Ce 31 juillet, Wikileaks a mis en ligne sur son site 71 000 fichiers issus du Macron Leaks, intervenu deux jours avant le second tour de la présidentielle 2017. Le site de Julian Assange a authentifié environ 21 000 de ces documents (parmi 71.848 considérés comme fiables), et mis en place un moteur de recherche permettant un accès simplifié aux données. Des informations qui n’ont rien de personnelles et révèlent la face cachée d’une opération politique et commerciale rondement menée. Les données sont aujourd’hui cruciales pour comprendre les rouages et limites de l’appareil démocratique contemporain.

Intervenu à quelques heures du second tour des présidentielles, les MacronLeaks s’étaient immiscés dans la campagne présidentielle avec beaucoup d’ambiguïté. Sur fond de front républicain, le timing avait « empêché » la presse d’analyser les documents honnêtement et l’origine de la fuite était incertaine. Par ailleurs, si la rumeur des hackers russes est rapidement tombée à l’eau, de faux documents circulaient en marge de la fuite en vue de discréditer En Marche !, ou, au contraire, pour dérouter les hackers comme les lecteurs.

Comme si de rien n’était

Si la prudence est donc de mise, la publication des documents par Wikileaks ne fait l’objet que d’une faible couverture médiatique à ce jour. En plein creux de l’été, on constate en outre que de nombreux journaux médiatisent le fait avec réticence, et évitent soigneusement de plonger dans le fond du sujet, se contentant de commenter sa diffusion. Ainsi, comme le fait Le Monde, la presse se borne à rappeler le contexte dans lequel ces documents avaient été publiés le 5 mai, ainsi que l’enquête judiciaire qui a été lancée à la demande d’En-marche !. Des exposés de surface et non analytiques auxquels se sont également livrés les journaux Le Figaro (qui parle d’opération de déstabilisation politique) et Marianne.

Pourtant, depuis mai, on en sait plus sur ces documents et leur contenu. Ainsi, contrairement à ce qui avait été suggéré dès le départ – thèse immédiatement exploitée pour évoquer une tentative d’ingérence et de déstabilisation extérieur -, le lien entre la Russie et la publication n’a pas pu être confirmé à ce stade de l’enquête de l’ANSSI, l’agence Nationale de sécurité des systèmes d’information. Au contraire, tout suggère qu’une seule personne soit à l’origine de l’attaque informatique. Qui plus est, ces documents étaient déjà à la base de révélations pertinentes, comme par exemple une enquête réalisée par Médiapart qui expose comment En Marche ! a pu faire d’importantes levées de fonds par l’intermédiaire « [d’]un puissant réseau de banquiers d’affaires ». Connaître qui finance les figures majeures du monde politique semble une information capitale pour garantir une démocratie saine et fonctionnelle. Mais, contrairement aux fuites sur l’évasion fiscale, les Macronleaks semblent toujours générer une levée de boucliers difficiles à percer.

Dans les coulisses de la campagne présidentielle

De fait, la presse aurait tord de ne pas s’intéresser au contenu des Macron leaks : en effet, comme pour l’enquête de Médiapart, il s’agit de comprendre les réseaux d’influence à l’origine du succès écrasant d’En Marche !, ainsi que les manœuvres politiques effectuées pour remporter la présidentielle, deux sujets qui interrogent directement le fonctionnement de notre démocratie ainsi que le fonctionnement des sphères de pouvoir. Pour cause, pendant sa campagne, Emmanuel Macron a mobilisé des moyens hors normes et aggloméré autour de lui les soutiens des pontes de l’économie et de la sphère médiatique, suggérant que la prise de pouvoir est loin d’être une simple histoire de débat d’idées et de liberté individuelle.

Par ailleurs, suite à la mise en ligne des documents par Wikileaks, le média indépendant Arrêt sur Images s’est penché sur la campagne de communication à destination de la presse organisée par le mouvement « Les jeunes avec Macron ». Une campagne savamment orchestrée pour que les médias mainstream assimilent et reprennent les éléments de langage élaborés et réfléchis par le mouvement lui même. Mais les 20 000 documents authentifiés, une quantité très importante d’informations, promettent de révéler d’autres détails sur l’envers du décors de la campagne. Encore faut-il que des journalistes s’activent à la tâche.

Extrait en vérification / Source : https://wikileaks.org/macron-emails/emailid/71744

La Poste et vos informations privées

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D’autres fils de mails pourraient désormais faire l’objet de nouvelles enquêtes par les divers médias indépendants qui voudraient y plonger les mains. Ainsi, des documents indiquent que La Poste aurait collaboré au mouvement En Marche ! en vendant des adresses postales afin d’adresser de manière ciblée un courrier de propagande électorale à environ 500 000 artisans. Dans ce courrier signé par Emmanuel Macron, ce dernier a pu faire part de son projet politique déclaré en faveur des indépendants. Cette information interroge sur les moyens financiers monumentaux mobilisés par En Marche ! (au moins 280 000 euros pour cette seule opération), mais aussi sur la vente de données personnelles d’une entreprise vers le monde politique, une pratique pour laquelle le service français avait déjà été épinglé par l’émission d’Elise Lucet, Cash investigation.

Enfin, certains documents permettent de faire le lien avec d’autres méthodes de ciblage, pour atteindre les électeurs indécis, dont de vastes campagnes téléphoniques aux budgets colossaux ou encore le ciblage quasi-sociologique des électeurs. La problématique dépasse de loin le cas d’école d’En Marche. Ces méthodes calquées sur le modèle américain questionnent une démocratie bien peu représentative dans laquelle les partis politiques dressent des arguments sur mesure et individualisés, selon le profil de la personne à laquelle le message s’adresse.

Ce phénomène enlève sa substance à la politique, qui n’a plus rien d’une question de société, mais entre dans le domaine du marché, l’électeur étant réduit à une simple cible commerciale dont la « capture » dépendra de la technique et de la quantité d’argent investie en elle par un parti quelconque. Le débat démocratique, la confrontation des idées, le sens de la politique citoyenne dans la cité, eux, repasseront. Toutes les raisons existent donc pour s’intéresser au leak, véritable témoignage de ces transformations qui bousculent nos institutions. De son côté, le parti d’Emmanuel Macron entend en informer le procureur de la République dans le cadre d’une plainte déjà déposée et en cours d’examen.


Source : wikileaks.org

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