Chronique d’une victoire citoyenne contre la pêche électrique, Watt the Fish propose de suivre le combat de pêcheurs et ONG dans les méandres du parlement européen. Adoptant principalement le point de vue des pêcheurs, les réalisateurs Dorian Hays et Emerick Missud nous proposent une véritable immersion dans leur quotidien.
Le 13 février 2019, après deux années de bataille, les opposants à la pêche électrique obtiennent finalement l’interdiction de cette pratique de la part du Parlement européen qui a entériné la décision de manière définitive le 16 avril dernier. Un véritable soulagement pour les professionnels qui ont tout mis en œuvre pour faire cesser une pratique jugée déloyale envers les plus petits pêcheurs, qui sont à armes inégales face à la pêche industrielle. Un soulagement également pour les défenseurs de l’environnement, qui ont souligné à plusieurs reprises les conséquences néfastes de la pratique sur la biodiversité et l’environnement. Dans Watt The Fish, Dorian Hays et Emerick Missud nous proposent de revivre les coulisses de cette victoire depuis l’intérieur.
Pêche électrique : une technique mise en cause
Objet de nombreuses controverses pendant ces derniers mois, la pêche électrique (ou pêche à impulsion électrique) est pourtant en principe interdite au sein de l’Union européenne depuis 1998. Mais le procédé connaît depuis 2006 une dérogation accordée aux Néerlandais pour 5 % de leur flotte. La technique consiste à produire un courant électrique de faible intensité au niveau d’un chalut qui racle le fond marin. Les poissons sont paralysés par ce courant, ce qui les contraint à quitter le fond, les propulsant directement dans les filets du chalut. Les pêcheurs qui ont recours à cette méthode défendent un système qu’ils décrivent comme plus économique, mais qui est surtout bien plus rentable que les autres techniques de pêche.
De nombreuses ONG, Bloom en tête, dénoncent que la pêche électrique est une catastrophe écologique et une véritable menace pour les fonds marins ainsi que leur biodiversité. Par ailleurs, la dérogation accordée aux Pays-Bas n’a pas été respectée par le pays, puisque selon Bloom, au lieu des 15 navires armés de chaluts électriques, ce sont pas moins de 84 qui sillonnaient les eaux avec une autorisation. Enfin, de nombreux pêcheurs constatent que là où les chalutiers à pêche à impulsion électrique sont passés, les populations de poisson ont largement diminué. Qu’en dit la science ? Les études à large échelle sont encore rares, mais les premiers tests ont montré que ce type de pêche peut avoir des incidences sur la croissance et la fertilité des poissons, cause des blessures, ainsi qu’une mortalité prématurée.
Une campagne suivie de l’intérieur
« On a eu la chance de suivre la campagne contre la pêche électrique du début à la fin », explique Pierre Bollerot, membre de In Focus, association spécialisée dans les films ainsi que les documentaires sur des causes sociales et environnementales et qui produit Watt The Fish. « On suit les pêcheurs qui souffrent de la concurrence en quelque sorte déloyale de la pêche électrique et qui se sont trouvés dans une situation inextricable au niveau européen », précise-t-il. Le documentaire interroge par ailleurs le fonctionnement des institutions politiques : « comment se fait-il qu’un principe d’innovation puisse primer sur le principe de précaution ? », se demande Pierre Bollerot. Désormais, il espère que cette victoire puisse encourager d’autres mobilisations citoyennes d’envergure.
Synopsis du documentaire :
« D’année en année, le constat s’aggrave : la Mer du Nord se vide de ses poissons. C’est la profession même de pêcheur artisan, qui se transmettait de génération en génération qui est aujourd’hui menacée de disparition. Pourtant, des voix s’élèvent et l’indignation se fait entendre. Un combat se dessine : mettre un terme à la pêche électrique, une technique de pêche qu’on accuse de détruire la biodiversité marine et son renouvellement. Des ports de pêche aux couloirs du Parlement Européen, Watt the Fish raconte l’histoire des militants et des pêcheurs qui se retrouvent dans un combat déséquilibré mais essentiel, opposant deux visions du monde : le durable face au rentable. »
Pour aider à la diffusion du documentaire, une campagne de financement participatif est actuellement en cours. Pour aider à la réalisation du projet, c’est ici.
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