Au nom du droit à la vie. En 2018, Mr Mondialisation vous présentait Altervita, un refuge en devenir pour animaux d’élevages destinés à l’abattoir. À cette époque, Clément et Emilie, les deux enseignants à l’origine de cette association ardéchoise, lançaient un crowdfunding dans l’espoir d’agrandir leur terrain et d’y accueillir le plus possible de nouveaux protégés. Y séjournaient alors seulement huit chèvres et moutons, libérés de leurs conditions et profitant des 19 000 m2 encore peu aménagés du « Mistral », tel qu’a été baptisé le lieu d’accueil. Depuis ce relais, qu’est devenu le projet ? Où en est l’association ? Et quels êtres vivants ont pu y trouver une seconde vie ? Mr Mondialisation fait le point sur cette belle aventure !

Le refuge @Altervita

Il y a deux ans, à travers une campagne de dons participatifs, l’association encore naissante Altervita espérait ajouter à son terrain « un enclos d’été pour les lapins, un bâtiment de 40m2 pour les poules, une mare aux canards, une tanière pour les cochons ainsi qu’une salle de soin et un parc de quarantaine pour les animaux malades ou blessés« . Parmi d’autres rêves ? Ouvrir également leurs enclos au public, pour informer, toujours plus et toujours mieux, sur les conditions dont sont victimes ces animaux d’élevage et sur comment en prendre soin.

On vous racontait alors combien les deux initiateurs de ce projet, Emilie et Clément, étaient motivés à entamer ce chantier, avec l’aide inestimable de bénévoles. Un seul objectif en tête : accueillir, au plus vite, un grand nombre de vies condamnées à l’abattoir par le système d’élevage actuel. Depuis, ils ont enchaîné les sauvetages de vaste ampleur. Et au compteur, déjà ? Plus de 4600 poules et bien d’autres espèces mises à l’abri ! On revient sur leurs belles victoires en l’espace de trois ans.

 

Un refuge, mais pour quels animaux ?

Le « Mistral » avec ses quelques brebis @Altervita

Altervita n’est pas un refuge comme les autres : ici, pas (ou peu) d’animaux de compagnie abandonnés ou perdus, ni d’espèces en voie de disparition. Dans ce lieu de soin et d’attention, on reçoit ces vies initialement destinées à l’abattoir parce qu’elles n’ont pas répondu aux attentes des critères de productivité. Poules pondeuses, moutons à laine, chèvres et brebis à lait, cochons pour viande… ces employés n’ont pas été à la « hauteur » de leur mission qui consistait à remplir nos assiettes…

En effet, l’exigence de rendements imposée par le marché industriel et ses productions démesurées « oblige » les petits producteurs à sacrifier leurs animaux quand ils ne sont pas ou plus lucratifs. Stériles, malades, trop faibles, trop « âgés », accidentés : il y a mille et une raisons qui poussent les éleveurs à condamner leurs bêtes devenues improductives. Toutes rejoignent tout de même un seul et même principe : la rentabilité. Pris dans un cercle vicieux de demandes impossibles, même les petits fermiers BIO se voient contraints, parfois malgré eux, à cette funeste issue. Alors si négocier des sauvetages auprès de groupes industriels peut s’avérer compliqué, Altervita a cependant eu à cœur de sensibiliser de petits éleveurs au sort de leur bétail. Et, hourra, certains ont répondu à l’appel, comme cet éleveur de poules pondeuses du Nord de l’Ardèche qui les a déjà contactés dès 2018 pour sauver 1000 de ses oiseaux promis à une triste fin. Le transfert était prévu 15 jours plus tard… C’est donc dans l’urgence qu’Altervita est parvenu à faire épargner in-extremis ce groupe conséquent de bipèdes à plumes.

@Altervita

Mais pourquoi devaient-ils mourir ? « La production d’œufs exige en effet une rentabilité qui n’est plus suffisante quand les poules dépassent un certain âge : 18 mois dans cet élevage bio plein air. Une fois sous ce seuil, l’alimentation et les soins coûtent plus chers que ce que rapporte la vente des œufs. De plus, après plus d’un an dans le même bâtiment, il est nécessaire de procéder à un vide sanitaire et à un nettoyage intégral pour éviter les épidémies et les parasitoses » explique l’association. Certains seraient tentés de blâmer l’éleveur pour s’être tout simplement lancé, au départ, dans un élevage de cette envergure. Altervita opte pour la bienveillance et la compréhension des situations individuelles afin de sensibiliser en douceur et, surtout, de ne pas perdre de vue l’objectif principal : tout faire pour offrir à ces animaux une vie sereine. Un but qu’ils comptent bien atteindre par la discussion et la coopération

La faute aux éleveurs ? Altervita rappelle le contexte.

