Le film 600 euros, comédie dramatique française réalisée par Adnane Tragha, sortira en salles le 8 juin 2016. Un film indépendant, brut, urbain, au plus près des problèmes et questions du quotidien, emmené par une bande-son signée Ridan. En tant que soutiens du film, nous avons eu la chance de le voir en avant-première et d’échanger avec le réalisateur.

Synopsis

Alors que la campagne présidentielle bat son plein, Marco, qui a longtemps milité, a décidé de ne pas voter. A la fois déçu par la politique et embourbé dans des problèmes d’argent, il tourne peu à peu le dos à notre société. A l’approche de la quarantaine, Marco fait un premier bilan de sa vie. Il sent qu’elle lui échappe et considère qu’il a échoué. Alors qu’il se voyait vivre de sa musique, il se retrouve endetté, survivant grâce aux prestations sociales et seul au monde. Marco fait la connaissance de Leïla, une jeune étudiante pour qui ces élections sont porteuses d’espoir. Elle vote pour la 1ère fois et vit cette campagne intensément. Elle encourage Marco et lui redonne confiance.

Jacques, un voisin de Marco, est au chômage depuis de nombreuses années. Il vient de perdre sa femme et se renferme sur lui-même. Il refuse de revoir sa fille, Cynthia, qui a choisi Moussa, un homme trop différent de lui. Tuant l’ennui devant sa télévision, il se laisse séduire par le discours de l’extrême droite. Touchée par ce solitaire, Leïla se rapproche petit à petit de lui et le pousse à renouer avec sa fille.

Pendant que le résultat du second tour est proclamé et qu’une grande partie des Français fête la victoire du nouveau président, chacun des protagonistes vit une soirée qui changera le cours de sa vie.

Bande-annonce

Interview du réalisateur

Mr Mondialisation : Bonjour Adnane. 600 euros est votre premier long-métrage en tant que réalisateur. Cependant, vous êtes déjà actif depuis plusieurs années, notamment à travers votre société de production, Pass Pass La Cam’ : courts-métrages, clips, web-séries… pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours ?

Adnane Tragha : Bonjour, j’ai réalisé Cohérence zéro, mon 1er court-métrage, en 2004. A l’époque j’étais enseignant. Puis, avec 2 comédiens nous avons lancé « Passe Passe Le Mic » une des 1ères webséries en France.  En 2009, nous avons créé avec un ami, mon frère et Luc Besson « Pass Pass La Cam’ productions », société qui m’a permis de développer mes projets. En 2012,  je me suis lancé dans le tournage de « 600 euros » mon 1er long-métrage. J’ai récemment créé « Les Films qui causent », une société de distribution, pour permettre la sortie de ce film.

Mr M : Le film 600 euros se déroule durant des élections présidentielles de 2012 et se termine le soir du second tour. Avez-vous tourné des scènes « réelles » durant cette période, notamment les meetings que l’on peut voir dans le film ?

A.T. : Oui, c’était l’idée de départ. Je souhaitais profiter de l’ambiance des élections, notamment des meetings, pour tourner 600 euros. Le 6 mai 2012, j’étais place de la bastille pour filmer le comédien principal pendant les scènes de liesse provoquées par la victoire de François Hollande.

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Mr M : Vous êtes un novateur. Nous avons lu que vous avez démarré le tournage avant-même d’avoir obtenu les financements, et que vous avez écrit le scénario au fut et à mesure du tournage ! Visiblement vous avez réussi votre pari. Comment ces contraintes ont-t-elle impacté le déroulement du tournage et le travail avec les acteurs ? Vous ont-elle donné plus de liberté pour réaliser votre film, mais aussi plus de difficultés ?

A.T.En effet, j’ai commencé le tournage dans une certaine urgence. Dans la mesure où la campagne présidentielle battait son plein, je n’avais pas le temps d’écrire un scénario complet. Je me suis donc lancé, en avril 2012, avec 3 pages et l’engagement de 3 comédiens. Ce n’était pas tout le temps évident. Il fallait jongler avec les plannings de chacun. Le tournage s’est étalé sur 2 ans et demi. C’était parfois compliqué pour les comédiens de replonger dans la peau de leur personnage 6 mois après. 

Les difficultés économiques devenaient un avantage quand il s’agissait d’être réactif. En effet, sans équipe technique je pouvais décider de tourner une nouvelle scène d’un jour sur l’autre et j’ai eu la chance d’avoir des comédiens qui se sont rendus suffisamment disponibles.

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Mr M : La politique occupe (avec les problèmes sociaux) la trame de fond de votre film, qui met en scène tous les types d’électeurs : abstentionnistes, sympathisants et militants, qui se croisent et tentent de se convaincre les uns les autres. Pourquoi avoir choisi cette thématique ?

