Pour critiquer le mode de vie végane, ses détracteurs expliquent souvent que le végétalisme conduirait à manger des aliments « ultra-transformés », néfastes pour la santé et la planète, contrairement au régime carnivore. Un argument qui relève pourtant d’une méconnaissance profonde de cette gastronomie, mais aussi d’un grand manque de nuances.

L’accusation sur la supposée nourriture « ultra transformée » consommée par les véganes permet d’abord de s’interroger sur ce que signifie cette expression et ce qui se cache derrière. Mais elle révèle également les préjugés importants qu’il existe à propos d’un mode de vie bien souvent mal compris.

« Mais au fait, qu’est-ce que tu manges ? »

Dans l’esprit d’un profane, l’alimentation végane demeure en réalité bien mal connue. Accuser quelqu’un de consommer des produits « ultra-transformés » sans rien savoir de son mode de vie relève d’ailleurs bien souvent de la mauvaise foi.

Dénoncer une pratique dont on ignore tout comme néfaste, en particulier lorsque celle-ci vient bousculer nos principes moraux, est une manière bien commode de ne surtout pas se remettre en question et d’entretenir une certaine dissonance cognitive.

Ne surtout pas se remettre en question et d’entretenir une certaine dissonance cognitive. Photo de Julien L sur Unsplash

Le véganisme ne se résume pas qu’aux simili-carnés

Car, lorsque les détracteurs du véganisme visent les « produits ultra-transformés », ils font surtout référence aux « similis-carnés ». Ces articles sont fabriqués de manière à rappeler le goût, la texture et l’apparence des denrées d’origine animale.

Or, cet argument démontre simplement que leurs auteurs sont incapables de concevoir un repas sans viande ou quelque chose qui s’en rapprocherait. Dans leur imaginaire, puisque les véganes ont choisi de se passer de produits animaux, ils doivent forcément consommer de la nourriture de synthèse pour les remplacer.

C’est pourtant bien mal connaître la gastronomie végétalienne, puisque, dans les faits, il est tout à fait possible de se restaurer de manière appropriée sans avoir recours aux smili-carnés. Rien n’empêche par exemple un végétalien de manger uniquement des aliments bruts et non travaillés.

Toutes les alimentations, qu’elles soient végétales ou pas, peuvent être malsaines, riches, trop grasses, biologiques, transformées, écologiques, carencées, etc. En réalité, ces caractéristiques dépendent surtout de l’origine des produits, mais aussi de l’équilibre existant dans leur consommation.

Un concept flou

L’accusation sur la nourriture « ultra transformée », s’appliquant à tout type de régime selon les individus, est donc infondée pour le véganisme en général. Pour autant, il est effectivement possible de manger des articles de ce type tout en étant végane, mais pas plus qu’en ne l’étant pas.

La notion d’aliment transformé est d’ailleurs elle-même à prendre avec des pincettes. Elle peut, en effet, être rapprochée du concept de « nature », utilisé à tort et à travers pour justifier tout et n’importe quoi, comme Mr Mondialisation l’expliquait précédemment.

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Ainsi, ces concepts correspondent à la définition qu’on leur donne et peuvent recouvrir des produits qui sont très loin d’être équivalents en matière de santé. Un produit transformé s’obtient par la combinaison de plusieurs denrées alimentaires qui peuvent également subir plusieurs traitements comme la friture par exemple.

Qu’est-ce qu’une nourriture « ultra transformée » ?

Fondamentalement, le simple fait de cuire des légumes et d’y ajouter un peu de sel peut être considéré comme une transformation. Pas sûr pour autant que l’on puisse en évaluer le résultat comme mauvais pour l’organisme.

Le simple fait de cuisiner est une transformation alimentaire. Photo de Kevin McCutcheon sur Unsplash

Évidemment, lorsque l’on commence à cumuler de nombreux processus, d’ingrédients et d’additifs, dont certains sont notoirement connus pour être dangereux pour la santé, on peut légitimement s’inquiéter.

Une question de mesure

Toutefois, il reste compliqué de déterminer ce que l’on peut entendre par « ultra-transformés » et à quel endroit peut se situer la limite entre un produit dangereux et un produit sain.

La fréquence de la consommation de ces aliments est en outre une donnée cruciale à prendre en compte. Manger quelque chose d’ultra-transformé de manière occasionnelle représente en effet peu de risque par rapport au fait d’en utiliser à chaque repas.

Pour aller plus loin, on pourrait même s’interroger sur certains articles considérés comme bruts (alors qu’ils ne le sont pas forcément) qui peuvent pourtant poser problème. Difficile par exemple de déterminer ce qui est le plus dangereux entre un aliment ultra-transformé et une pomme traitée aux pesticides ou un poulet aux hormones.

Des outils plus pertinents que des catégories fourre-tout

De fait, au lieu d’essayer de ranger les aliments dans une catégorie dont les contours restent compliquer à dessiner (ultra-transformé, naturel, industriel…), il serait sans doute plus pertinent de s’intéresser à eux au cas par cas pour en analyser la valeur nutritive.

Et, en ce qui concerne les simili-carnés, comme pour les autres aliments, on compte toutes sortes de produits et de marques dont les propriétés ne sont en aucun cas équivalentes. Pour le consommateur, mieux vaut donc se fier à des indicateurs plus objectifs qu’à des préjugés.


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Il existe ainsi des outils pour déterminer si un aliment est bon pour la santé où non. C’est par exemple le cas de l’application Yuka qui permet de scanner les articles en vente et connaître leur valeur nutritive, ou encore du site openfactfood qui recense un maximum de produits pour en analyser ses qualités.

Photo de LikeMeat sur Unsplash

Les simili-carnés ne sont pas tous équivalents

Si l’on se penche sur les imitations végétales de viande, on peut constater d’importantes différences en fonction des fabricants. Ainsi un steak de la marque Accro est noté à 84/100 sur Yuka et A au nutriscore. Le haché végétal de sojasun monte lui jusqu’à 90/100. À l’inverse, d’autres produits peuvent quant à eux être en effet peu intéressants d’un point de vue nutritif. Pour autant, ils peuvent représenter également un aliment « plaisir » qui n’est pas non plus contre-indiqué tant qu’il reste occasionnel. De même, ils sont aussi d’une grande aide pour les personnes qui souhaitent réduire ou supprimer leur consommation des produits animaux à effectuer une transition plus douce.

Attaquer le véganisme sur ce genre d’argument a donc sans aucun doute pour but d’éluder le véritable sujet exposé par ce mode de vie : celui de notre rapport de domination aux autres espèces. Puisque les scientifiques ont déjà démontré qu’il était possible de vivre en bonne santé tout en ayant une alimentation végétale, le débat n’est alors plus sur ce terrain, mais bien sûr celui de l’éthique. Une zone où beaucoup d’opposants sont visiblement bien moins à l’aise, ce qui explique sans doute qu’ils cherchent à la fuir.

– Simon Verdière


Photo de couverture de Sam Lion sur Pexels.

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