Lors de récentes discussions en commission des affaires économiques à propos de la loi sur l’Évolution du Logement et de l’Aménagement Numérique (loi ELAN), des députés ont introduit des amendements qui conduiraient à assouplir la Loi littoral, et ce avec l’avis favorable du gouvernement. Alors que le projet de loi doit être présenté à l’ensemble de l’Assemblée nationale ce 30 mai, des protestations s’élèvent contre des dispositions qui pourraient faciliter l’urbanisation de zones littorales jusqu’à présent protégées.
De nombreux élus du littoral, ainsi que les entreprises de construction, appellent de leurs vœux un assouplissement des règles de construction dans les zones côtières. Ceci notamment pour permettre l’urbanisation de ces zones naturelle fragiles. Voici qu’ils semblent sur le point d’être satisfaits. Face à ce qui pourrait être décrit comme une brèche dans la loi littoral, les premières réactions ont vite fusé. Car le texte, qui protégeait jusqu’à aujourd’hui les côtes françaises de l’urbanisation sauvage, pourrait bien être sérieusement affaibli, si les amendements d’assouplissement LREM, proposés en commission, devait être définitivement validés.
Comme le soulignent différentes voix s’opposant aux amendements, les intérêts immobiliers et leurs retombées financières sont importants et les professionnels du secteur se réjouiraient de pouvoir construire plus facilement dans des zones qui attirent notamment les entreprises liées au tourisme. Alors que la bétonisation des espaces naturels met un peu plus en péril les territoires et freine la lutte contre le changement climatique, quelques députés, avec le soutien du gouvernement, semblent donc une fois encore décidés de piétiner toutes les alertes environnementales.
Une loi pour protéger les côtes de l’urbanisation
La loi littoral a été votée par le Parlement français en 1986 et est entrée en vigueur la même année. Elle a pour objet de limiter tant que faire se peut l’urbanisation tout en permettant de trouver un équilibre avec le développement des communes côtières. L’une de ses principales dispositions impose que la construction de nouveaux bâtiments soit continue avec les territoires urbanisés, freinant la bétonisation des côtes et préservant les espaces naturels.
Cette loi unique en son genre et en avance sur son temps rencontre toujours une large approbation de la part de la population. La loi Littoral « a ainsi été largement soutenue lors de la consultation publique sur la mer et le littoral lancée par le gouvernement en début d’année », rappelle France Nature Environnement. De plus, la pétition « Ne touchez pas à la loi littoral ! » de février 2017 a été signée par plus de 283 000 personnes dont Nicolas Hulot, actuel Ministre de la Transition Écologique et Solidaire. Ceci n’empêche visiblement pas des élus, avec l’aval du gouvernement, de menacer cette loi.
Une première brèche
Mais l’un des récents amendements, celui qui fait désormais l’objet des critiques, vise justement à permettre de construire dans « les dents creuses », c’est-à-dire des parcelles vides situées entre deux terrains construits dans un même hameau et qui sont restées jusque là préservées (de constructions). En effet, jusqu’à présent, il ne pouvait être construit qu’en continuité des agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale (SCOT) mais le nouvel amendement permet d’y déroger, puisque si la loi devait être adoptée dans sa forme actuelle, « dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées ». En d’autres termes, des zones qui étaient jusque là protégées par la loi littoral pourraient être constructible à l’avenir. Les quelques gardes-fous introduits par les auteurs de l’amendement, qui n’autorisent ces constructions que « lorsqu’elles n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti », ne semblent pas convaincre les environnementalistes, tant les termes laissent toutes les interprétations ouvertes.
France Nature Environnement (FNE) a ainsi rapidement réagit à cette annonce par communiqué : après avoir rappelé que « la multiplication des événements météorologiques à risque (tempêtes, inondations …) et l’élévation du niveau marin global, estimée entre 50 cm et 1 m d’ici 2100, nécessite de gérer l’espace littoral avec prudence », l’association « demande la suppression des dispositions du projet de loi ELAN qui portent atteinte à la loi Littoral ».
Alors qu’il y a quelques jours à peine le gouvernement décidait de faire appel de la décision de justice qui mettait un coup d’arrêt à Europacity dans le Triangle des Gonesse, les personnes au pouvoir manifestent une nouvelle fois le peu d’intérêt qu’elles accordent aux questions environnementales. Quels arguments faudra-t-il déployer pour convaincre les décideurs publics que la priorité doit désormais être donnée à la préservation et à la restauration de l’environnement plutôt qu’à de quelconques objectifs économiques ? La bataille ne semble pas gagnée d’avance tant les institutions et les décideurs semblent obnubilés par le développement et la croissance à n’importe quel prix. La construction de nouveaux centres-commerciaux géants et l’urbanisation des espaces verts n’est aujourd’hui motivée par rien d’autre que par la soif de profits au détriment de tout le reste.
À ce jour, les littoraux français sont d’ores et déjà sous une pression importante. Outre les activités humaines liées à l’industrie ou encore au tourisme, le changement climatique met également ces espaces naturels, riches d’une biodiversité remarquable, en péril. Récemment, une étude montrait que contre le recul de trait de côte, « les dunes sont la protection la moins coûteuse et la plus efficace à long terme ». Dans cette étude citée par actu-environnement.com, il est même estimé qu’ « il est nécessaire de mettre en avant une gestion plus naturelle de l’espace côtier en valorisant la restauration d’écosystèmes existants dégradés », ce qui suppose « des projets de relocalisation ou de retrait des activités du bord de mer ». Bien que les constructions nouvelles restent encore interdites à moins de 100 mètres du rivage, les amendements à la loi ELAN nous engouffrent dans l’exacte voie inverse.
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