Sur fond de conflit israélo-palestinien, la question de l’antisémitisme est devenue particulièrement sensible. De toute évidence, ce dernier doit être combattu dans toutes ses manifestations. son instrumentalisation à des fins politiques pose également question, à l’image de la polémique concernant Dominique de Villepin qui a récemment éclaté. Décryptage.

La recrudescence des actes antisémites en France est un véritable fléau qu’on aimerait voir disparu depuis longtemps. Ils suffisent déjà à défendre la cause des minorités juives sans que certains politiciens ou journalistes inventent des intentions discriminatoires à son égard. Dans ce domaine, « l’affaire » de Villepin est un cas d’école.

De Villepin et sa critique du pouvoir de la finance

En cette fin d’année, l’ex-chef du gouvernement était interrogé par l’émission Quotidien sur les sanctions reçues par des stars d’Hollywood après avoir pris position pour dénoncer les massacres en Palestine.

Le diplomate de formation regrettait alors que « la domination financière sur les médias et sur le monde de l’art et de la musique pèse lourd » ce qui empêche les acteurs de ces secteurs de « dire ce qu’ils pensent ».

S’il ne s’agit pas de défendre l’homme politique lui-même, sa situation a l’avantage d’être représentative d’un climat de défiance incontestable. En effet, à aucun moment les juifs ne sont évoqués dans cette conversation. Et pourtant, l’ancien collaborateur de Jacques Chirac se voit accusé d’avoir commis cet acte par un nombre conséquent d’éditorialistes et de politiciens parmi lesquels on retrouve des individus comme Éric Ciotti qui, pour sa part, refuse de condamner une attaque néonazie.

Selon eux, le problème ne serait pas ce que Dominique de Villepin aurait dit, mais ce qu’il aurait sous-entendu.

Et effectivement, il existe un préjugé antisémite bien connu et dangereux affirmant que les juifs contrôleraient les médias et le monde culturel afin d’asseoir un pouvoir sur la planète.

Les riches n’ont pas de religion, si ce n’est la défense de leurs intérêts

Toutefois, à bien écouter, ce n’est pas ce qu’a dit l’ancien ministre de l’Intérieur. Celui-ci ne fait que rappeler une évidence assez certaine : l’essentiel des médias appartient à des milliardaires. Même constat sur l’industrie du cinéma et des arts : pour y avoir une influence, il est sans aucun doute indispensable d’avoir beaucoup d’argent. Or, si tout ce milieu met en avant les mêmes idées, ce n’est pas en raison de leur confession, mais bien de par leurs intérêts économiques communs.

En France, par exemple, que l’on parle de Bernard Arnault, Xavier Niel, Vincent Bolloré, ou encore Martin Bouygues, aucun n’a quoi que ce soit à voir avec le judaïsme, ce qui ne les empêche pas de tous traiter le conflit israélo-palestinien de manière semblable.

- Pour une information libre ! -Soutenir Mr Japanization sur Tipeee

En réalité, les grands médias occidentaux défendent le gouvernement israélien dans un but géopolitique stratégique qui n’a absolument aucun rapport avec la religion. Il s’agit plutôt pour eux de garder un allié solidement implanté au Moyen-Orient pour exercer une influence sur une région disposant de ressources considérables. Il est donc tout à fait logique que le milieu de la finance – dans son évidente diversité – qui possède les médias de masse et l’industrie de la culture aille en ce sens.

@quotidienofficiel

Dominique de Villepin a été accusé d’antisémitisme suite à des propos ambigus tenus sur notre plateau. On revient sur cette séquence. #devillepin #antisemitisme #dominiquedevillepin #quotidien #polemique #video #politique #france #tiktokfrance #israelpalestine #conflitisraelopalestinien #sequence #news #tiktoknews

♬ son original – Quotidien – Quotidien

Tuer les voix dissonantes

Or, dans ce contexte de conflit meurtrier, une voix dissonante est toujours dérangeante pour le système occidental qui tente de laisser croire qu’il n’y aurait qu’une seule façon d’examiner la situation.

