Comment fait-on une jupe, un t-shirt ou un jeans pas cher ? C’est simple, on externalise les coûts de production ! C’est à dire qu’on reporte la charge des coûts sur un élément invisible : généralement l’environnement ou le travailleur. Derrière une mode peu couteuse, on retrouve des enjeux majeurs des luttes sociales et environnementales. Difficile de réaliser tout ce qui peut se cacher derrière un simple T-shirt en coton…
Pour nombre de consommateurs, il est agréable de se balader dans les rayonnages des magasins de vêtements, souvent riches en couleurs, de se laisser séduire par des vêtements dont on a pas toujours le besoin, de sentir l’odeur du textile neuf, de toucher et tester les nouvelles tendances, bercé par une musique corporate étudiée pour nous enthousiasmer… Difficile d’intellectualiser et rationaliser ses envies dans de telles conditions. Pourtant, sous les nuances de couleurs, il y a des nuances de vies.
Industrialisation, consumérisme, mondialisation,… ils sont autant de parents de l’industrie du textile centrale dans nos existences autant que le logement et la nourriture. Contre tous les constats alarmants et critiques de la mondialisation, la demande en textile est pourtant de plus en plus effrénée. Des alternatives équitables et durables voient timidement le jour mais dépendent entièrement des choix des consommateurs pour perdurer. Et qu’est-ce qu’un bon consommateur si ce n’est un consomm’acteur informé et conscient ? Dès lors, prenons le temps de vulgariser quelques faits intéressants à travers 6 points clés qui questionnent l’industrie textile conventionnelle.
1. Le coton est une plante chimiquement dépendante
Le coton. C’est le composant le plus couramment utilisé dans le monde. On le retrouve dans près de 40% de nos vêtements. Bien qu’il ne représente que 2,4% de toutes les terres cultivées, il utilise à lui seul 12% de tous les pesticides et 25% des insecticides fabriqués dans le monde (Danish Fashion Institute). Un rapport astronomique dont l’impact écologique est profond. Une réalité très éloignée des yeux du consommateur étranglé par son pouvoir d’achat. Si une consommation modérée reste le plus efficace pour lutter contre cette réalité, il existe des labels qui garantissent un vêtement sans intrants chimiques.
Par ailleurs, ce végétal est l’une des plantes les plus assoiffées du monde industriel, exigeant 6 fois plus d’eau que la laitue et 60% de plus que le blé. Et pourtant, les gouvernements subventionnent la culture de coton jusque dans le désert de l’Arizona… Ainsi, les grandes pénuries d’eau que subissent certaines régions du monde peuvent être liées à la surproduction de vêtements.
2. Les autres matériaux ne sont pas meilleurs…
Les alternatives synthétiques communes du coton, tels que polyester et le nylon, sont fabriqués à partir de produits pétrochimiques n’étant pas biodégradables. La fabrique de nylon, par exemple, est un grand émetteur d’oxyde nitreux, un gaz à effet de serre incroyablement puissant (bien plus que le CO2), en plus d’être énergivore.
Cependant, le polyester recyclé, lui, fabriqué à partir de plastique trié, utilise moitié moins d’énergie qu’utilise le polyester vierge. D’autres alternatives à ces matières non-durables sont en cours d’élaboration, comme des produits utilisant des ananas, des noix de coco ou des bananes. Ces alternatives sont viables mais percent difficilement une industrie monolithique qui ne voit aucune raison économique de se transformer en profondeur. La pression citoyenne joue ici un rôle fondamental.
3. Les usines de textiles et de teintures polluent les cours d’eau et mettent en danger la santé des communautés environnantes
Fabriquer un vêtement implique de nombreuses étapes où interviennent colorants, rinçages abondants et autres produits chimiques. Les eaux usées sont naturellement rejetées dans l’environnement. Partout dans le monde, fleuves et rivières sont atteints, autant les animaux qui y vivent que les communautés locales qui se nourrissent de la pèche et utilisent l’eau. Mais c’est principalement en Asie, où des tonnes de vêtements à moindre coût sont fabriqués, que l’eau est la plus polluée.
