Déviante de la seule boussole de la loi d’un marché mondialisé, la Biovallée réinvente à sa manière une forme d’économie locale, tout en privilégiant le bien être des populations qui y vivent. En s’attachant à une alimentation de qualité, à la préservation d’un héritage culturel ou en relocalisant les approvisionnements alimentaires et énergétiques, cet éco-territoire de 55000 habitants, situé le long de la Drôme dans la région Rhône-Alpes, nous livre une expérimentation palpable du développement durable.

Biovallée

[ Article partenaire via Les Hiboux.fr]

Une culture de l’économie sociale et solidaire

Animé par une volonté historique de sauvegarder la Drôme, rivière souillée par la pollution et pourtant essentielle à la vie de la vallée, le territoire a su capitaliser sur cette dynamique collective pour développer son cadre de vie. C’est dans le but de fédérer ces initiatives multiples désireuses de respecter le territoire que l’association Biovallée a fait son apparition au printemps 2012 afin d’oeuvrer à la mise en réseau des acteurs économiques (entreprises, associations, collectivités) qui souhaitent s’engager sur les principes de la charte Biovallée. Le projet du territoire a reçu un financement stratégique de la région Rhône-Alpes sur 2009-2014 à hauteur de 10 millions d’euros en tant que l’un des 7 GPRA (Grand Projet Rhône-Alpes).

Reconnu territoire à énergie positive croissance verte (TEPCV) début 2015 avec l’attribution d’une nouvelle dotation de 500 000 euros de la part de l’Etat, la Biovallée a déjà mis en route des moyens à la hauteur de ses ambitions à l’horizon 2020 : réduction des dépenses énergétiques, facilitation de la mobilité douce, covoiturage, isolation des bâtiments..

Pionnier dans le développement des bio-activités, l’éco territoire consacre actuellement 30 % de sa surface agricole utile à l’agriculture biologique et vise 80% de l’approvisionnement en local dans la restauration collective.

Véritable atelier du développement durable, dans une perspective bien plus concrète que celle prévue par la COP21 en fin d’année à Paris, la Biovallée fait de la formation et du partage des savoirs le troisième pilier essentiel de son projet. Le centre de conférence et formation Biovallée – Le Campus vise à transmettre cette expertise et contribue à l’observation des pratiques et savoir-faire de développement durable.

C’est donc tout sauf anodin d’y trouver des initiatives entrepreneuriales parmi les plus porteuses de l’Hexagone sur le plan écologique, social et de l’économie locale. Des structures comme L’herbier du DioisGéant Pièce Auto ou Agri Court combinent ainsi circuit court de production locale, innovations écologiques et prise en compte des intérêts humains. Dans la même perspective, le centre agro-écologique des Amanins, créé à l’initiative de Michel Valentin et Pierre Rabhi, organise des séjours de sensibilisation à l’écologie pratique dans la perspective d’initier un autre modèle de société, basé sur la coopération et la connexion avec la nature. Cette volonté commune symbolisée par une pluralité d’initiatives se traduit par la mise en avant d’un esprit solidaire sur le territoire en lieu et place de l’ordinaire penchant pour la compétition.

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Un projet de ferme photovoltaïque vise à mutualiser les toits des habitants pour une production électrique en panneaux.

L'Herbier du Diois emploie une quarantaine de personnes et exporte des plantes aromatiques bio dans près de 30 pays.

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Entretien avec Anne-Sophie CHUPIN, directrice de l’association Biovallée

Qu’est ce qui a poussé les différents acteurs publics et privés à s’impliquer autour du projet Biovallée ?

Anne-Sophie CHUPIN : L’état d’esprit et la culture de l’éco territoire existent depuis les années 60/70 et l’arrivée de néo ruraux. Dans les années 90, la rivière de la Drôme était à 95% souillée et impropre à la baignade ce qui a entraîné une prise de conscience. Il y a eu alors rapidement une volonté de la part d’élus et techniciens du territoire de poursuivre ce travail de collaboration. La réponse à un pole d’excellence rural de l’Etat a donné naissance au vocable de Biovallée en 2002. Son insertion dans le grand projet Rhône-Alpes, grâce à une programmation par la région de 10 millions d’euros de budget sur 2009/2014 est venu accélérer des habitudes de travail qui étaient déjà nées entre les acteurs du territoire.

L’orientation vers des choix énergétiques durables semble particulièrement affirmée dans le projet du territoire. Pouvez-vous nous donner un exemple concret ?

