À Soamahamanina, à Madagascar, des villageois manifestent contre un large projet minier d’industriels chinois, soutenu par les autorités du pays. Entre expropriations, hypocrisie compensatoire et destruction d’un patrimoine naturel et historique, le projet génère la colère des habitants. Alors que l’entreprise asiatique devrait commencer l’exploitation en novembre prochain, les habitants manifestent contre ce chantier destructeur.

Depuis deux semaines, les habitants de Soamahamanina, une commune urbaine située à 68 kilomètres de la capitale malgache, font parler d’eux en manifestant avec virulence. La raison de leur colère ? Un projet minier d’envergure, lancé par l’entreprise chinoise Jiuxing Mines, qui a obtenu en novembre 2015 un permis d’exploitation d’une durée de 40 ans sur une zone de près de 6000 hectares. L’exploitant chinois y est autorisé à chercher or, fer, argent, plomb, zinc et béryllium et, une fois trouvé, à engager des chantiers sur tout le territoire ciblé. Sur les lieux, les habitants aperçoivent déjà les pelleteuses prêtes à commencer le travail d’extraction des précieuses ressources.

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Un chantier très contesté, des paysans bafoués

Dans sa quête aux pierres précieuses, l’entreprise chinoise, appuyée par les autorités locales et nationales, serait responsable de l’expropriation de plusieurs paysans, expliquent les associations qui tentent péniblement de médiatiser l’affaire. Aujourd’hui, plusieurs organisations citoyennes dénoncent les conditions dont ce contrat a été signé, sans consultation aucune des populations concernées. Comble de l’hypocrisie, en guise de compensation, les paysans de la région auraient reçu de l’entreprise des « sacs de riz, des bouteilles d’huile et des bicyclettes ». Une bien maigre consolation pour des personnes à qui l’on retire du jour au lendemain et leur maison et leur source de revenus.

Publiés sur le site malgache « Madagate », les documents et témoignages font froid dans le dos. Car un autre sujet fait discorde : la présence de tombes sur les parcelles concernées par le chantier. En plus des habitations, des champs cultivés et des terrains domaniaux, c’est donc tout un pan culturel et symbolique pour les familles qui risque d’être réduit à néant au nom d’une exploitation aveugles de ressources. On notera que Madagascar est le 5ème pays le plus pauvre au monde, ce qui rend la lutte citoyenne particulièrement difficile sur le terrain, nombre d’habitants cherchant avant tout à survivre.

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Un désastre écologique

Enfin, dernier point et non des moindres, le projet minier pourrait bien endommager la forêt de tapias, une espèce d’arbres dont la reproduction est difficile et gardienne d’un écosystème qui contribue à la richesse du pays. Alors que les forêts sont rares au centre de Madagascar, la forêt de tapias est une exception en son genre. La quantité et la qualité des produits forestiers de la forêt de tapias, comprenant les soies sauvages, fruits comestibles, champignons comestibles et le bois de chauffage, jouent un rôle important dans l’économie locale. Les vers à soie vivant dans les tapias, quant à eux, sont aussi à l’origine d’un des plus grands papillons au monde et d’une laine malgache renommée. Fortement dépendantes de la forêt, les villes voisines sont déjà à l’origine d’une partie de la perte de superficie de la forêt.

Dès lors, on n’imagine mal les conséquences désastreuses qu’aurait une exploitation industrielle sur un tel domaine. Lorsque l’on sait que les exploitations minières sont généralement à l’origine d’une détérioration des sols, mais aussi de l’émission de polluants en lien avec les poussières et les micro-particules dégagées par les mines, on mesure encore mieux l’aberration de l’installation d’une mine géante à cet endroit particulier. En cas d’extraction d’or, les conséquences seraient plus graves encore, avec des rejets probables de mercure dans l’atmosphère et dans les eaux.

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Manœuvres politiques et répression

Alors que les organisations citoyennes commencent à agir, elles rencontrent l’hostilité des pouvoirs publics. Ainsi, un comité de défense des villageois a été mis en place le 20 juin, et différentes associations, comme le Centre de Recherches et d’Appui pour les Alternatives de Développement ou encore la Fédération des Femmes Rurales de Madagascar ont signé une déclaration de soutien aux habitants. Les manifestations, quant à elles, sont réprimées à grands renforts de brigades anti-émeutes afin de museler le peuple en colère, comme en témoigne l’une des habitantes. Des mesures qui ne sont pas sans rappeler les techniques utilisées pour intimider les ZADistes à Notre-Dame-des-Landes et retourner l’opinion contre eux, à l’heure où un référendum veut donner raison aux promoteurs de l’aéroport en dépit du bon sens.

Mais l’argument avancé par les détracteurs du projet est aussi juridique. En effet, certains militants et journaux nationaux affirment que les règles préalables à la délivrance du permis d’exploitation n’ont pas été suivies et y voient une affaire de corruption mettant en cause le Ministère chargé des mines et du pétrole, et le chef du service de cadastre minier de Madagascar. Les enjeux économiques du projet étant colossaux, beaucoup se questionnent sur la neutralité des décideurs dans une affaire qui semble se répéter à travers le monde sous différentes formes. Les enjeux sont tristement toujours les mêmes : accéder et piller les ressources naturelles. Dieu merci, nous ne traversons pas une crise environnementale majeure…


Sources : Lexpressmada.com / Madagascarmatin.org / Toutes photographies : facebook

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