Les défenseurs de l’environnement sont-ils une « espèce » en danger ? À travers le monde, des dizaines d’activistes payent de leur vie ce engagement en faveur de la défense de l’environnement et de la protection des terres. Dans un rapport intitulé « On dangerous ground », l’ONG Global Witness dresse un bilan mondial des crimes commis à l’encontre de militants au cours de l’année dernière, 2015. Elle expose de manière chiffrée et détaillée les conséquences édifiantes de l’inaction gouvernementale ainsi que de l’impunité des assassins et des entreprises dont ils défendent les intérêts.

2015 a donc été une année particulièrement meurtrière pour les défenseurs de l’environnement. Selon un rapport publié par l’ONG Global Witness et relayé par le journal Le Monde, au moins 185 personnes ont été tuées en raison de leur engagement pendant cette année. Un chiffre en forte hausse par rapport à 2014, année pendant laquelle 116 personnes disparaissaient pour ces mêmes raisons. Ce rapport pour l’année 2014 intitulé « How many more ? » (combien d’autres?) avait déjà marqué l’opinion publique. Malheureusement, pas assez pour inverser la vapeur.

Comme Jairo Sandoval Mora au Costa Rica ou Berta Cáceres au Honduras, des activistes sont donc assassinés de manière régulière : en moyenne, pas moins de trois par semaine dans le monde. Et pour cause, leur combat ne plaît ni aux contrebandiers, ni aux organisations mafieuses, ni à certaines entreprises, bref, aux acteurs dont le business repose sur l’exploitation de ressources. En l’absence de protection et en raison de la faiblesse des institutions de certains pays, ces crimes sont perpétrés pratiquement en toute impunité.

12814467_1293152040701199_4332456175541096210_nAssassinat de la militante écologiste et humaniste Berta Cáceres en mars 2016

« On dangerous ground » un rapport accablant

L’ONG Global Witness et ses membres luttent eux aussi contre le pillage des ressources naturelles dans les pays du Sud en publiant des rapports réguliers sur les activités industrielles nocives pour l’environnement et la corruption. De cette façon, l’organisation mène des « campagnes pionnières contre les conflits et la corruption liés aux ressources naturelles ainsi que contre les violations des droits environnementaux et des droits de l’homme qui y sont associées ».

Depuis 2002, elle publie annuellement un rapport sur l’assassinat d’activistes environnementaux. Le bilan de ces travaux est inquiétant : en l’espace de 10 ans, entre 2002 et 2013, ce sont 900 personnes qui ont été assassinées. Des assassinats qui ont lieu sur fond de lutte pour la préservation des forêts, de combats contre la construction de barrages et de manifestations contre les destructions et les pollutions engendrées par des exploitations minières.

L’ONG pointe directement du doigt certaines entreprises, mais également les gouvernements qui, selon elle, se montrent trop passifs. Il est rare que des poursuites soient engagées puisque les politiques refusent souvent d’entamer des investigations sérieuses. Et même lorsque les assassins sont rattrapés par la justice, les commanditaires ne sont le plus souvent pas inquiétés.

Global Witness souligne à plusieurs reprises que les intérêts des entreprises en cause et ceux des États dans lesquels les ressources sont exploitées coïncident étrangement. D’autant que les enjeux économiques sont souvent importants. Dans plusieurs cas, les informations disponibles et récoltées laissent suggérer une implication indirecte des gouvernements. Ce qui explique probablement pourquoi ces activistes se retrouvent souvent isolés dans leur combat.

- Pour une information libre ! -Soutenir Mr Japanization sur Tipeee

L’organisation regrette que la situation risque de ne pas s’améliorer à l’avenir. En effet, l’ONG indique : « Alors que l’impunité reste la règle, les activistes sont de plus en plus traités comme des criminels. En particulier en Afrique, les gouvernements ainsi que des groupes ayant des intérêts financiers utilisent leur influence pour marginaliser l’action des activistes et dresser l’opinion publique contre eux en les accusant de s’opposer au développement économique du pays* ».

Des chiffres qui font froid dans le dos

Au total, 185 assassinats ont été recensés en 2015. Le Brésil, avec 50 assassinats, prend la tête de ce classement macabre, suivi par les Philippines, où 33 cas ont pu être identifiés. Vient ensuite la Colombie où 26 activistes auraient été tués. Parmi les victimes, on trouve majoritairement des membres de populations qui souffrent déjà des exploitation illégales : en effet, il s’agit à 40% de personnes issus des populations indigènes. Ces activistes dénoncent pourtant des activités illégales. Au Brésil par exemple, l’ONG estime que 80% de l’exploitation forestière se fait en infraction avec la loi.

Ces chiffres sont certainement en deçà de la réalité et ne reflètent qu’une partie du sombre tableau. Gobal Witness regrette en effet la difficulté qu’elle rencontre à trouver des informations complètes. La sensibilité des informations traitées et le nombre relativement faible d’organisations indépendantes en sont la principale cause.

militants_tues

Appel à la transparence et au respect des droit humains

Afin d’endiguer le phénomène particulièrement inquiétant, l’ONG propose aux gouvernements, aux entreprises ainsi qu’à la communauté internationale de prendre des mesures concrètes : mieux protéger les droits des activistes, ouvrir des enquêtes afin de poursuivre les criminels, ne plus donner ce sentiment d’impunité et de toute puissance aux entreprises incriminées ou encore soutenir les familles de victimes. Par ailleurs, aucune avancée ne pourra être obtenue tant que les droits des populations indigènes ne seront pas pleinement respectés.

L’urgence d’une prise de conscience et d’une action internationale se fait sentir tout le long du rapport. En guise de conclusion l’ONG indique d’ailleurs de manière alarmante : « L’augmentation du nombre d’assassinats de défenseurs de l’environnement est symptomatique d’une tendance plus générale qui voit les droits humains bafoués et la société civile réprimée dans de nombreux pays. ».* Une évolution qui ne prête pas à l’optimisme.


Sources : globalwitness.org / lemonde.fr

*Traduction depuis l’Anglais par Mr Mondialisation

- Cet article gratuit et indépendant existe grâce à vous -
Donation