La viande de porc est la plus consommée en France, avec 33kg par an et par habitant. En tête des marques préférées des Français, Herta s’est publiquement engagée pour un élevage plus respectueux du bien-être animal et de l’environnement. Cet été, l’association L214 a mené une enquête approfondie au sein de la filière Préférence de la firme, présentée comme des exploitations-modèles, pour vérifier la réalisation de ces engagements sur le terrain. Loin des discours rassurants, les images dévoilent la souffrance des animaux, entre promiscuité extrême, mutilations des cochons, départ chaotique à l’abattoir et antibiotiques périmés. Suite à ces révélations, L214 porte plainte et lance une pétition pour mettre fin à ces pratiques délétères.

Avec 33 kg par habitant, le porc est la première viande consommée en France, pour un total de 2 111 000 tonnes de viande par an (IFIP, « Porcs par les chiffres-Edition 2017-2018 »). Particulièrement appréciée par les Français, la charcuterie représente trois-quarts de ce volume. Chaque année, ce ne sont ainsi pas moins de 23,8 millions de porcs qui sont élevés et abattus sur le territoire national, soit près de 69 000 cochons qui passent à l’abattoir chaque jour.

Cette demande importante connaît un léger recul ces dernières années, avec une baisse de la consommation française de 3,1% de 2018 à 2019, qui s’explique par les modifications des habitudes alimentaires des Français, de plus en plus conscients de l’impact désastreux de la consommation de produits carnés. Pourtant, la production de viande porcine continue de progresser dans l’Hexagone, avec une augmentation des exportations de 10%, d’après les statistiques du ministère de l’Agriculture et de l’alimentation.

La filière « Préférence » d’Herta, vraiment plus responsable ?

Le marché de la viande de porc conserve donc son énorme potentiel lucratif, que certaines entreprises sont bien décidées à exploiter. C’est le cas d’Herta, la marque la plus achetée par les Français. Détenue à hauteur de 40% par la multinationale Nestlé, première firme agroalimentaire au monde, elle appartient pour les 60% restants à l’entreprise Casa Tarradellas, leader du secteur en Espagne. Dans sa communication, Herta s’est engagée à plusieurs reprises pour améliorer les conditions de production des nombreux aliments qu’elle propose. Effet d’annonce ?

« Depuis 2013, nous avons créé notre propre filière porcine : “HERTA® s’engage filière Préférence”. Avec cette filière, HERTA® signe les prémices de l’élevage moderne et plus responsable. […] La “filière Préférence” initie une démarche plus respectueuse de l’environnement et du bien-être animal. » peut-on lire sur le site de l’entreprise. Responsable ? Pour vérifier sur le terrain la concrétisation de ces belles déclarations, l’association L214 a enquêté dans l’un de ces élevages vitrines, censés être dûment contrôlé. Loin du discours rassurant de Herta, les images capturées montre une exploitation sordide, où les animaux sont maltraités.

 

Une promiscuité extrême qui cause la mort des porcelets

Entre juin et septembre 2020, les enquêteurs de L214 se sont ainsi intéressés à un élevage intensif dans l’Allier. Ils constatent rapidement que les conditions d’élevage, dans un environnement exclusivement composé de plastique, de béton et de métal, y sont déplorables. Dans les salles de maternité par exemple, les truies mettent au monde des porcelets à la chaîne. Enfermées dans des cages à peine plus grandes que leur corps, elles peinent à se lever et il leur arrive d’écraser l’un de leurs petits en se couchant. Les cadavres jonchent le sol.

Dès leurs premiers pas, les porcelets se coincent les pattes dans les fentes du sol ajouré. Sans soins et sans attention de leur mère, incapable de bouger, nombreux d’entre eux meurent peu de temps après leur naissance. Les images révélées par L214 montrent l’éleveur ramasser des porcelets morts par dizaines, et assommer ceux qui sont jugés trop chétifs. Cette promiscuité extrême est généralisée à l’ensemble de l’exploitation. Les cochons engraissés sont ainsi entassés les uns sur les autres, ce qui donne lieu à de fréquentes agressions entre eux. Les photographies, trop choquantes pour toutes les afficher, sont disponibles sur Flickr.

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Le sort des truies dans les salles de maternité est particulièrement révoltant.

Des entorses répétées aux réglementations

Au lieu de donner plus de place et de la litière aux cochons, les éleveurs ont décidé de leur couper systématiquement la queue, pour éviter qu’ils se mordent et se blessent. Une pratique d’élevage qui est interdite par la réglementation. Autre entorse aux règles les plus élémentaires, le manque de matériaux qui permettent aux animaux des activités de recherche et de manipulation, tels que la paille, le foin ou la sciure, obligatoires depuis 2013. Dans cet élevage, ils ne disposent que d’une simple chaîne accrochée au plafond.

Sales, griffés, certains des cochons présentent des hernies de la taille d’un ballon de football. Les soins apportés aux animaux laissent clairement à désirer, comme l’ont constaté les enquêteurs de L214 en s’intéressant à l’arsenal de produits médicamenteux de l’exploitation, qui comprend des antibiotiques périmés depuis 10 ans. Parmi eux, se trouvait de la colistine, un médicament classé dans la catégorie des antibiotiques d’importance critique à priorité élevée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Deux plaintes déposées par L214

Avant leur départ à l’abattoir, où leur vie de souffrance s’achèvera dans des conditions tout aussi déplorables, les cochons sont rassemblés sur un quai pendant plus de 19 heures sans nourriture et sans avoir la place de se coucher tous en même temps. Les animaux sont ensuite chargés dans les camions à grand renfort d’aiguillon électrique. Le traitement réservé aux cochons dans cet élevage censé être plus responsable est donc particulièrement révoltant, et il fait craindre le pire pour les autres exploitations de la firme.

Face aux conditions désastreuses d’élevage, L214 porte plainte pour maltraitance et pour tromperie du consommateur.

D’après Sébastien Arsac, cofondateur de L214 : « Herta nous ment. Les élevages “Préférence” ne sont pas respectueux des animaux et ne fonctionnent pas de façon plus “moderne et responsable” que la plupart des élevages intensifs standards. Nous portons plainte contre Herta pour maltraitance et pour tromperie du consommateur. Nous espérons que ces images inciteront la marque à faire évoluer radicalement et concrètement les pratiques d’élevages. » L’association lance également une pétition pour demander à Nestlé et Casa Tarradellas, propriétaires de la marque, de s’engager à bannir les pires pratiques : il est demandé de stopper l’enfermement à vie des cochons, l’élevage sur béton, les mutilations douloureuses aux porcelets et les cages individuelles pour les truies.

Ces pratiques sont encore plus condamnables au regard de la communication trompeuse de Herta, qui tente de se créer une image plus responsable pour correspondre aux attentes des Français. D’après un sondage YouGov réalisé en 2017 pour L214, 87 % d’entre eux seraient défavorables à l’élevage des cochons dans des bâtiments fermés sans accès à l’extérieur, et 85 % seraient opposés aux mutilations pratiquées sur les cochons. Pour mettre fin à l’exploitation et à la souffrance des animaux dans les élevages intensifs, il est donc aujourd’hui essentiel de réduire drastiquement la consommation de viande industrielle et de se tourner vers des producteurs réellement soucieux du bien-être animal et de l’environnement.

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