Au Kenya, dans la région du lac Turkana, les habitants sont touchés de plein fouet par le manque d’eau provoqué par les changements climatiques ainsi que l’accaparement de la ressource par des entreprises privées. «  La ruée vers l’eau », web-documentaire gratuit réalisé par Emilien Kurtz et Thomas Laurent, met en lumière leur sort et les difficultés à trouver une solution, alors que se superposent des intérêts économiques et politiques à ceux des populations. 

Au nord du Kenya, à la frontière avec l’Éthiopie, les populations pastorales qui vivent à proximité du lac Turkana sont fragilisées par la sécheresse qui sévit depuis plusieurs années dans une région déjà aride. Le phénomène, qui provoque à lui seul une première raréfaction de l’eau, est exacerbé par l’accaparement de la précieuse ressource pour des activités humaines, notamment des plantations agricoles à proximité des villes comme Lodwar. Avec la difficulté grandissante des Turkana à subvenir à leurs besoins de base, les tensions augmentent, dans une zone où il existe d’ores et déjà des conflits latents. Un risque étudié par le cabinet d’étude Adelphi et Climate Diplomacy a d’ailleurs démontré que les changements climatiques augmentent fortement le risque de formations de groupes terroristes.

Crédit image : SPREAD Media

« Il n’y a plus d’eau, les arbres se dessèchent, la vie des communautés est bouleversée »

En l’espace de quelques années, le peuple Turkana a vu ses conditions de vie changer rapidement. Vivant traditionnellement de l’élevage de bétail (essentiellement des chèvres et des moutons), leurs cheptels ont été décimés faute d’eau et de pâturages pour nourrir les bêtes. Conséquence immédiate, une partie des éleveurs composant ce peuple d’un million d’habitants ont commencé à chercher de nouvelles terres, où les conditions seraient plus propices pour perpétuer leurs activités et survivre. Le manque d’eau oblige donc les populations entières à se déplacer vers les frontières avec l’Éthiopie, l’Ouganda et le Soudan. Ces mouvements provoquent des tensions et même des guerres entre communautés, ou entre ceux qui vivent de l’élevage et les agriculteurs. C’est l’ensemble de la région qui s’en trouve déstabilisée.

Le web-documentaire met en lumière la vie des habitants de la région face à un phénomène contre lequel ils sont impuissants. À défaut de pouvoir s’adapter à la sécheresse, les populations, réduites à la famine, tentent tant bien que mal de survivre. Mais le désespoir se fait sentir : « je n’ai pas d’avenir, mon enfant n’a pas de futur » lâche un père face à la caméra. « Ce qui est hallucinant concernant le peuple Turkana, explique Emilien Kurz, l’un des deux réalisateurs, c’est que le peuple est frappé très durement par le changement climatique, alors que le mode de vie de ces personnes n’a aucune influence sur ce dernier ».

Mais si le changement climatique est l’une des causes de la situation présente, il existe d’autres raisons qui expliquent la situation. En donnant la parole aux populations, aux agriculteurs, aux scientifiques et aux représentants politiques, l’enquête montre que c’est de manière plus générale le modèle de développement qui est en cause. Ainsi, le gouvernement mise sur le développement de l’agriculture autour des villes, un choix qui permet d’améliorer la vie des citadins, mais qui accentue les difficultés du peuple Turkana. Signe de l’urgence, le lac Turkana a été placé le 28 juin dernier sur la liste du patrimoine mondial en péril en raison des menaces que font peser sur lui un barrage hydroélectrique et des projets d’irrigation éthiopiens sur son principal affluent, le fleuve Omo.

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Les mouvements migratoires dus au changement climatique ont déjà commencé

Aujourd’hui, on évoque souvent les conséquences du changement climatique à l’horizon 2030 ou 2050. Ainsi, le Centre commun de recherche (JRC), le service scientifique de la Commission européenne, publiait le 26 juin une étude au terme de laquelle il était estimé que la dégradation des terres à l’échelle planétaire pouvait causer le déplacement massif de 700 millions de personnes d’ici 2050. Si ces chiffres nous permettent de réaliser les bouleversements globaux à venir, ils ne nous disent rien des changements qui sont d’ores et déjà à l’œuvre et qui ont une incidence immédiate sur les conditions de vie de centaines de millions de personnes autour du monde. Le sort des populations vivant autour du lac Turkana offre un exemple saisissant des conséquences tangibles de ces évolutions.

À partir d’une carte interactive, le visiteur découvre sur le site dédié les différentes facettes de la crise que traversent les Turkana dans quatre vidéos d’une durée de 4 à 10 minutes. Le documentaire a été réalisé par SPREAD Media, une association à but non lucratif d’intérêt général culturel. Elle ambitionne de produire, réaliser et diffuser « des informations libres d’influence ».

Le web-documentaire interactif peut être découvert gratuitement sur rueeversleau.org.

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