A.T. : Je souhaitais donner une autre image de l’abstentionniste, de l’électeur d’extrême droite, de l’étranger qui n’a pas le droit de vote. Je me suis inspiré de gens qui m’entourent. Mon père, par exemple, a toujours milité, distribué des tracts et n’a pourtant jamais eu l’occasion de concrétiser ces actions en allant voter pour le candidat qu’il soutenait. Il est bien plus politisé que beaucoup de français, il a toujours payé ses impôts ici. Ce n’est pas normal qu’il n’ait jamais pu voter. En 2012, j’hésitais à voter, j’étais proche du personnage de Marco dans le film. Je me suis finalement laissé convaincre. La plupart des abstentionnistes que je connais, sont des déçus de la politique, ils s’en sont détournés après s’y être longtemps intéressés.

Mr M : Un thème intéressant, plus que jamais d’actualité, est abordé dans votre film : comment réagir face aux électeurs qui font le choix de l’extrème-droite – souvent au détriments de leurs propres intérêts : chômeurs, ouvriers, retraités… (Faut-il les ignorer ou au contraire discuter avec eux pour tenter de comprendre leur choix ?). Quel est votre avis personnel sur la question ?

A.T. : Concernant les électeurs FN, je ne suis pas pour tous les diaboliser. Il y a évidemment beaucoup de racistes parmi eux, mais il faut aussi comprendre ce qui pousse certains à faire ces choix pour pouvoir éventuellement les faire changer d’avis. Les médias ne facilitent pas les choses en alimentant la peur chez certaines personnes et les dirigeants du FN en profitent. Il suffit de voir comment ils sont accueillis sur les plateaux TV. C’est eux qu’il faut diaboliser, pas les électeurs.

Mr M : Pour beaucoup, et surtout chez les jeunes, le terme « politique » semble être devenu un gros mot, alors qu’il désigne à la base l’implication dans la vie de la cité. Votre film l’illustre bien à travers les personnages « dégoutés » de la politique, notamment Marco. Pourtant, « si tu ne t’occupes pas de politique, la politique s’occupe de toi ». Assez tragiquement, le désaveu (compréhensible) des dirigeants politiques a nuit à l’engagement politique lui-même, pour le plus grand bonheur des grands partis. Comment pourrait-on « redonner gout » aux gens à cette forme d’engagement, qui nous semble nécessaire et complémentaire aux autres formes d’engagement (citoyen, associatif, syndical…) ?

A.T.Je ne connais pas de recette miracle et ce n’est pas forcément mon rôle de redonner goût à la politique. Avec ce film je ne cherche pas à donner des conseils ou des leçons mais juste à présenter mon point de vue. Cependant, je trouve toutes les démarches émergentes types Nuit Debout ou #MaVoix très intéressantes. Des citoyens décident de s’unir pour réfléchir et proposer une alternative aux partis traditionnels.

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Mr M : Comme le rappelle votre film, le Front de Gauche n’avait pas dépassé les 12% en 2012. On se souvient qu’Eva Joly, ancienne juge anti-corruption, n’avait recueilli que 2,3% des voix. Une question revient souvent : pourquoi les petites partis de gauche (NPA, LO, Alternatifs, Parti de Gauche, Nouvelle Donne, écolos…) ne « profitent-ils » pas des nombreux scandales financiers, alors qu’ils se positionnent comme les fers de lance de la lutte contre la finance ? Alors que de façon paradoxale, le FN, pourtant lui-même impliqué dans ces scandales (notamment les Panama Papers), reste haut dans les sondages…

A.T. : C’est un mystère pour moi. J’avoue que je ne comprends pas pourquoi ces partis n’obtiennent pas des scores aussi élevés que ceux du FN. Peut être que les médias ont leur part de responsabilité en laissant penser que ces partis ne pèsent pas lourds, ne peuvent pas gagner et en présentant Les Républicains et le PS comme seules possibilités avec le FN comme épouvantail.

Mr M : Votre film raconte aussi de manière réaliste les galères du quotidien : solitude, précarité, problèmes familiaux, recherche d’emploi… On touche au monde réel d’une grande partie des français… Quel message cherche à porter 600 euros ? Quel est le public ciblé ?

A.T. : Il n’y a pas de public visé en particulier, j’ai fait le film que j’avais envie de faire. S’il y avait un message porté par le film, ce serait un message d’ouverture, de vivre ensemble. Nous ne sommes pas tous d’accord et nous ne le serons probablement jamais, il faut au moins essayer de se comprendre. J’ai aussi voulu donner la parole à ceux qui n’ont pas suffisamment l’occasion de s’exprimer.

Mr M : Pouvez-vous nous parler de vos futurs projets ?

A.T. : J’écris actuellement mon prochain long-métrage. Il fera lui aussi écho à certains problèmes que traverse notre société mais j’essaye de les traiter sous forme de comédie.

Mr M : Merci Adnane. Nous vous souhaitons une belle continuation !

Edit : Le film « 600 euros » est aujourd’hui sorti en DVD. Le film est disponible dans tous les points de vente habituels et sur la boutique éditeur, mais également en VOD pour ne laisser aucune trace matérielle.

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Réalisation : Adnane Tragha / Production : Les Films qui Causent / Distribution : La Vingt-Cinquième Heure

Source : 600euros-lefilm.com / Images : La Vingt-Cinquième Heure / Page FB : facebook.com/600euros

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