Nouveau rebondissement dans l’affaire de l’élevage de cochons de la filière Préférence d’Herta. Si l’enquête menée l’été dernier par L214 révélait les pratiques délétères de cette exploitation, une inspection des services de la préfecture menée début décembre a au contraire conclu à une bonne tenue de l’élevage et à l’absence de non-conformité majeure. Des conclusions que L214 juge faussement rassurantes. L’association a décidé de déposer un recours, appuyé par la publication de nouvelles images tournées début janvier, soit après le contrôle, qui prouvent une fois encore la violation de nombreuses réglementations. Une enquête qui questionne le sérieux et la neutralité de l’inspection préfectorale.

Comme beaucoup d’entreprises, la marque de charcuterie et de produits traiteur Herta axe sa communication sur des engagements lié aux grands enjeux de l’alimentation. L’entreprise s’est ainsi engagée à plusieurs reprises pour l’amélioration des conditions de production des nombreux aliments qu’elle propose. L’enquête approfondie menée par L214 l’été dernier dans un élevage de la filière Préférence d’Herta, présentée comme une exploitation-modèle, a pourtant révélé une toute autre réalité. Dans un environnement de plastique, de béton et de métal, les conditions de vie des animaux sont révoltantes, entre promiscuité extrême, cadavres de porcelets qui s’entassent et départ chaotique à l’abattoir.

Une inspection qui blanchit l’élevage ?

Cette première enquête avait fait du bruit, et Herta s’était vu contrainte de cesser ses approvisionnements auprès de cet élevage. C’était avant que la préfecture de l’Allier, où se situe l’exploitation, ne publie un communiqué de presse indiquant quune « inspection inopinée de l’élevage de porcs a été immédiatement diligentée afin de pouvoir confronter les dires de L214 avec les constats de terrain. » Cette inspection, qui s’est déroulée le 2 et 3 décembre 2020, a conclu à « la bonne tenue de l’élevage et à l’absence de non-conformité majeure », notant le respect de la densité de porcs par cage, le bon entretien des animaux et l’absence de cadavres. Une négation totale de la réalité des images.

En conséquence, Herta a repris immédiatement sa collaboration avec l’élevage. Le directeur général de l’entreprise, Arnaud de Belloy, qui avait mis en garde contre d’éventuels montages qui pourraient exagérer la situation, a qualifié les membres de L214 de « professionnels anti-élevage » qui « font leur propagande », au micro de franceinfo. Après la publication du communiqué de la préfecture, il avait également indiqué dans les colonnes du Point que l’amélioration des pratiques prenait du temps. Loin de remettre en cause le bien-fondé de ce modèle industriel d’élevage, il a ainsi déclaré que l’entreprise avait beaucoup investi dans cette évolution, et travaille par exemple actuellement sur des nouveaux modèles de… cages individuelles. À travers ces déclarations, c’est tout un modèle industriel qui cherche à se défendre.

Un élevage en réalité toujours aussi déplorable

De l’autre côté de la Manche, la chaîne de supermarchés britannique Waitrose, qui avait cessé de distribuer les produits Herta à base de cochon, est également revenue sur sa décision. D’après L214, la situation des animaux dans l’élevage est pourtant toujours aussi déplorable deux mois et demi après la publication de sa première enquête. Les nouvelles images, tournées en janvier 2021 dans le même élevage et dévoilées aujourd’hui par l’association, montrent en effet que les animaux sont toujours en souffrance et que la réglementation n’est pas respectée sur de nombreux points.

L’inspection a conclu à l’absence de cadavres, alors que les deux enquêtes de L214 en montre beaucoup d’exemples.

Les queues des cochons sont systématiquement coupées, certains des animaux blessés ne sont pas soignés, nombreux d’entre eux n’ont pas d’accès permanent à l’eau et aucun des matériaux manipulables prévus par loi pour occuper les cochons ne sont présents. Dans certains enclos, les cochons vivent en permanence dans leurs excréments. Un grand nombre d’entre eux vivent dans une atmosphère malsaine, malgré les exigences de la réglementation en termes de circulation de l’air, de température et de concentrations de gaz. Les lanceurs d’alerte ont ainsi constaté que dans certaines parties de l’élevage, les yeux des cochons sont irrités par la concentration de gaz. Pire, la toiture est en train de s’écrouler dans l’un des bâtiments, par ailleurs insalubre. C’est donc toujours bien l’enfer pour ces cochons d’élevages.

Une enquête qui contredit l’inspection de la préfecture

Il s’agit, selon L214, de non-conformités persistantes et facilement observables que la préfecture aurait dû relever et sanctionner lors de son inspection début décembre. Cette nouvelle enquête entre donc en totale contradiction avec les conclusions des autorités. Après l’affaire des emails qui avaient fuités à propos de l’abattoir de Sobeval, révélant des mensonges de la part du ministère de l’agriculture, « cette nouvelle affaire ruine à nouveau la confiance dans les services vétérinaires de l’État. C’est une situation totalement scandaleuse » s’insurge Sébastien Arsac, cofondateur de L214. L’association a envoyé à la justice ces images, certifiées par des preuves de date et de lieu, en complément de la plainte qu’elle avait déposée pour maltraitance envers les animaux.

Les nouvelles images de L214 révèlent des non-conformités flagrantes, que les services de la préfecture auraient du constater.

L214 dépose également un recours préalable qui sera suivi, le cas échéant, par un recours en responsabilité contre l’État pour les manquements des services vétérinaires à leur mission. « La marque Herta, elle, continue de commercialiser des produits contraires aux engagements qu’elle a pris pour ses élevages “filière Préférence”. C’est de la tromperie. Nous réitérons notre demande à la marque de s’engager contre les pires pratiques d’élevage » poursuit Sébastien Arsac. Une pétition a été lancée en ce sens après la publication de la première enquête, et rassemble déjà plus de 65 000 signatures. Cette affaire montre une fois de plus l’importance du travail des lanceurs d’alerte indépendants, qui révèle une réalité parfois bien différente de celle constatée par les autorités compétentes.

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