En France, en 2022, une centaine de communes se sont retrouvées privées d’eau courante à cause de la sécheresse. Et si cette situation risque très fortement de se banaliser, elle devrait également s’aggraver d’année en année. À tel point que l’eau pourrait devenir l’enjeu  principal de demain.  

#1 : 2 milliards d’êtres humains privés d’eau potable dans le monde

Dans le monde la situation est très disparate. Si les pays occidentaux s’en sortent pour  l’instant plutôt bien, d’autres régions du monde – en particulier en Afrique – ont de très gros problèmes d’approvisionnement en eau.

En Ethiopie, l’eau est un combat permanent @Rod Waddington/Flickr

Aussi, près de la moitié de l’humanité consomme-t-elle de l’eau de qualité douteuse, pendant que 2.6 millions de personnes meurent chaque année du manque d’eau potable. 

 2.6 millions de personnes meurent chaque année du manque d’eau potable 

En France, on ne semble pourtant plus mesurer la chance que représente un accès à l’eau  courante. Et pourtant, en 1945, 70% des communes rurales ne disposaient pas encore de l’accès à l’eau du robinet. Il a fallu attendre la fin des années 80 pour que la quasi-totalité des communes françaises soient reliées au réseau. 

Même encore de nos jours, l’ensemble du territoire français n’est pas totalement équipé puisque de nombreux foyers en Outre-mer subissent les affres du manque d’eau. La faute à un réseau vétuste et des pouvoirs publics qui ne prennent pas au sérieux le problème, mais également à des périodes de sécheresse qui tarissent de nombreux cours d’eau. Du fait de la mauvaise gestion du réseau : à certains endroits, on enregistre même près de 50% de fuite du débit. 

 

#2 : 1 million de Français sans eau conforme 

Par ailleurs, près d’un million de Français reçoivent toujours une eau non-conforme selon l’association de consommateurs « UFC que choisir ». Pour la majeure partie des foyers  concernés, le problème provient de l’agriculture intensive qui contamine le réseau. Cette eau non-conforme est d’ailleurs en quasi-totalité distribuée en zone rurale. 

@LuAnn Hunt/Unsplash 

Depuis de nombreuses années, les mesures effectuées dans les cours d’eau français  démontrent que près de 90% d’entre eux sont pollués par des produits phytosanitaires. Pas moins de 750 molécules de pesticides et de leurs dérivés sont susceptibles de se retrouver dans l’eau potable. Et ce, sans parler des perturbateurs endocriniens qui seraient présents dans près de 30% des eaux jugées conformes. 

Pourtant, les pouvoirs publics sont loin de rechercher l’intégralité de ces substances lors des examens officiels. Il existe, de plus, une disparité importante entre les régions : 609 molécules sont ainsi recherchées dans le Var, contre seulement une douzaine dans l’Aisne… En moyenne, sur l’ensemble de la France, on ne prend en compte que 206 molécules. 

Malgré tout, 98% des foyers français reçoivent une eau certifiée conforme aux critères sanitaires en vigueur. En ligne, il est d’ailleurs possible d’accéder régulièrement à des analyses de l’eau du robinet pour vérifier la qualité dans sa commune de résidence. Il faut d’ailleurs rappeler que l’eau du robinet est le produit alimentaire le plus contrôlé du pays.  

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#3: L’eau en bouteille contient 2 fois plus de microplastiques que l’eau du robinet

À l’heure actuelle, la majorité des Français font confiance à l’eau du robinet, ce qui était loin d’être le cas quelques décennies en arrière. Mais d’autres s’accrochent irréductiblement à l’eau en bouteille, jugée de meilleure qualité. L’est-elle vraiment pour autant ?  

@Steve Johnson/Unsplash

On retrouve aujourd’hui des micro-plastiques partout, y compris dans l’air que nous respirons. Et l’eau courante ne fait pas exception. Toutefois : une étude de 2018 suggère que l’eau en bouteille en contiendrait deux fois plus que l’eau du robinet.  Si, dans le cas de l’eau du robinet, le plastique semble provenir essentiellement de fibres,  notamment issues du lavage des vêtements, les micro-plastiques présents dans l’eau en bouteille viendraient, eux, en majorité de la bouteille elle-même.

En outre, une autre étude assure également qu’une bouteille en plastique réutilisée contenait 20 fois plus de bactéries que la gamelle d’un chien et 100 fois plus que la cuvette des toilettes.

