 20 000 espèces d’abeilles. Parmi celles qui forment des colonies, entre 300 et 400 sont sans dard et appartiennent au genre mélipone. 200 d’entre elles vivent en Amazonie ! Ces abeilles sont responsables pour 80% de la pollénisation des arbres natifs de la forêt amazonienne, tout en aidant à maintenir la diversité des plantes et des animaux qui peuplent la forêt. Les abeilles canudo y produisent un miel local d’une grande qualité. Avec sa composition liquide, en Europe, on l’appellerait nectar. L’association Sentinelle Slow Food  cherchent à transformer graduellement ce produit, aujourd’hui principalement consommé au sein des communautés, en une nouvelle ressource économique pour sauvegarder les Sateré Mawé.

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Ces deux produits Sentinelles de Slow Food s’insèrent dans une politique plus globale, qui a pour objectif d’atteindre l’auto-détermination des Sateré Mawé en tant que peuple libre et souverain. Réduits à moins de 300 personnes à la fin du XIXème par un quasi-génocide, à la merci des intermédiaires commerciaux brésiliens appelées regatões ou des barons du caoutchouc au début du XXème, les Sateré Mawé ont, comme presque tous les peuples autochtones du globe, été historiquement marginalisés, si pas exterminés. L’ère moderne ne les épargnera pas. Dans les années 1980, ils déboutent Elf Aquitaine (aujourd’hui Total) qui, alliée à l’entreprise nationale brésilienne Braselfa (actuelle Pétrobras), cherchait du pétrole dans leur sous-sol à force de déforestation, dynamites et corruption.

Pour se protéger, en 1987, les Sateré Mawé fondent le Conseil Général des Tribus Sateré Mawé (CGTSM) pour s’organiser collectivement, à travers l’alliance des nations indigènes ou clans (les ywania) et défendre leurs droits. En 1995, le Conseil lancent enfin le Projet Waraná afin de garantir l’autonomie économique des producteurs Sateré Mawé, grâce à l’appui d’une ONG amazonienne, Acopiama et à l’initiative d’un leader indigène. Le waraná des Sateré Mawé est alors exporté sous forme d’extrait pour les sodas dans les boutiques de commerce équitable italiennes puis rapidement en France.

Aujourd’hui 500 producteurs sont enregistrés dans le Consortium des Producteurs Sateré Mawé (CPSM). Afin de revitaliser la culture du waraná, le Projet Waraná vise, à travers la vente des ses produits, à mettre en place un « ethnodéveloppement intégré du peuple Sateré Mawé » qui serait répliqué à l’échelle de la Terre Indigène Andirá-Marau et au sein des villages. Quelques unes de ses actions sont la mise en place d’une Université Indigène Sateré Mawé qui garantit leur éducation traditionnelle différenciée, la certification biologique et de commerce équitable de leur production, la création d’un protocole de production afin de recevoir des certifications internationales (Origine Protégée) et l’organisation d’assemblées axées sur l’échange de semences autochtones dans le but de revaloriser la gastronomie traditionnelle ancestrale des Indiens.

Une reconnaissance officielle

En 2015, Claudie Ravel, soutenant au quotidien le combat du peuple Sateré Mawé à son échelle, est nommé Chevalière de l’Ordre du Mérite en reconnaissance de son activité de commerçante militante avec Guayaypi. En 2016, le CPSM et Guayapi lancent un financement participatif de la prochaine récolte 2016-2017 du waraná des Indigènes Sateré Mawé, avec un prêt rémunéré à 2 %, afin de diversifier leurs sources de financement et afin de communiquer plus largement sur le Projet Waraná. La campagne est couronnée de succès, la somme de 30 000€ ayant été atteinte. La sérénité de cette tribu indienne d’Amazonie semble bien engagée.


Sources : campagne (réussie) de financement participatif sur Blue BeesNusoken.com / Altermondes / Altromercato / Guayapi / Toutes photographies à la discrétion de Projet Waraná.

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