Baptiste Ventadour est un tout jeune artiste français de 21 ans, musicien autodidacte à la préférence marquée pour la guitare et la musique folk. Il s’est forgé en tant qu’artiste dans la rue pendant deux ans, une période qui lui permis de prendre beaucoup de recul sur son travail. Fort de cette expérience, Baptiste vient de sortir son premier single, Que reste-t-il, une véritable lettre de pardon adressée à la Terre. C’est à cette occasion que Mr Mondialisation a souhaité échanger avec cet artiste engagé qui, comme beaucoup d’autres jeunes, s’inquiète de la pérennité de cette planète sur laquelle il habite. Interview.

Mr Mondialisation :  Bonjour Baptiste, merci d’avoir accepté de répondre à mes questions. Ton parcours d’artiste engagé est plutôt singulier. Depuis quand as-tu cette passion pour la musique ? 

Baptiste Ventadour : Mon frère faisait de la musique dans un groupe et ça m’a donné envie d’en faire, alors il m’a appris le piano. Puis je suis passé à tous les instruments (percussions, guitare, etc) et j’ai créé un petit groupe au collège, comme plein de jeunes. Au fur et à mesure, je me suis entraîné, seul, à mieux chanter et à mieux jouer. J’ai créé deux groupes au lycée puis en parallèle, après mon bac, j’ai fait des études de cinéma. Après ces études, j’ai bossé dans un magasin de vêtements. Je me suis fait viré car je partais tous les week-ends en concert !

M. : Véritable autodidacte, tu t’es aussi et surtout forgé en tant qu’artiste grâce à la rue. Peux-tu m’en dire plus sur cette expérience ? 

B.V. : J’ai joué dans la rue car j’avais envie d’être payé, d’être indépendant. Et ça a plutôt bien marché ! Au début, j’avais un peu peur. Quand tu commences à jouer dans la rue, tu te mets sur une place publique donc il y a des gens que ça peut potentiellement déranger. Et je suis quelqu’un qui n’aime pas déranger les autres, je fais très attention à ça. Ça a été très dur pour moi de me décider à mettre une ampli au milieu de la place publique et de chanter. Mais, rapidement, j’ai vu que ça plaisait, donc j’ai voulu trouver des manières de ramener plus de gens. J’ai de la chance d’avoir des copains artistes de rue eux aussi, qui m’ont appris comment attirer du monde, notamment en faisant des « cercles ». La rue ça m’a fait prendre beaucoup de recul parce-que si les gens ne s’arrêtent pas, c’est parce-que tu as quelque chose à améliorer. Quand on dit que la rue est c’est une super école, c’est vrai ! Ça te permet d’avoir énormément de recul sur toi, de remettre en question ton travail quand les gens ne s’arrêtent pas.

Lorsque Baptiste chantait et jouait dans le rue / Crédits photo : Rémi Vannier

M. : Aujourd’hui, tu es l’auteur d’un single très engagé, sorti le 26 juin 2020 : Que reste-il. Tu y demandes pardon à la Nature, à notre planète. Mais aussi, tu invites tes auditeurs à réfléchir au futur qui nous attend. En tant que jeune, ne ressens-tu pas une certaine éco-anxiété, une forme de souffrance ressentie face à un combat qui semble perdu d’avance ?

B.V. : C’est un sujet qui me fait vraiment peur, c’est hyper anxiogène. C’est un sujet auquel je pense souvent, tous les jours même. Et j’ai un ami qui en parle très bien, Kalune, qui est l’auteur de la chanson. J’ai voulu travailler avec lui car je trouve qu’il met vraiment très bien les mots sur ce sujet. Pour cette chanson, on a voulu faire une lettre à la Terre. De personnifier la Terre. Le but de la chanson, ce n’est pas d’être moralisateur, de dire « faites pas ci, faites pas ça », ce n’est pas du tout le propos. C’est plutôt : « il faut qu’on prenne conscience de ça rapidement, sinon c’est foutu ». Oui, je pense que c’est un combat perdu d’avance. Mais en même temps dire ça c’est déjà se dédouaner de quelque chose. Cette chanson, c’est un choix que j’ai fait de l’avoir choisi comme premier single parce-que je savais que quelques médias allaient en parler, que ça allait attirer l’attention. J’ai vraiment l’impression qu’on parle encore trop peu de la crise écologique dans les mass médias … c’est un sujet qui reste relativement absent, tabou.

M. : Par les paroles de ce single, tu sembles dire que la jeunesse a justement son rôle à jouer dans ce combat, et notamment pour la prise de conscience collective. Il y a plusieurs manières de le faire, tu as choisi l’art. 

B.V. : Complètement. Après il ne faut pas s’engager que par l’art ! L’art ça sert à faire passer un message, rien d’autre. Ma chanson ne va pas sauver la planète. Par contre nous à notre échelle, et les jeunes en particulier car c’est la nouvelle génération, on a plus le choix que de prendre la relève, de changer pleins d’habitudes, de faire bouger le gouvernement. Il faut agir ensemble, à l’échelle autant individuelle que collective. Il y a tellement de choses à faire !

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« il faut qu’on prenne conscience de ça rapidement, sinon c’est foutu »

M. : Dans Nature’s Majesty, tu insistais déjà sur la nécessité d’entrer en harmonie avec la Nature, d’être connecté avec elle. Et sur le fait que les humains ne soient qu’un « détail » parmi tant d’autres sur cette planète. Comment en es-tu arrivé à cette réflexion et à cet engagement ?

