Ils chérissent le métier de coursier, mais ne veulent plus être sous le joug des start-up qui, en l’espace de quelques années, se sont fait une place dominante dans le secteur de la livraison de repas à vélo. À Lyon, quelques amoureux de la bicyclette ont voulu s’organiser sous forme de coopérative pour décider eux-mêmes des règles du jeu. Nous partons à la découverte de la « Traboulotte » !

Depuis octobre dernier, Traboulotte propose des livraisons de repas à vélo à Lyon. La particularité de l’initiative, c’est d’avoir été entièrement pensée par des livreurs qui souhaitaient se réapproprier leur outil de travail. Objectif : se libérer de la soumission collective des livreurs à des superstructures internationales. La coopérative en devenir, qui collabore aujourd’hui avec 4 coursiers, 2 standardistes et 18 restaurants, est organisée sous la forme d’une association de préfiguration. Ses gérants espèrent pouvoir embrasser officiellement le statut de coopérative le plus rapidement possible, dès que les conditions financières seront réunies.


Un modèle qui se démarque des géants de la « food-tech »

Amélie Agaesse, cofondatrice de Traboulotte, veut tirer les leçons de son expérience de coursière chez Foodora auprès de qui elle a travaillé pendant plusieurs mois. D’abord payée à l’heure, ce qui lui permettait d’assurer un revenu raisonnable, elle a ensuite été contrainte d’accepter une tarification à la course, bien moins avantageuse. Elle a rapidement vu ses conditions de travail se dégrader, sans que la direction ne soit vraiment attentive aux attentes et aux revendications des coursiers. Le nouveau modèle de paiement encourageait les livreurs à prendre toujours plus de risques pour aller plus vite et ainsi répondre à un nombre de commandes plus important. Avec Traboulotte, la jeune femme – qui dispose d’une formation d’ingénieur – souhaite contribuer au développement des métiers qui la passionnent, tout en s’engageant pour de meilleures conditions de travail.

Ces dernières années, les coursiers à vélo ont régulièrement été placés sous le feu des projecteurs. La croissance rapide et spectaculaire d’entreprises comme Deliveroo et Foodora a rapidement fait place à de critiques de plus en plus virulentes à l’encontre de leur modèle économique qui repose sur des levées de fonds importantes, un marketing publicitaire particulièrement agressif et une soumission des travailleurs à des conditions de travail de plus en plus précaires, en les obligeant à revêtir le costume d’autoentrepreneurs. Un système de « faux-indépendants » très juteux pour ces entreprises, les charges et les risques reposant exclusivement sur les coursiers.

Crédit image : Pierre Goyou Beauchamps

Une identité affirmée, un modèle économique qui se cherche

Depuis quelques mois, la petite coopérative de coursiers essaye donc de gagner sa place aux côtés de géants comme Deliveroo et Uber eats. Pas évident, tant ces noms occupent la place dans les esprits des consommateurs. Ces « alter-coursiers » espèrent se distinguer auprès des petits restaurants en proposant des commissions raisonnables, et auprès des clients en mettant en avant un modèle vertueux d’entreprise plus éthique, ancrée sur le territoire. La mise en relation entre les clients, les restaurateurs et les livreurs se fait quant à elle par l’intermédiaire d’un logiciel libre, Coopcycle développé en 2017, par Alexandre Segura. Traboulotte est la première entreprise de coursiers à avoir recours à cette application pour la livraison d’aliments. Jusqu’à présent, le logiciel avait été utilisé pour des plis uniquement.

Bien que le modèle permette aux coursiers de décider collectivement de l’avenir de la structure pour laquelle ils travaillent, ce système ne suffit pas jusqu’à présent une rémunération à la hauteur des premières ambitions : 15 euros de l’heure. Par ailleurs, en attendant la structuration en coopérative, toutes les personnes qui s’associent au projet restent jusqu’à présent sous le statut d’indépendant. Amélie souhaite cependant nuancer : « on vient de se lancer, c’est normal pour une entreprise de ne pas faire de chiffres importants de manière immédiate ». Elle reste convaincue qu’en persévérant, le modèle coopératif pourra s’imposer dans le paysage de la livraison de repas à domicile. Mais ça, c’est à la seule condition que les restaurateurs et habitants de la région adaptent leur comportement.

Crédit image : Pierre Goyou Beauchamps

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