Si le stop est devenu une pratique courante sur nos routes, c’était sans compter sur Mezerg, artiste passionné qui n’a pas pu s’empêcher d’apporter un peu d’incongru à la chose en inventant… le PianoStop ! L’idée, on l’aura compris, c’est tout le principe du stop, mais en ajoutant une contrainte supplémentaire puisque Mezerg et son acolyte Vini se déplacent avec leur piano. Et pour rajouter à la difficulté, les deux aventuriers ont décidé de privilégier les longues distances puisqu’ils sillonnent actuellement les routes pour rejoindre le Sziget Festival de Budapest, depuis Bordeaux. Face à cette démarche pour le peu inhabituelle, nous avons souhaité nous entretenir avec ce « PianoBoomboomiste », comme il se qualifie, et nous n’avons pas été déçus du voyage car derrière cette démarche incongrue se cache un véritable engagement artistique et humain.

Le concept ?

Il est vrai qu’on peut se demander ce qui peut bien amener deux amis à se lancer sur les routes avec leur piano, traverser des pays entiers, braver toutes les conditions climatiques, dire adieu à leur confort et s’ouvrir à toutes sortes de galères possibles et imaginables. Après discussion avec Mezerg, on répondra bien volontiers que c’est le goût de la musique et de l’aventure ! Une idée qui a germé dans l’esprit de notre PianoBoomBoomiste il y’a plus d’un an.

« Le projet est né en septembre 2016, lorsque je voulais rapatrier mon piano de Bordeaux à Paris. N’ayant pas beaucoup d’argent, j’ai eu l’idée saugrenue d’y aller en stop. J’avais trois jours pour organiser ça. Le second jour, j’ai décidé d’abandonner, la tâche nécessitant une préparation trop conséquente et j’ai loué un camion. Mais à ce moment là, je pense avoir trouvé un beau projet qui tient la route (c’est le cas de le dire). Je me suis donné près d’une année pour le réaliser à l’été 2017. Il ne restait plus qu’à trouver une destination. »

Et l’idée de la destination ne tarde pas à arriver. Mezerg se souvient avoir rejoint le Sziget Festival de Budapest depuis Bordeaux il y a déjà quatre ans, en AutoStop, avec son acolyte Vini. Ils décident ensemble de retenter l’aventure en ajoutant cette fois un troisième voyageur, le piano. Après avoir réglé la question logistique afin de pouvoir le transporter facilement, ils se sont donc lancés sur les routes en se donnant trois semaines pour atteindre leur destination. Au moment où nous leur parlons, les deux acolytes et leur piano se trouvent à Vienne, à 300km de Budapest et à 6 jours du début du festival. Et si parcourir 300km en 6 jours reste amplement faisable dans des conditions normales, en PianoStop, ils le savent, rien n’est moins sûr…

C’est le début d’une longue aventure ponctuée de galères. Si Mezerg et Vini s’étaient préparés à poiroter de longues heures sur le bord de la route, à devoir marcher avec le piano ou rester des jours au même endroit, il savent qu’ils n’ont pas encore tout vu. Les débuts ont d’ailleurs été difficiles, comme nous le raconte Mezerg, car il a fallu un peu de temps avant de trouver la bonne façon d’impliquer les gens sur la route.

« On découvre alors la réaction des gens, qui est un mélange de pitié, d’incompréhension, d’émerveillement. Sur la route, là encore, personne n’y croit. Après 7h d’attente sous 36°, on commence à se remettre en question. On se demande si on ne s’est pas planté. Nous faisions au début du PianoStop comme on fait de l’auto stop, en tendant le pouce. Mais il fallait amuser et rassurer les gens du mieux possible. Nous décidons donc de réaliser une pancarte avec écrit « on charge le piano nous-même ». Vini tend la pancarte, je me mets au piano, et on découvre de nouvelles sensations. Les voitures commencent a klaxonner, les gens ont le smile. On le retrouve nous aussi, les retours sont bons et 1h plus tard, c’est banco! »

C’est parti pour l’aventure, et à chaque arrêt Mezerg joue du piano quasiment en continu. Mini-concerts aux péages, dans des stations de lavage désaffectées, dans des zones commerciales, des campings… la musique attire les voyageurs que les deux acolytes rencontrent sur la route et une entraide se met en place. Concerts en échange de nuits de camping, hébergement chez l’habitant, organisation de tous pour permettre à Vini et Mezerg d’arriver à bon port. Comme l’Auto Stop, le PianoStop offre les conditions d’une véritable aventure humaine, et de partir à la découverte de l’autre. 

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Redonner à la musique sa spontanéité

Mais la démarche de Mezerg est un véritable projet artistique à part entière. Pour cet artiste qui aime réfléchir à l’envers et trouver des solutions alternatives, le PianoStop est une façon d’allier l’art à la logistique du quotidien afin de créer du beau, du nouveau. « À force d’acheter des pianos à droite et à gauche, de devoir les transporter, les monter dans des camions, je trouvais que cette logistique était belle, presque artistique. Je voulais donc replacer la logistique dans le processus artistique, la rendre belle en en faisant une œuvre d’art a part entière. Partir en PianoStop représentait l’aboutissement de cette idée là. Dans ce voyage musical, tout n’est que logistique. » nous confie-t-il.  

Mais ce projet est aussi la preuve d’un double engagement. Il représente tout d’abord le pari de dépoussiérer le piano, en le sortant de sa condition de meuble. Sur une étude qu’il a réalisée à Bordeaux, Mezerg s’est rendu compte que sur 50 personnes détentrices d’un piano, 36 ne s’en servaient plus, le relayant à la simple condition de meuble. Hormis cette aventure de trois semaines, il s’est également mis en tête d’agir pour déraciner le piano et lui faire voir du pays en inventant le concept de PianoToutTerrain, avec les festivals « Sur les Rails » et « Sur la Flotte » où ils investissent les transports en commun de la ville, en musique. Le but étant de se réapproprier l’espace public en proposant quelque chose de différent.

Un concept qui a aussi pour objectif d’amener la musique à des endroits où les gens ne s’y attendent pas, où ils ne se considèrent pas comme public. Les péages, les stations service, les parking… Mezerg apporte une autre façon de concevoir la musique et propose une prise de risque en faisant en sorte que l’instrument s’adapte à son environnement et en invitant le public à apprécier différemment la musique.

Et s’il est encore en pleine aventure, il pense déjà à ce qui vient ensuite. Une autre édition du festival « Sur les Rails » dans le TGV cette fois, et la création d’un troisième festival dans les bus. Puis, dès le mois de septembre, il va investir les rues avec un projet de « Street Learning » sur Paris, avec comme but d’apprendre quelque chose dans la rue, en interaction avec les passants. Nos amis bordelais et parisiens l’auront bien compris, ils n’ont pas fini d’entendre le son de Mezerg !


Page Facebook Mezerg / Propos recueillis par Mr Mondialisation

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