Les personnes les plus pauvres sont plus vulnérables face aux vagues de chaleur, révèle une nouvelle étude menée par des chercheurs espagnols. Logements surpeuplés et mal ventilés, quartiers bétonnés et métiers physiques souvent éreintant, les facteurs de risque se multiplient pour les individus les plus précaires de la société.

Entre 2000 et 2019, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a recensé dans le monde 489 000 décès liés à la chaleur chaque année. L’Europe reste de loin la région la plus touchée par la hausse des températures, se réchauffant en moyenne deux fois plus vite que le reste du globe. Au total, la région compte à elle seule 36 % des décès enregistrés, soit plus de 175 000 par an en moyenne.

Des risques sanitaires accrus

Au-delà des cas de mortalités, les impacts sanitaires des vagues de chaleur estivales sont nombreux : « les températures extrêmes aggravent les affections chroniques, notamment les maladies cardiovasculaires, respiratoires et cérébrovasculaires, les troubles mentaux ainsi que les affections liées au diabète », détaille l’agence onusienne.

À mesure que le phénomène s’amplifie, les chercheurs affinent leurs analyses. Dernièrement, une équipe de scientifiques espagnols dénonçait l’injustice climatique subie par les individus les plus pauvres du continent.

« C’est une question de bon sens », explique Julio Díaz Jiménez, professeur d’investigation à l’Institut de santé Carlos III de Madrid, au Guardian qui a consacré un article à ce sujet.

« Une vague de chaleur n’est pas la même quand on partage une chambre avec trois autres personnes et qu’on n’a pas de climatisation, ou quand on est dans une villa avec accès à une piscine et à la climatisation. »

Les pauvres, premières victimes des vagues de chaleur

Le scientifique, co-auteur d’une étude publiée en 2020 révélant les impacts des chaleurs extrêmes dans les quartiers pauvres de Madrid, a par la suite étendu son sujet de recherche à toute l’Espagne. « Et nous avons constaté la même chose », a-t-il déclaré.

« En matière de chaleur et de vulnérabilité, le facteur clé est le niveau de revenu. »

Ainsi, facteurs socio-économiques, sanitaires et climatiques s’entrecroisent à accroissent encore les inégalités subies par les plus vulnérables de la société. Ayant peu de chances d’accéder à des logements de qualité, les personnes à faibles revenus se voient souvent contraintes d’habiter des espaces réduits et mal ventilés, qui offrent peu de répit face à la chaleur.

Selon l’UNEP, la demande de climatisation des locaux représente près de 20 % de l’électricité consommée dans les bâtiments. Elle est la consommation d’énergie qui croît le plus rapidement dans les bâtiments à l’échelle mondiale, puisqu’elle devrait tripler d’ici 2050, alimentant ainsi le réchauffement climatique. – Source image : Pixabay

« Certaines ont du mal à accéder à des soins de santé adéquats, ce qui les rend plus susceptibles de souffrir de maladies qui pourraient être aggravées par une chaleur extrême, tandis que d’autres travaillent dans des secteurs tels que l’agriculture et la construction où elles sont régulièrement exposées à des températures élevées », complète Ashifa Kassam, correspondante au Guardian pour les affaires européennes.

Parmi ce groupe de population, les personnes âgées, les femmes enceintes et les enfants sont particulièrement touchés par les effets de la chaleur. Au début de l’été, l’organisation Save the Children alertait les pouvoirs publics espagnols : près d’un enfant sur trois n’était pas en mesure de se rafraichir chez lui. Une situation à l’influence « extrêmement néfaste » sur la santé mentale et physique de plus de 2 millions d’enfants.

Une action politique ambitieuse est nécessaire

Face aux canicules qui se succèdent, de nombreux gouvernement mettent en place des plans d’action sanitaire contre les effets de la chaleur : campagne de sensibilisation du grand public, ajustement des horaires de travail, végétalisation des villes, accès à des refuges climatisés ou encore évaluation médicale supplémentaire des personnes vulnérables.

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Cependant, « les décès dus à la chaleur sont façonnés par les inégalités », regrette Alex Maitland, conseiller politique en matière d’inégalité à Oxfam International, dans les colonnes du journal britannique. Sans action politique visant à réduire les inégalités sociales, le lien entre stress thermique et pauvreté restera une réalité. « Une vague de chaleur est beaucoup plus mortelle pour quelqu’un qui vit dans une cabane en tôle que pour quelqu’un dans une maison climatisée ».

Une réalité mondiale

Ailleurs dans le monde, le même constat se pose. À New-York, dans le quartier populaire du Bronx, la mairie estime qu’environ 350 personnes meurent chaque année à cause de la chaleur ou de problèmes de santé exacerbés par la hausse des températures, une mortalité qui touche deux fois plus les Afro-Américains que les Blancs. Parmi les facteurs aggravants, la ville déplore le manque d’accès à l’air climatisé chez soi, qui touche davantage le Bronx, véritable « jungle de béton », que les autres arrondissements.


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Plus au Sud, à Rio au Brésil, la température ressentie a approché les 60 degrés en novembre dernier. « Et si cette vague de chaleur est éprouvante pour tout le monde, elle n’est pas vécue de la même façon les pieds dans l’eau sur la célèbre plage d’Ipanema que sur les hauteurs de la ville dans les favelas », décrit le HuffPost. Dans les quartiers les plus pauvres, où s’entassent des habitations en taules de métal mal isolées, l’air ne circule pas.

Lorsqu’une canicule s’abat sur une ville, la température à la surface augmente parce que les matériaux de construction – asphalte, brique, béton – absorbent la chaleur. Ils prennent par la suite plus de temps à se refroidir qu’à la campagne. – Source image : Pixabay

« Pour se rafraîchir, les habitants se mouillent au tuyau d’arrosage dans la rue ou sur les toits. Et pour ne rien arranger à la situation, certaines favelas comme Rocinha, la plus grande de Rio, subissent des coupures de courant. Sans électricité, les ventilateurs sont inutilisables », complète encore le journaliste.

Le droit au refroidissement, un enjeu crucial

Alors que les vagues de chaleur s’intensifient, plus longues et plus fréquentes que jamais auparavant sur le continent, Yamina Saheb, autrice principale du rapport du GIEC, tire la sonnette d’alarme devant une situation « extrêmement urgente ».

« Le réchauffement climatique tue des gens. La question qui se pose à moi est de savoir combien de personnes seront nécessaires pour que nos décideurs politiques (…) comprennent que la précarité énergétique estivale est un problème majeur ».

Depuis des années, l’ingénieure fait pression sur les décideurs politiques pour que l’accès au refroidissement soit reconnu comme un droit, une démarche qui contraste avec son statut actuel de bien de consommation.

– L.A.


Image de couverture générée par une IA.

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