Les Algues sargasses ne cessent de progresser en Atlantique, expose une nouvelle étude publiée dans la revue Science. Dans les territoires concernés par l’invasion, les autorités sont impuissantes face à un phénomène qui s’aggrave d’année en année, menaçant les habitants ainsi que le fonctionnement régulier de l’économie locales. Le point sur un phénomène amplifié par l’activité humaine.
Les algues sargasses s’étendent désormais à travers l’océan Atlantique depuis le golfe du Mexique jusqu’aux côtes de l’Afrique de l’Ouest. En 2018, elles ont atteint leur extension maximale, colonisant une bande longue de 8850 kilomètres, constate une équipe de chercheurs américains dans une étude publiée début juillet dans la revue Science.
En analysant les observations satellitaires de ces 20 dernières années, ils ont pu constater le développement aberrant de l’algue depuis 2011, alors que sa présence naturelle ne posait pas problème auparavant. Depuis, le phénomène se répète d’année en année et ne cesse de prendre de l’ampleur, formant désormais la prolifération de macroalgues la plus importante jamais observée sur terre. Ceci inquiète au plus haut point, aussi bien au niveau des chercheurs que des autorités locales.
Le développement soudain des sargasses pourrait avoir été favorisé par la concomitances de plusieurs circonstances favorables – températures et salinité propices, augmentation des nutriments, la pollution azotée d’origine agricole ou encore le recul du mollusque Lobatus gigas des conséquences de la surpêche, un grand consommateur de l’algue. Alors que l’année 2019 s’annonce déjà comme une année record, les chercheurs regardent du côté de l’Amazone, le fleuve charriant d’importantes quantités d’engrais utilisées dans les plantations de la région. Au Brésil, les intrants utilisés ont connu une hausse spectaculaire pendant ces dernières années, de l’ordre de 70 % entre 2011 et 2018. Peu de chance que la situation s’améliore de ce côté avec l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, ouvertement industrialiste.
Un danger reconnu pour les êtres-humains
Les algues sargasses sont des algues brunes marines de la famille des Sargassaceae, comprenant un grand nombre d’espèces à travers le monde. Ces algues sont communément fixées sur les fonds marins côtiers, hormis les deux espèces sargasses pélagiques fluitans et natans, qui se développent à la surface de l’océan et dérivent librement au gré de courants marins sous forme de nappes. Ce sont ces dernières qui préoccupent les scientifiques.
Ces deux algues ne sont pas nouvelles et leur système de circulation entre le golfe du Mexique et la mer des Sargasses est bien connu. Mais avec leur multiplication rapide et anormale, les échouages massifs de sargasses pélagiques connaissent une hausse alarmante depuis 2011 en mer des Caraïbes. L’origine du problème se trouve dans la zone de circulation nord équatoriale, un courant marin circulaire situé entre les côtes du Brésil et le golfe de Guinée.
Leur concentration importante sur les côtes se transforme en véritable problème sanitaire pour les territoires concernés. En effet, lorsque les sargasses s’échouent sur la plage, elles se décomposent et émettent alors de l’hydrogène sulfuré (H2S). Le processus génère une odeur écœurante d’œuf pourri. Mais en plus, l’hydrogène sulfuré, lorsqu’il est inhalé en quantités conséquentes ou pendant une longue période, devient toxique pour l’humain et les animaux. Il cause troubles respiratoires, irritations des yeux, vertiges, nausées, maux de tête. Ainsi que des évanouissements et des crises cardiaques dans le pire des cas.
L’invasion semble désormais s’étendre à des territoires de plus en plus vastes. Cette année, l’algue a été observée au Mexique, dans les Caraïbes, mais aussi dans le sud-est de la Floride. À chaque fois, les autorisés sont prises au dépourvu, et doivent investir plusieurs millions d’euros de matériels techniques pour faire face à la menace. Paradoxe intenable : nous devons polluer davantage pour faire face à des conséquences artificielles de nos pollutions collectives.
Les habitants des territoires touchés sont ainsi doublement concernés. Non seulement le phénomène est source d’importants désagréments sanitaires, mais en plus il est une menace pour le tourisme, activité qui joue un rôle moteur dans le développement de leur économie. À titre d’exemple, depuis mai dernier, les plages de la péninsule du Yucatán au Mexique connaissent une véritable invasion, obligeant les autorités à prendre des mesures d’urgence et à déclarer l’état d’urgence. Ce qui implique notamment de devoir fermer certaines plages ou restreindre les activités nautiques.
L’année passée, ce sont les habitants de la Guadeloupe qui, confrontés à des échouages massifs sur les plages, ont été contraints de freiner leurs activités et de prendre des mesures d’urgence pour éviter que les algues ne s’accumulent. L’économie est ici également frappée de plein fouet. Il a par exemple été rapporté dans les médias locaux qu’un couple d’imprimeurs a vu l’intégralité de son matériel être mis hors d’usage. À proximité de la plage, des hôtelier doivent brader leurs prix pour garder les visiteurs.
Dans les Antilles, en dépit des demandes répétées, l’état de catastrophe naturelle n’a toujours pas été reconnu par les autorités françaises…