Le programme DORéMI vise à la rénovation des maisons individuelles sur des principes de basse énergie, au travers d’un groupement d’artisans. Une collaboration a été mise en place avec l’institut négawatt et un cabinet d’étude thermique, ce qui permet d’expérimenter une nouvelle façon de faire. L’idée est de former les artisans du territoire pour qu’ils s’organisent ensemble et qu’ils fassent une réponse groupée et réfléchie aux demandes de rénovation. Plus de 130 personnes se penchent sur la rénovation thermique en Biovallée grâce à un partage d’expérience ayant eu lieu en juin 2014. De cette façon, nous avons pu faire monter en compétence des artisans qui sont déjà en activité, tout en les inscrivant dans une dynamique de travail collaboratif et d’animation pour une rénovation respectueuse et écologique.

Cette logique et cette recherche d’optimisation ont permis d’arriver à un coût de rénovation au mètre carré en baisse avec, à la clé, la réponse à des objectifs ambitieux de baisse des dépenses énergétiques.

La charte Biovallée prévoit d’atteindre 50% d’agriculteurs et de surface en agriculture biologique en 2020. Quelles sont vos actions ?

Pour faciliter le développement de la production en agriculture biologique, nous facilitons l’accès aux terres ou à des zones d’essai. Ainsi, des pépinières d’installation agricoles et fermières ont été instaurées, permettant aux jeunes de tester leur projet pendant deux ans pour se lancer ensuite à grande échelle.

Il est indispensable de faire comprendre les enjeux du circuit court, du local et de la restauration collective.

De cette façon, nous avions déjà 28% d’agriculteurs biologiques sur le territoire fin 2013. Nous formons des chefs de cuisine à utiliser plus les produits locaux, sains et pas plus chers, qui peuvent demander parfois plus d’inventivité. L’un de nos derniers projets est une plateforme de mise en contact des agriculteurs pour développer leur réseau et faire des retours d’expérience.

Comment est perçu le projet Biovallée par la population ? Quel est leur degré d’implication ?

C’est tout le paradoxe d’un projet de cette taille et de cette ambition. Cela fait un moment que l’on parle de Biovallée (la marque a été déposée en 2002) mais ce n’est pas toujours compris par le grand public local. Le territoire Biovallée et son caractère pionnier et innovant d’éco territoire de référence est parfois plus connu à l’extérieur que dans certains endroits du territoire. C’est un défi pour nous, association Biovallée en charge de la promotion de la démarche, d’arriver à toucher le grand public. Cela passe par des manifestations, des projections, des débats. Il est important de continuer à expliquer ce à quoi sert ce projet de développement.

Pourtant les exemples qui font de la Biovallée un territoire à part quant à la qualité de vie ne manquent pas…

Oui. La charte de développement durable Biovallée porte des valeurs, une façon de voir les choses. C’est un gage de qualité et une démarche de progrès continu pour les acteurs du territoire qui s’y engagent. Par exemple, la majorité des salariés de l’Herbier en Diois, une entreprise de plantes aromatiques biologiques, habite dans un rayon de 7km autour de l’usine.

La direction a instauré une prime verte : quand un salarié vient plus de 75% du temps sur la totalité du mois par un moyen de mobilité douce (pied, vélo) il reçoit une prime financière conséquente.

Une ferme photovoltaïque est en train de voir le jour, en partie grâce à l’épargne des habitants ?

C’est une centrale photovoltaïque villageoise. Une société mutualise les toits des habitants et les met à disposition pour une production électrique en panneaux. Pour accompagner cette dynamique, une des intercommunalités du territoire a fait faire un cadastre solaire où ont été évalués tous les toits disponibles sur les installations publiques. Une deuxième phase va être abordée avec une évaluation des projets à mettre en œuvre et leurs rendements pour permettre aux communes d’investir dans la production d’énergies propres.

Le constat est simple : le territoire dépense chaque année 180 millions d’euros en terme de facture énergétique qui partent pour la plupart à l’extérieur vers les gros fournisseur habituels de l’électricité en France.

Le défi est de faire un territoire autonome au niveau énergétique en gardant cet enjeu du cadre de vie, de la biodiversité et du respect dans les relations humaines. Ce sont ces axes de travail qui nous mobilisent à poursuivre nos actions.

Biovallée


Article partenaire partagé à la discrétion du site « Les Hiboux » – Source : les-hiboux.fr

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