En témoigne, en outre, la déferlante médiatique continue depuis des années sur des personnalités politiques de gauches qui, malgré sans doute des maladresses de communication les concernant, proposent des discours nuancés vite simplifiés par l’opposition.

Ces amalgames entre critique géopolitique du gouvernement israélien et antisémitisme, par ailleurs refusé par des pans entiers de la communauté juive, profitent pendant ce temps au Rassemblement national qui, à défaut de pouvoir faire oublier son passé antisémite, complaît toutefois aux intérêts économiques de l’ordre capitaliste.

Qui veut noyer son chien l’accuse d’avoir la rage

Tant qu’il s’agissait de voix de gauche, il n’était pas très difficile de poursuivre cette campagne de désinformation en utilisant les mêmes poncifs. Mais lorsque le monde de la finance est dénoncé par Dominique de Villepin, une personnalité venue de la droite qui n’a jamais été une menace pour le système capitaliste, les grands médias se trouvent bien embarrassés.

Accuser d’antisémitisme Dominique de Villepin alors qu’il n’a strictement aucun antécédent allant en ce sens, tout en passant au RN son passé ouvertement antisémite et ses perpétuations silencieuses, semble alors tenir de la stratégie politique bien plus que de la défense de la communauté juive française de la part de certains politiciens et éditorialistes. Une stratégie qui éclipse pourtant la gravité de véritables discours reproduisant les préjugés et d’actes véritablement antisémites, qu’ils soient explicites ou implicites.

En effet, la discrimination peut naître subtilement de déclarations alimentant l’ignorance et les idées reçues. Or dans ce cas, le canal d’information en continu BFMTV a décidé d’inventer purement et simplement des déclarations.

Ainsi, on a pu voir sur un plateau un groupe de journalistes discuter d’un Dominique de Villepin qui aurait évoqué « la domination financière juive sur les médias et le monde de l’art ». Propos qu’il n’a pourtant jamais prononcé. Devant le tollé provoqué par cette manipulation, la chaîne n’a eu d’autre choix que présenter un texte d’excuses (à ses téléspectateurs, mais pas à l’intéressé…) deux jours plus tard.

En choisissant d’extrapoler cette interview sur la base d’un système de références plutôt qu’un autre, BFMTV alimente également au passage une défiance qui dessert l’union à l’heure où la paix sociale est plus que jamais le mot d’ordre. Car en somme, personne ne peut réellement vérifier si Dominique de Villepin est antisémite ou non en son for intérieur, ni si ses propos étaient un message complotiste subliminal caché. En revanche, une chose est sûre à laquelle la raison peu s’accorder : ce sont les faits.

Or, l’ensemble des faits et du contexte mènent à penser qu’il n’y a aucun signe d’antisémitisme explicite et que le lien de ces propos avec le fantasme du  » juif qui domine la finance » ne tiendra toujours que de la pure interprétation. Sauf qu’en acceptant que tout ne soit plus qu’hypothèses et croyances, la pensée prend le risque de céder à l’irrationalité d’émotions telles que la peur et la méfiance,… Pourtant, en temps troubles, s’en tenir aux analyses factuelles et honnêtes, aussi approfondies soient-elles, s’avère vital pour rester soudés et ne pas céder à l’isolement.

Car, désormais, peu importe si le nombre de personnes ayant visionné l’émission sera forcément supérieur à celui ayant eu connaissance du communiqué. Comme le disait le philosophe Francis Bacon : « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ! »

– Simon Verdière

Photo d’entête @Maya-Anaïs Y./Congrès République Solidaire Dominique de Villepin/ Premier congrès national du mouvement de Dominique de Villepin. 4 Décembre 2010. Au Palais des Congrès, Porte Maillot

- Cet article gratuit et indépendant existe grâce à vous -
Donation