@Altervita

On pourrait se demander pourquoi un producteur d’œufs, même bio, décide de consacrer du temps et de l’énergie à sauver des animaux dont il exploite les vies ? « Mais cet éleveur n’a pas choisi ce métier pour tuer ses animaux, et il fait tout pour trouver des alternatives » soulignent Emilie et Clément. Même si eux défendent un autre mode de consommation et de rapport au vivant, ils comprennent la situation de cet éleveur en particulier. 

Le refuge rappelle également que la demande en œufs est très forte en France et que d’ici à ce que de plus en plus de foyers s’en passent ou réduisent leur consommation, il vaut mieux qu’ils proviennent de ce genre d’exploitations à taille humaine, désireuses d’alternatives et d’une retraite pour leurs animaux, que de productions à la chaîne, aux conditions sanitaires déplorables et brutales pour ces prisonniers entassés à plus de 10 000 dans des bâtiments insalubres. (Voir notre dossier sur l’envers du décor de ces œufs industriels, à l’occasion d’une enquête L214 sur un site de Picardie).

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Les co-fondateurs en profitent également pour préciser que l’éleveur bio avec lequel ils sont en bonne relation est un petit producteur. En effet, fleurissent de plus en plus d’élevages intensifs de poules pondeuses labellisées biologiques qui sont en réalité très peu surveillées et conditionnées et qui ne répondent absolument pas aux normes. Ces industries concurrentes sont une des menaces qui pèsent sur les poulaillers à échelle humaine et qui contraignent parfois leurs propriétaires à agrandir leurs exploitations pour ne pas faire faillite. Passant de la petite ferme locales (pas plus de 250 poules) à l’élevage semi-industriel, puis pleinement industriel.

Grâce à cette posture ouverte au dialogue et nuancée, Altervita est à nouveau parvenu à secourir, avec l’aide de bénévoles dévoués et de de donateurs engagés, des milliers de poules de cet élevage, avec lequel ils ont tissé des liens de confiance. Focus sur ce deuxième sauvetage.

 

Le sauvetage des 3000 poules : une victoire de plus.

@Altervita

Un an après la libération des 1000 poules, partagées entre leur terrain et des familles adoptantes, l’aviculteur a en effet rappelé l’association. Son but, en 2019 ? « N’envoyer aucun animal à l’abattoir » est heureux d’annoncer Altervita. C’est donc le sort de près de 6000 poules qu’il a fallu repenser. Heureusement, de son côté, le fermier ardéchois avait « déjà réussi à en vendre une partie à des particuliers grâce au bouche à oreille et à des annonces en ligne ». Il restait donc au collectif 3000 animaux à dispatcher. Au programme ? Rassembler de nombreux bénévoles et donateurs pour cette opération d’envergure.

C’était alors parti pour plusieurs semaines de campagnes : communiqués de presse, publicité locale, coups de téléphones, création d’un formulaire d’adoption en ligne, mise en place d’une participation de 3 euros pour chaque adoptant potentiel afin de se prémunir contre les demandes mal-intentionnées et d’amortir l’investissement associatif, appel à bénévoles. Tout a été calculé pour une ouverture des portes de deux semaines intenses durant lesquelles chacune des 3000 poules a trouvé une nouvelle famille d’accueil pour ses « vieux » jours. 

En 2021, le havre de paix se réjouit de cette action et reste positif pour la suite : « L’an passé, on en avait sauvé 3000 ! 2020 était une petite année, mais ce qui est génial, c’est que l’éleveur est dans une vraie démarche de transition. Cette année, il va prendre 1000 poules en moins dans son élevage. Pour qu’elles soient mieux. Ça avance petit à petit« . Et de conclure en renvoyant à une alternative d’œufs bio responsable, pour ceux qui voudraient agir aussi en tant que consommateur : Poulehouse, dit l’œuf qui ne tue pas la poule ! Pour en savoir plus sur cette initiative : notre récente enquête

 

Et pour les autres compagnons du refuge ?