B.V. : En fait moi je viens de la campagne, je suis souvent dans la nature. J’ai toujours été très proche de la nature, dans le sens où je n’ai jamais habité en ville. Ça fait un an que j’habite à Clermont-Ferrand … c’est la plus grande ville que j’ai habité ! J’ai habité en Creuse, c’était vraiment bien la campagne, puis la Corrèze c’était carrément la campagne aussi, pareil pour le Périgord après. J’ai toujours vécu près de la nature, donc c’est quelque chose dont je suis très proche. Me dire que un jour, soit ça va changer soit ça va mourir, c’est quelque chose qui me fait peur. Ce milieu là, la nature, c’est là où je me sens bien. Voir mourir cet écosystème, ça me désole.

M. : Cette désolation va-t-elle être le fil rouge de ton prochain album ? 

B.V. : Je compte sortir d’autres titres oui, plein de choses sont en préparation ! J’y parlerais le plus possible de mon engagement, de mes convictions et de mon ressenti face à tout ça, mais ce ne sera pas le fil conducteur. En fait, je pense qu’il ne faut pas que parler de ça, parce-que sinon ça fini par gâcher le message. Mais j’ai choisi cette chanson [Que reste-t-il, nldr] en premier single pour que ce soit ma première prise de parole. Ce n’était pas du tout un hasard, c’était un choix, car c’est le message le plus important qu’il y aura dans l’album. Je n’ai pas envie de faire un album là-dessus, sinon j’ai peur que ce soit contre-productif. Que ça passe pour un album moralisateur, donc que ça décrédibilise le message et la cause.

M. : Est-ce que la crise sanitaire a joué un rôle dans l’évolution de ton engagement ? Crois-tu au « monde d’après » ? Si oui, comment l’imagines-tu ?

B.V. : À mon échelle, la crise sanitaire j’ai presque trouvé ça super pour l’environnement : les grosses baisses de pollution, de gaz à effet de serre pendant le confinement. Je le voyais chez moi ! J’habite pas loin du Puy de dôme, à Clermont-Ferrand, et on voyait carrément des animaux sur la route : des pies, des cerfs, des buses, et plein d’autres animaux qui se permettaient enfin de sortir ! On n’avait jamais vu ça par ici. C’est sur que ce confinement a fait un bien fou à la nature. Mais il faut être réaliste, ça ne va rien changer par rapport à avant sur le monde de demain. Car on est toujours dans le même système, avec la même consommation. Rien n’a changé sur le long terme. 

« il faut être réaliste, ça ne va rien changer par rapport à avant sur le monde de demain »

M. : Quand tu parles de système, ça me fait penser à une partie de ton single où tu évoques « des mômes immatures », à qui fais-tu référence ? Aux dirigeants politiques, aux générations passées et présentes ? 

B.V. : Bien sûr. Mais toujours sans être moralisateur. Le grand tri à faire dans tout ça c’est que on a tous nos incohérences quant à la protection de l’environnement. Là tu vois pour l’interview, je t’appelle depuis mon ordinateur … il y a des matériaux rares, extraits, qui ont pollué et exploité des gens. C’est pourri ce avec quoi on s’appelle. Même Internet. Il y a tellement de choses sur lesquelles on doit faire des efforts et que l’on ne fait pas. C’est pour ça que la chanson n’a pas pour but d’être moralisatrice, mais plutôt d’amener à ce que chacun agisse en ayant conscience des conséquences de ses actes. Par exemple, là je t’appelle depuis mon ordinateur mais je sais ce que je fais, je sais les impacts que ça a sur le plan social et environnemental. On a tous plein d’incohérences, le tout c’est d’en avoir conscience et d’agir pour les réduire au maximum. Puis l’ordinateur, le portable, ce sont aussi des vecteurs de prise de conscience et d’engagement collectif pour la protection de l’environnement. A commencer par la diffusion du message de Que reste-t-il

M. : Le clip de Que reste-t-il fait passer un message très fort. On peut y voir une métaphore des effondrements que l’on vit déjà : la destruction de notre maison commune, la planète, face à laquelle personne ne semble réagir. Peux-tu nous parler de cette réalisation ? Était-ce un choix de ta part ? 

B.V. : J’avais Wes Anderson comme référence artistique, parce-que j’avais envie que ce clip là ait des couleurs qui détonnent, quelque chose d’accrocheur pour que les gens le regarde vraiment jusqu’à la fin. J’ai fait appel à un réalisateur qui s’appelle Alexis Willis. Je lui ai expliqué que j’avais envie que ce clip souligne l’incohérence entre nos réactions, ou plutôt notre absence de réaction, et la situation actuelle à savoir la crise écologique. On a voulu tourner le truc de manière un peu absurde pour faire passer le message. C’est pour ça qu’il y a des pièces qui sont montées dans des décors absurdes : à un moment il y a un mec dans son bureau et derrière il y a une montagne d’ordures, un autre ce sont des parents qui fêtent Noël avec leurs gamins et derrière il y a une énorme usine … C’est une métaphore de l’absurdité de l’incohérence. L’incohérence entre la destruction massive de l’environnement, qui devrait nous alerter, et notre non-réaction : les gens font semblant que ça va bien, tout en sachant que ça ne va pas.

Crédits photo : Charlotte Navio

– Propos recueillis par Camille Bouko-levy

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