Les bouteilles en plastiques sont par ailleurs elles-mêmes une source énorme de pollution.  Même si une partie est recyclée, cette récupération a un coût environnemental non négligeable, en énergie et … en eau. De plus, seuls 58% des bouteilles en plastique sont recyclées en France. Il s’agit d’ailleurs du déchet le plus retrouvé dans la nature : un drame écologique lorsque l’on sait qu’il mettra plusieurs siècles à se dégrader complètement. 

Aux Etats-unis, 25% de l’eau en bouteille vient du robinet ! 

Si dans l’imaginaire collectif l’eau en bouteille provient d’une source profonde et pure, dans les faits il n’en est rien. Et pour cause, une étude américaine a montré que dans certaines régions : 25% de l’eau en bouteille provenait de l’eau du robinet retraitée par un fabricant pour être revendue. L’eau en bouteille est d’ailleurs avant tout une affaire économique puisqu’elle est vendue en moyenne 120 fois plus chère que l’eau du robinet.  

De plus en plus, la société capitaliste et consumériste semble traiter l’eau comme un produit à vendre comme les autres. Pourtant, il ne s’agit pas d’une denrée ordinaire ; l’eau a en effet ceci de particulier qu’elle est indispensable à la vie : trois petits jours sans eau seulement suffisent pour causer la mort de la plupart des individus.  

 

#4 : En Uruguay, l’accès à l’eau fait partie des droits humains constitutionnels depuis 2004  

Pour cette raison, bon nombre de citoyens et de politiciens dans le monde se sont élevés pour un droit fondamental à l’eau. En France, la NUPES avait même proposé de l’inscrire dans la Constitution et de garantir une quantité d’eau vitale gratuitement à chaque français. En Uruguay, l’accès à l’eau fait effectivement partie des droits humains constitutionnels depuis 2004.  

sanctifier l’eau parait de plus en plus indispensable

Il faut dire qu’au regard de la conjoncture actuelle, le fait de sanctifier l’eau parait de plus en plus indispensable. La situation climatique a en effet déjà commencé à provoquer une raréfaction de l’eau et la crise va empirer au fil du temps. Le stress hydrique induit par ce dérèglement planétaire se manifeste déjà avec des impacts importants sur l’agriculture, l’industrie et même les réserves en eau potable. Impacts qui sont de moins en moins bien gérés par les décideurs politiques, dévoués à la poursuite d’un système de croissance plutôt qu’à la préservation de l’eau en tant que bien commun. En témoigne notamment la guerre de l’eau qui s’est cristallisée autour des Méga-Bassines.

En outre, la multiplication des incendies ne devrait pas non plus nous épargner, d’autant qu’il faudra utiliser des ressources colossales en eau pour lutter contre, dont celle du réseau public.  

 

#5 : Notre modèle agricole intensif émet 1/4 du gaz à effet de serre mondial

En prônant un modèle agricole intensif, l’humanité met clairement en danger ses réserves  d’eau. D’abord parce que ce modèle agricole est l’un des principaux secteurs d’émission de CO² et donc directement responsable du dérèglement climatique, mais aussi parce qu’il ne produit pas de façon durable. Et c’est sans parler de la pollution engendrée par les pesticides évoquée ci-avant. 

@Pixabay

L’un des principaux problèmes posés par l’agriculture intensive, et également l’un des enjeux écologique crucial de notre temps, se situe dans l’érosion des sols. Comme l’explique le couple d’agronomes Claude et Lydia Bourguignon, ou le film documentaire Kiss The Ground : l’usage intensif des labours et des produits phytosanitaires détruit toute vie souterraine. Or, sans vie, le sol s’érode et devient incapable d’absorber l’eau, de régénérer les nappes phréatiques et les rivières. De fait, cette approche de la terre procède à l’augmentation de la sécheresse. 

Et de nouveau, les fameuses Méga-bassines qui fleurissent un peu partout dans le monde participent aussi à un modèle agricole aberrant. En effet, des géants de l’industrie agricole n’hésitent pas à pomper l’eau de nappes souterraines afin de créer de grandes retenues pour l’irrigation de leurs terres. 

 

#6 : Il faut 2 fois plus d’eau pour produire 1kg de viande porcine que pour produire 1kg de céréales

A propos de mode d’alimentation : outre la pollution colossale de l’élevage intensif et ses manquements éthiques, la surconsommation de viande pose également un problème en termes de consommation d’eau.

