Une étude réalisée par des scientifiques du CNRS et de l’Université de Montpellier a étudié la taille des poissons dans et hors des aires marines protégées. D’après les résultats, ces zones qui respectent la biodiversité sont bénéfiques pour les poissons et les écosystèmes marins.
Selon des données du National Geographic, 80% de la pollution marine est causée par les activités terrestres. Les engrais et pesticides utilisés dans l’agriculture se retrouvent dans les eaux côtières, ce qui engendre un appauvrissement en oxygène ainsi que la mort des plantes marines, des poissons et des coquillages.
Les usines et les installations industrielles rejettent leurs eaux usées dans les océans, déjà souillés par les marées noires et la pollution atmosphérique. En plus de cela, la surpêche menace de nombreuses espèces aquatiques. Les coraux blanchissent, le niveau de la mer s’élève, les océans s’acidifient et de nombreuses espèces aquatiques sont menacées de disparition.
Pour préserver les écosystèmes océaniques, des aires marines protégées ont été créées partout dans le monde. Comme l’indique le site du Ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires, les activités humaines sont encadrées, voire interdites dans ces espaces délimités en mer. C’est le cas de la pêche industrielle, du chalutage de fonds et de l’extraction minière. Ainsi, ces aires marines sont de véritables refuges pour la biodiversité aquatique.
Des aires marines efficaces
Mais ces aires marines sont-elles réellement efficaces ? Une étude publiée dans la revue Science le 29 janvier 2024 s’est penchée sur le sujet. L’écologue Tom Letessier, qui officie à l’Institut de zoologie de Londres, a disposé plus d’une centaine de caméras dans 17 000 zones sous-marines différentes. Pendant 14 ans, des scientifiques du CNRS et de l’Université de Montpellier ont visionné 20 000 heures d’images et identifié 823 849 poissons. Selon les scientifiques, les résultats sont sans appel.
« On montre que les aires marines protégées ont un rôle important pour les espèces benthiques (qui vivent au fond de l’eau) et pour les espèces pélagiques (qui ne restent pas collées au sol), surtout lorsqu’elles sont éloignées des humains », a affirmé Tom Letessier, d’après des propos relayés par Libération.
Selon des informations rapportées par la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité, certaines caméras sous-marines ont filmé un conteneur équipé d’un appât pour attirer les poissons. Ainsi, les chercheurs ont pu identifier la faune sous-marine et ils ont constaté que les plus beaux spécimens vivent dans des zones peu atteintes par l’activité humaine. Cela s’est notamment remarqué par la taille des poissons, plus gros dans les aires marines protégées.
« La protection des fonds marins permet de reconstituer des habitats (coraux, algues, etc.) qui sont autant de refuges. Les espèces qui vivent en pleines eaux n’ont pas de cachette. Elles sont donc plus vulnérables aux effets des activités humaines (pêche, pollution, trafic maritime, etc.) La taille est un caractère écologique fondamental dans le cas des poissons. Or, on sait que les humains préfèrent manger les plus gros. Donc mesurer les changements de taille nous informe sur la vulnérabilité face aux pressions liées aux activités humaines », a indiqué Tom Letessier à Libération.
En effet, la taille des poissons donne une indication importante sur leur place dans la chaîne alimentaire, et donc sur le fonctionnement global de l’écosystème. Si l’on observe de gros poissons dans ces zones protégées, cela signifie bien qu’ils sont à l’abri des activités humaines. En plus de cela, comme le précise WWF, plus les poissons sont gros, plus ils produisent d’œufs. Disséminés par les courants, ces derniers éclosent aux alentours et enrichissent les écosystèmes.
Des efforts à fournir
Les résultats de cette étude prouvent qu’en faisant des efforts et en limitant les activités humaines, il est possible de protéger les océans. Cette étude valide également le plan annoncé par la Commission européenne en février 2023, qui vise à étendre les aires marines protégées à 30% des eaux européennes (contre 12% aujourd’hui).
Cependant, une nouvelle étude publiée le 9 mai 2024 dans la revue Conservation Letters a dévoilé que si les aires marines existent, elles ne sont pas toutes protégées comme elles le devraient. Selon l’étude, seulement un tiers des aires marines protégées dans le monde bénéficieraient réellement d’une protection haute ou intégrale.
Parmi les 100 plus grandes aires marines protégées du monde, un quart de leur superficie est dépourvue de réglementation ou de gestion. La France ne compte que 1,6% de ses eaux sous ce régime de protection intégrale ou haute. Il reste encore des efforts à faire pour obtenir plus d’espaces mieux protégés.
– Lisa Guinot
Photo de couverture de Sebastian Pena Lambarri sur Unsplash