@Altervita

Outre les poules, dans cette retraite pour animaux qu’ont réussi à faire grandir les petites mains de l’association : résident encore bien d’autres individus

Certains ont pris leurs marques dans ce repaire paisible et adapté qui s’est étendu à 20 5000 m2, réunit 83 bénévoles, 1164 donateurs et compte également à présent une infirmerie. Ils peuvent donc y rester et être parrainés, comme le coq Perlin, 3 mois : recueilli « alors qu’il n’était qu’un poussin » et ayant « subi une attaque de chien qui a bien failli lui coûter la vie« . Il y a aussi Fripouille, une truite vietnamienne de 9 ans, déposée, avec sa meilleure amie Chipie, par des propriétaires qui les avaient jadis sauvées d’un abattoir, mais qui déménageaient. Sans compter Lynette, une brebis de 10 ans qui devait être tuée parce qu’elle ne donnait plus d’agneaux. Ou encore Cajou et Mélisse, des chèvres laissées sans soin dans des états inimaginables par un éleveur (bio) qui ne voulait pas engager d’argent dans leur entretien vétérinaire. Ils sont encore bien d’autres résidents dont le lot de souffrance est aussi bouleversant que l’heureuse finalité du parcours. 

@Altervita

Pendant qu’ils flânent en toute quiétude, d’autres attendent d’être adoptés, comme le jeune coq Paolo, très câlin, ou le cochon-nain Djinn, un peu craintif. Vous pourrez vous attendrir de leurs histoires juste ici et, qui sait, peut-être en accueillir !

 

Un bilan plus que positif !

Le chemin parcouru par Altervita depuis notre premier article est plein d’espoir et stimulant. Et Clément et Emilie comptent bien, avec enthousiasme, nous réserver encore d’autres sauvetages et de Happy-End pour ces êtres vivants malheureusement trop souvent considérés comme de la chair à pâté. Concrètement, un énorme travail a déjà été accompli. Côté nourriture, ils peuvent depuis plusieurs mois compter sur un partenariat avec le magasin bio Marcel&Fils qui donne régulièrement ses invendus de fruits et légumes pour le plus grand plaisir des animaux.

@Altervita

Quant au reste du refuge : « Il a été peu à peu aménagé lors du chantier participatif avec des bénévoles. Depuis, il peut accueillir de nombreuses espèces et ce, dans les meilleures conditions possibles. Le poulailler a été construit et peut accueillir une vingtaine de poules et de coqs, l’étang a été creusé et permet aux oies de nager toute l’année, les lapins disposent d’un bâtiment et d’un accès permanent à un parc extérieur sécurisé, les cochons ont une maison de bois à eux seuls, implantée au cœur de la forêt…« . Le tout, en prenant toujours soin de ne pas perturber la faune sauvage alentour. 

La maison des cochons @Altervita
L’abri des brebis @Altervita

Mais poursuivre dans cette perspective demande davantage d’ajustements. Émilie et Clément souhaitent encore améliorer l’accueil de leurs invités, et d’ajouter à leur « accès permanent à plusieurs hectares de la prairie et du sous-bois tout au long de la journée« , d’autres abris, de l’espace et de nouveaux enclos. En effet, « il reste encore beaucoup à faire ! Comme un nouvel enclos pour pouvoir laisser les lapins en semi-liberté pendant les mois les plus doux de l’année. Il va falloir songer à nous agrandir sur les terrains alentours et construire de nouveaux parcs pour pouvoir accueillir en toute sécurité de nouveaux protégés car les demandes ne cessent d’arriver« . En effet, aux bonnes nouvelles succède encore beaucoup de travail pour Altervita qui, pour l’instant, ne possède pas la place suffisante d’accueillir tout le monde.

Aussi, pour les aider à continuer de remplir leur mission de première nécessité à l’attention du bien-être animal et contre la souffrance banalisée que subissent nombre d’élevages pouvez-vous, au choix : visiter leur boutique partenaire et vous procurer un de leurs jolis mugs dont 50% des ventes leur est reversé, opter pour un super livre de recettes « Du vrac à l’assiette«  écrit par certains des bénévoles au profit de l’association, adhérer, aider sur place, adopter un résident, le parrainer ou bien tout simplement leur envoyer un don.

Autrement, pour suivre leur actualité et faire le plein d’ondes positives, vous pouvez vous rendre sur https://altervita.fr/actus/ ou sur leur page instagram @altervitaasso.

Sharon HOURI

Photographies publiées avec toutes autorisations. On remercie Altervita pour ces illustrations de leur quotidien, et pour leur temps.

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