Sur l’île de Mayotte, le sort des habitants concernant l’accès à l’eau potable est de plus en plus catastrophique. Depuis octobre, la préfecture ouvre les vannes tous les 3 jours pendant seulement 18 heures. Une situation désastreuse, imputable à l’inaction de l’État et qui présage peut-être de ce que adviendra à moyen terme sur l’Hexagone.
Sur beaucoup de territoires, la crise de l’eau bat son plein, et elle sera sans aucun doute l’un des grands sujets d’un avenir proche. C’est déjà le cas dans la plupart des outre-mer françaises, et en particulier à Mayotte, abandonnée par le gouvernement et largement touchée par les sécheresses dues au dérèglement climatique.
Une situation qui se dégrade de jour en jour
La situation est de pire en pire sur l’île au large de Madagascar puisque l’accès à l’eau ne cesse d’être restreint. Comme l’explique l’association environnementale Notre affaire à tous dans le cadre de la campagne Soif de Justice :
« Depuis la fin de la dernière saison des pluies au mois de mars 2023, les habitant·e·s de Mayotte vivent au rythme des coupures d’eau potable organisées par la préfecture sur l’île : de 16 h de coupure par jour cet été, à deux jours de coupure sur trois à partir de septembre, jusqu’à un accès de 18 h à l’eau courante tous les trois jours depuis le mois d’octobre. »
Mayotte abandonnée par la République
Comment a-t-on pu en arriver là sur un territoire de France, l’une des plus grandes puissances industrielles et technologiques du monde ? Il faut d’abord pointer du doigt une évidence : les outre-mer ne sont pas logées à la même enseigne que l’hexagone.
Au vu des faibles investissements réalisés sur place et de la dégradation totale du réseau, on ne peut faire qu’un constat amer : Paris continue à traiter ces territoires comme des colonies lointaines et non comme des zones bénéficiant des services de la République. Le cas de Mayotte est particulièrement illustratif puisqu’il s’agit du département le plus défavorisé de France : les trois quarts de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté.
D’après les estimations de Notre affaire à tous, les besoins journaliers de Mayotte en eau avoisineraient les 44 000 m3. Or, les installations actuelles sont capables d’en distribuer à peine plus de 26 000. En outre, 18 % des locaux ne sont même pas reliés au réseau.
Un tiers de l’eau perdue par des fuites
Il faut dire que les infrastructures sont extrêmement délabrées. Un tiers de l’eau collectée serait ainsi perdu avant destination à cause de fuites. Et pour couronner le tout, les faibles revenus alloués par l’État à ce sujet auraient partiellement été détournés par les gestionnaires locaux. Un certain nombre d’élus et de fonctionnaires en charge de l’eau ont également été condamnés pour corruption.
Malgré tout, le gouvernement continue d’ignorer la gravité du phénomène, comme le démontre une enquête du Monde sur ses lourdes responsabilités dans l’affaire. Il y est notamment question de non-respect de contrats et d’engagements censés améliorer la situation, et ce depuis plusieurs années.
Personne n’échappera au dérèglement climatique
Ce manque de réactivité est d’autant plus dramatique que la situation a considérablement été empirée par le contexte climatique. De fait, l’île endure actuellement une sécheresse historique qui a fait perdre à la zone pas moins de 40 % de ses précipitations sur les 30 dernières années, selon météo France.
Une problématique qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler ce qu’a subi une bonne partie de planète récemment. Et rien ne devrait aller en s’arrangeant puisque les chercheurs annoncent que ce type d’épisodes va se multiplier, et avec d’autant plus d’intensité si rien n’est fait au niveau des gaz à effet de serre. Le cas de Mayotte est d’autant plus grave que la durée des pluies y est déjà naturellement courte et que les réserves sont méconnues et mal exploitées par les autorités.
Une réaction insuffisante
Face à une situation de plus en plus compliquée, l’État a tout de même décidé de mettre en place quelques mesures qui restent cependant à l’image de la politique qu’il a menée sur le territoire depuis des années : insuffisantes. Il a par exemple été proposé de nombreuses bouteilles d’eau aux habitants, mais en quantité bien trop faible. Une solution qui entraînera d’ailleurs une immense pollution plastique, simplement parce que les autorités n’ont rien fait pour anticiper la catastrophe actuelle. Les factures des locaux seront également prises en charge pour le moment.
Pendant ce temps, le gouvernement ne s’attaque pas sérieusement à des réponses plus adéquates et de long terme comme un meilleur traitement des eaux usées, un reboisement de l’île (qui permettrait de mieux retenir les pluies), et bien entendu une réparation du réseau délabré.
Des conséquences sanitaires dramatiques
Évidemment, l’eau est indispensable à l’être humain qui ne peut survivre plus de trois jours sans en boire. Mais elle est aussi nécessaire à l’hygiène et à la lutte contre les maladies. Or, la pénurie que vit actuellement Mayotte pourrait bien entraîner des conséquences dramatiques.
Outre l’hydratation insuffisante qui est bien sûr problématique à cette période (l’été approche dans l’hémisphère sud), le dysfonctionnement des toilettes ou encore l’impossibilité de se laver les mains a déjà déclenché une forte épidémie de gastroentérite. Et les risques de propagation de choléra, d’hépatite A, de fièvre typhoïde et de poliomyélite ont considérablement augmenté.
L’eau est un droit
Enfin, rappelons que l’accès à l’eau reste un droit fondamental et une condition indispensable à la dignité humaine. Une décence dont les populations les plus précaires et racisées sont sans aucun doute les premières à être privées, en particulier à l’aune du désastre environnemental.
Un constat que l’on peut déjà faire à l’échelle de la France où les territoires ultramarins sont méprisés par l’hexagone. On imagine sans peine le sort des pays du Sud global lorsque la situation continuera à se dégrader. Plus que jamais, il devient nécessaire pour les peuples de se fédérer pour réclamer un droit inaliénable à l’eau pour chacun.
– Simon Verdière
Photo de couverture : Flickr