@Unsplash

Il faut par exemple deux fois plus d’eau pour produire un kilo de viande porcine que pour produire un kilo de céréales. La situation est d’autant plus grave que cette  surconsommation favorise également la déforestation. Enfin, l’élevage intensif a pu aussi être impliqué très souvent dans la pollution de nappes phréatiques.

En Bretagne, la prolifération des algues vertes est, elle aussi, largement due à l’élevage porcin intensif et notre sécurité alimentaire mondiale nécessite de toute façon globalement de végétaliser davantage nos assiettes ; car si l’eau est vitale, il s’avère que se nourrir également…

 

#7 : Dans les pays riches : 99% de l’eau potable utilisée n’est pas bue

La différence est déjà frappante dans l’accès à l’eau entre les pays occidentaux et les autres.  L’écart est d’autant plus consternant que, dans les pays les plus riches comme la France : 99% de l’eau potable utilisée n’est pas bue.

En effet, rapporte le Centre presse régional d’Aveyron : « Chaque jour, chaque Français consomme en moyenne 149 litres d’eau potable, d’après les chiffres de l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement. Avec des variations selon le milieu social, géographique, la possession ou non d’un jardin… etc. (une personne à revenus modestes ne consommera que 90 litres d’eau potable par jour). Sur ces 149 litres, chaque Français n’en boira qu’1% et 6 % pour la cuisine, soit maximum de 8 à 10 litres quotidiens à des fins alimentaires. Pour le reste, 93 % de cette consommation d’eau potable pour chaque Français est dédié à l’hygiène ou au nettoyage »

Mais la distinction peut également s’observer entre les habitants de même pays selon leurs classes sociales. Et en matière d’eau, comme pour tout le reste, il semble que les plus riches puissent s’octroyer bien des privilèges avec la bénédiction des gouvernements libéraux.

En effet, alors que la plupart des Français restreignent leur consommation d’eau pour lutter contre la sécheresse, le gouvernement Macron n’a pas hésité à accorder des dérogations aux terrains de golf afin de pouvoir arroser leur green. 

Dans le même temps, d’autres grandes fortunes n’ont aucun scrupule à construire leur profit sur l’eau, au détriment des plus pauvres et du bien commun. Des multinationales n’hésitent pas, ainsi, à piller les ressources pour faire des bénéfices. Il faut dire que les financiers sont  prêts à tout pour créer un marché de l’eau. À Wall Street, le cours de l’eau en Californie est même entré en bourse en 2020. 

#8 : Il faut 6L d’eau pour produire 1L de Coca 

À plusieurs endroits dans le monde, la situation devient d’ailleurs ubuesque. Au Mexique,  dans certaines zones arides, le coca-cola est même moins cher que l’eau. Peu importe s’il faut six litres d’eau pour produire un litre de soda et peu importe si la surconsommation du soda pose un gros problème de santé publique. 

Coca Cola: Mexican national drink @Ghassan Fayad/Flickr

D’autres grandes multinationales ont récemment défrayé la chronique. En France, Nestlé  accapare ainsi la célèbre source de Vittel. En période de restriction d’eau, le géant Suisse  continuait à puiser allégrement dans la nappe phréatique , à l’inverse des habitants locaux qui s’alimentent pourtant au même endroit.

À Volvic, un autre titan de l’agroalimentaire, Danone, monopolise de même manière la source locale au détriment des locaux.  Citons également le cas du village Prolom, en Serbie, dont la source est exploitée pour vendre des bouteilles  partout dans le monde ; et pourtant, les habitants n’ont toujours pas l’eau courante ! 

Pour une gestion publique de l’eau 

Afin d’éviter ce genre de dérives, il devient sans doute plus qu’urgent de confier l’intégralité de la gestion de l’eau aux services publics. Pourtant, partout sur Terre, y compris en France, la gestion du réseau est de plus en plus remise à des entreprises privées.

Or, comme à chaque fois que l’on confie un service d’intérêt public à une entreprise privée, les prestations ne peuvent que se dégrader. Et pour cause, une entreprise privée a vocation à faire du profit, ce qui est complètement antinomique avec l’idée même de service public. Un risque que nous ne pouvons définitivement pas prendre avec une ressource aussi vitale que l’eau. 

– Simon Verdière


Photo de couverture @Artem-beliaikin/Unsplash

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