La campagne Detox de Greenpeace en Asie de l’Est s’active actuellement pour mettre en évidence les effets négatifs de ces déchets sur les habitants du Bangladesh, de la Chine et de l’Indonésie, pays vivant en grande partie de l’industrie textile. La problématique est donc délicate et nécessite une approche de transition pour garantir des revenus à la population déjà fragilisée.
4. Chimie et conditions de travail dangereuses
Les ouvriers du textile (non-biologique) travaillent dans un milieu à risque. Il suffit de repenser au drame de Dhaka au Bangladesh où l’effondrement d’un bâtiment insalubre a tué plus de 1100 personnes œuvrant derrière des machines à coudre ou des fileuses. Leurs vêtements étaient destinés aux grandes marques occidentales que nous consommons.
Les dangers de l’exposition chimique sont également à mettre en exergue. Ils peuvent conduire jusqu’à la mort prématurée des ouvriers. « Certains colorants et produits chimiques, tels que l’alun et de sulfate de cuivre, peuvent irriter votre peau et causer des éruptions cutanées, causer des allergies ou des problèmes respiratoires…» explique la fondation Hesperian dans son guide Les dangers de l’industrie textile. « D’autres sont encore plus dangereux, tel que le dichromate de potassium pouvant causer le cancer ainsi que d’autres graves problèmes de santé. »
5. Des produits toxiques dans les vêtements
La chimie utilisée dans l’industrie textile ne disparait pas totalement dans l’environnement. Les vêtements peuvent en garder des traces significatives. On peut donc retrouver divers produits chimiques dans nos vêtements, comme le perfluorinated chemical (PFC), le nonylphenol ethoxylate (NPE), le p-Phenylenediamine (PPD). Des substances qui peuvent produire des effets néfastes pour la santé des personnes les plus sensibles. On peut même en retrouver dans les vêtements pour enfants selon un rapport de Greenpeace. Des marques comme Disney, Burberry et Adidas sont concernée selon ce rapport. À nouveau, des labels voient le jour pour s’assurer de la non-toxicité des vêtements.
Image issue du documentaire « The True Cost »
6. Vos vêtements voyagent plus que vous
Nombre de critiques pointent du doigt les amoureux du voyage (à ne pas confondre avec le tourisme de masse) pour l’impact écologique de leur déplacement, mais savent-ils que les vêtements (comme nombre de produits mondialisés) voyagent bien plus que nous ? Les matières premières textiles viennent en majorité de Chine, d’Inde ou des États-Unis pour ensuite se rendre dans des endroits comme le Bangladesh, le Vietnam, le Pakistan et les Philippines. Un long trajet pour atteindre une main d’œuvre low-cost, consommant dans le même temps une énorme quantité de pétrole. Une fois le produit fini, il est mis en conteneur pour être envoyé par voie maritime dans les grands ports du monde. Les chemins de fer et les camions finalisant le déplacement jusqu’au magasin. Aucun moyen d’évaluer la quantité exacte de carburant utilisé par unité de vêtement, mais il dépasse de loin les déplacements humains. Rien qu’aux USA, les américains achètent 22 milliards de nouveaux articles pour s’habiller chaque année !
Conclusion
On constate donc, à travers ces 6 manières d’externaliser les coûts, que le prix final d’un vêtement industriel n’a plus rien de réel. Il apparait bien inférieur à ce que devrait couter son équivalant produit dans de bonnes conditions de travail et de manière écologiquement soutenable. Par ailleurs, un tel prix n’empêche pas les marques de réaliser des marges astronomiques sur la vente de leur produit. Le consommateur est donc doublement grugé. D’une part il est contraint par son achat de participer à une mondialisation écrasante et écologiquement insoutenable, d’autre part, il nourrit les acteurs (multinationales) de cette mondialisation dont la part de profit sur le prix pourrait être allouée à une production saine.
Image issue du documentaire « The True Cost »
Sources : ecowatch.com / projects.propublica.org / greenpeace.org / hesperian.org / Images issues du documentaire « The True Cost »