Conflits armés, chocs économiques, bouleversements climatiques… Les causes de la faim dans le monde sont nombreuses et malheureusement persistantes. Le dernier rapport mondial sur les crises alimentaires (GRFC), publié le 24 avril dernier, dépeint la gravité de la situation : à travers les 59 pays étudiés, plus d’une personne sur cinq est victime de la faim en 2023, contre environ une personne sur dix dans 48 pays en 2016.

« Dans un monde d’abondance, les enfants meurent de faim », constate amèrement António Guterres, secrétaire général des Nations Unies, pour qui ce nouveau rapport sur les crises alimentaires mondiales « dresse un bilan des échecs humains ». Et pour cause : près de 282 millions de personnes, répartis dans 59 pays et territoires, ont connu des niveaux élevés de faim aiguë en 2023, soit une augmentation mondiale de 24 millions par rapport à l’année précédente.

La faim gagne du terrain

Si cette hausse est due en partie à la couverture géographique accrue du nouveau rapport, elle s’explique également par une forte détérioration de la sécurité alimentaire dans plusieurs parties du globe, notamment dans la bande de Gaza et au Soudan. Depuis la crise sanitaire de 2020, la pression ne diminue pas : près de 22% des personnes évaluées cette année sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, dépassant largement les niveaux d’avant la propagation du COVID-19. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) détaille dans un communiqué :

« Les enfants et les femmes sont en première ligne de ces crises alimentaires, avec plus de 36 millions d’enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition aiguë dans 32 pays différents »

Pour rappel, la sécurité alimentaire se définit comme une situation permettant à tout moment et à tous les individus « un accès physique, social et économique à une nourriture suffisante, sûre et nutritive qui répond à leurs besoins alimentaires et à leurs préférences alimentaires pour une vie active et saine ». A contrario, l’insécurité alimentaire survient lorsqu’une, plusieurs ou toutes ces dimensions – disponibilité, accès, utilisation et stabilité – sont perturbées, que ce soit par des chocs ou d’autres facteurs.

Conflits, chocs économiques et bouleversements climatiques en cause

Concrètement, les conflits restent la première cause d’insécurité alimentaire, affectant une vingtaine de pays à travers le globe et près de 135 millions de personnes. En particulier au Moyen-Orient, où « la bande de Gaza compte le plus grand nombre de personnes confrontées à une famine catastrophique jamais enregistrée par le Rapport mondial sur les crises alimentaires, alors même que les camions humanitaires bloqués font la queue à la frontière », expliquent les experts. En Afrique du Nord, « le conflit au Soudan a créé la plus grande crise de déplacement interne au monde, avec des conséquences atroces sur la faim et la nutrition, en particulier pour les femmes et les enfants ».

Parallèlement, des évènement météorologiques extrêmes menacent plus de 77 millions de personnes dans 18 pays différents. Alors que l’année 2023 fut la plus chaude jamais enregistrée, les conséquences du phénomène El Niño risquent encore de se manifester « tout au long de l’année à venir », annoncent les scientifiques.

Finalement, les chocs économiques ont causés la faim de 75 millions de personnes dans 21 pays, « en raison de leur forte dépendance à l’alimentation et aux intrants agricoles importés et de défis macroéconomiques persistants, notamment la dépréciation de la monnaie, les prix élevés et les niveaux d’endettement élevés ».

Les « saisons de la faim »

Au delà de ces évènements plus ou moins temporaires, une « faim prolongée » se fait sentir dans plus de 35 pays, présents dans les analyses du GRFC depuis 2016. « L’une des formes d’insécurité alimentaire chronique les plus courantes (…) sont les saisons de la faim cycliques et récurrentes », indiquent à ce propos les auteurs de l’analyse.

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En effet, dans les régions où l’agriculture vivrière constitue le principal moyen de subsistance, les réserves alimentaires produites localement ne suffisent souvent pas jusqu’à la récolte suivante. Par conséquent, les ménages doivent acheter de la nourriture sur le marché, alors même que les opportunités de génération de revenus sont pour elles largement limitées.

« Les prix des produits alimentaires atteignent alors un sommet saisonnier en raison de l’augmentation de la demande et de la réduction des approvisionnements locaux »

Alors que les estimations indiquent qu’environ 310 millions de personnes dépendent directement de l’agriculture, de la pêche ou de la foresterie locale dans les 59 territoires étudiés par le GRFC, le risque d’un cercle vicieux de la faim saisonnière est bien réel.

Transformer en profondeur les systèmes alimentaires

Face à ces constats alarmants, le Réseau mondial contre les crises alimentaires appelle de toute urgence à « une approche transformatrice intégrant des actions de paix, de prévention et de développement aux efforts d’urgence à grande échelle pour briser le cycle de la faim aiguë qui reste à des niveaux inacceptablement élevés ». Les aides d’urgence, si elles contribuent évidemment à sauver des vies dans l’immédiat, ne suffisent pas à endiguer l’ampleur du phénomène.


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Pour António Guterres, cette crise exige une réponse structurelle, urgente et collective. « Il sera vital d’utiliser les données contenues dans ce rapport pour transformer les systèmes alimentaires et s’attaquer aux causes sous-jacentes de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition », conclut-il.

Le rapport, paru le 24 avril dernier, est produit par le Réseau mondial contre les crises alimentaires, une initiative multipartite portée notamment par la FAO, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), ainsi que l’Union européenne.

– L.A.


Photo de couverture : Pexels

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