Après l’attentat dont a été victime Yannick Morez, le maire de Saint-Brévin – sa maison et ses voitures ont été brûlées par des militants d’extrême droite opposés à l’ouverture d’un centre d’accueil pour des personnes en demande d’asile dans la ville -, Marine Le Pen se trouve bien embarrassée. Pour tenter de se décharger de cette affaire gravissime, elle a rejeté la faute sur ses adversaires, affirmant que « 99 % des violences contre des élus sont le fait de gens d’extrême gauche ». Analyse de la réalité. 

Les propos de Marine Le Pen ne semblent pas s’appuyer sur grand-chose de factuel. Au contraire, c’est bien souvent l’extrême droite qui s’illustre en matière de passage à l’acte contre les élus de la République… et le reste de la population.

Une ambiance délétère

Avec le mépris social instillé par le gouvernement, il n’y a rien d’étonnant à ce que l’agacement envers les élus de la majorité s’exprime de plus en plus. On pourrait d’ailleurs aussi parler de la violence engendrée par ces politiques mortifères : l’augmentation du temps de travail, la dégradation des conditions de vie sur Terre, ou encore la pauvreté et tous les fléaux qui en découlent.

Et même si la brutalité est rarement une solution, il est tout de même intéressant de noter que ce sont souvent les mêmes qui sont pointés du doigt tandis que les autres ne font pas l’objet d’une ligne dans la presse.

Des violences souvent dépolitisées

Dans ce contexte, la colère gronde et les agressions contre les responsables publics surviennent. Le ministère en avait ainsi recensé 2265 en 2022, soit une progression de 32 % (insultes, menaces, outrages etc…) par rapport à l’année précédente.

Pour autant, imputer « 99 % des violences » à l’extrême gauche est totalement faux. En réalité, beaucoup de ces faits n’ont d’ailleurs rien de politique. La moitié d’entre eux concernent des conflits de villages où des maires qui sont très souvent confrontés à ce genre de situation lorsqu’ils tentent de faire respecter l’ordre public.

Il faut également noter que les agressions physiques restent relativement rares. D’après le même rapport, on en avait dénombré à peine 160 en 2022, un chiffre en légère baisse par rapport à 2021 (165).

L’extrême gauche bien peu impliquée

Il est vrai que durant la deuxième moitié du XIXe siècle jusqu’à la fin des années 1980, l’extrême gauche organisait bien souvent des attaques contre les représentants d’un système qu’elle voulait faire tomber. Les anarchistes en particulier ont longtemps utilisé ce procédé après avoir largement été persécutés par les autorités. On peut citer par exemple l’assassinat du président Sadi Carnot ou encore les attentats commis par Action Directe.

Le militantisme de l’extrême gauche se limite désormais à dégrader des biens matériels appartenant à des symboles du capitalisme ou du pouvoir. Source : Wikicommons.

Pour autant, durant les trente dernières années, cette façon de faire semble avoir été délaissée par l’extrême gauche au profit d’un militantisme plus mesuré. Si quelques opérations coup de poing sont toujours menées, elles sont plus orientées vers des biens matériels appartenant à des symboles du capitalisme ou du pouvoir.

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De nombreux exemples à l’extrême droite

De l’autre côté, les exemples d’agressions venus de l’extrême droite sont bien plus nombreux dans un passé récent, à commencer par le maire de Saint-Brévin dont l’actualité nous occupe en ce moment. Tenant parfois de la simple intimidation, ils peuvent aller jusqu’au passage à l’acte et même se transformer en tentatives de meurtre.

On se souvient par exemple du jeune royaliste qui avait giflé le président de la République en 2021. Toujours cette année-là, un groupe de l’Action Française avait essayé de faire irruption lors d’un conseil régional en Occitanie avec une banderole « islamo gauchistes, traîtres à la France ».

Des militants d’Éric Zemmour avaient également cherché à pénétrer dans le domicile de Sandrine Rousseau et avaient dégradé son logement. Ce sont aussi des sympathisants d’extrême droite qui avaient enfariné Jean-Luc Mélenchon ou qui avaient voulu bloquer une prise de parole d’Alice Coffin.

Tentatives d’assassinat

Les faits sont parfois bien plus graves et vont même jusqu’à menacer la vie des élus. On se souvient par exemple de plusieurs tentatives d’assassinat contre des responsables politiques d’envergure nationale.

On pense bien sûr à 2002 où un jeune homme d’extrême droite tente d’assassiner Jacques Chirac. En 2017, une faction de militants projette d’éliminer Jean-Luc Mélenchon et Christophe Castaner à l’aide d’un lance-flamme. La même année, un ultranationaliste prévoyait « une tuerie de masse » contre des personnes issues des minorités ainsi qu’à l’encontre d’Emmanuel Macron.

En 2018, le chef de l’État est de nouveau la cible d’une équipe d’obédience similaire qui envisage d’attenter à ses jours. Quelques mois plus tard, le leader de la France Insoumise fait à nouveau l’objet d’un plan d’assassinat par le biais d’un sniper par un groupe néonazi au sein duquel on compte un gendarme.

Mais on recense également une série d’attaques contre des élus moins connus, mais tout aussi dramatiques. En 2000 par exemple, un militant FN envoie un colis piégé à son futur adversaire pour tenter de l’éliminer. C’est un employé qui perdra finalement la vie suite à l’explosion du paquet.

Des dégâts bien au-delà des élus

On pourrait évidemment poursuivre cette liste encore longtemps. D’autant plus qu’elle ne prend en compte que les élus. Pourtant l’extrême droite frappe le plus souvent des gens ordinaires, qui ont le malheur de s’opposer à eux, comme le rugbyman argentin Federico Martin Aramburu, abattu par balles en 2022 ou encore Clément Méric,  un militant antifasciste, alors âgé de 18 ans en juin 2013.

Tout récemment, mi-mai 2023, des croix celtiques ont été taguées sur un centre LGBTQI+ et les locaux de quatre ONG à Nantes (Amnesty International, Attac, la Ligue des droits de l’Homme et La Libre Pensée). On pense également avec effroi aux ratonnades dont sont encore parfois victimes certains de nos compatriotes. Ou à l’opération d’intimidation de Génération Identitaire à l’encontre des personnes traversant la frontière à Briançon. 

Des évènements qui n’ont pas eu l’air de trop affecter Marine Le Pen dont la mémoire semble bien défaillante. Il s’agirait alors qu’elle prouve son propos en communiquant la liste des 99 % d’agressions d’élus qui concernerait l’extrême gauche… ou qu’elle le démente.

La population est en droit d’attendre des élus les sources de leurs affirmations, et en ce sens qu’ils et elles ne diffusent pas des chiffres sans fondements à l’origine, ensuite, de fausses croyances infondées qui participent à la désinformation et la division du peuple.

– Simon Verdière


Photo de couverture : Le GUD, groupuscule d’extrême droite proche de l’Action Française en mai 1989. Source : Wikicommons.

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