Vivre en tiny-house ? Un rêve devenu réalité pour de plus en plus de français. Si la législation peine encore à accepter ce mode de vie à la fois simple et en marge de la société de consommation par le peu d’accumulation qu’il rend possible, certains n’attendent pas. Nous avons rencontré Pauline et Romain qui ont entièrement construit leur propre micro-maison et souhaitent désormais faire bénéficier les autres de leur savoir-faire.
Il y a deux ans, Pauline et Romain, âgés respectivement de 23 et 26 ans, ont décidé de vivre leur rêve : se lancer dans l’auto-construction d’une « micro-maison » ou tiny-house. Pariant sur la complémentarité de leurs compétences – Pauline est designer d’espace alors que Romain est charpentier -, ils ont surmonté un parcours semé d’embûches, pour finalement créer La Maison Qui Chemine. Forts de leurs expériences, ils sont désormais consultés de manière régulière par des personnes qui souhaitent les suivre et lancent un Crowdfunding pour continuer leur activité en tant que constructeurs indépendants. Nous avons souhaité leur poser quelques questions sur ce parcours atypique
Mr Mondialisation : Comment vous êtes-vous lancés dans la construction de votre première « tiny-house » ? Qu’est-elle devenue ?
Pauline : Nous nous sommes lancés dans la construction de notre toute première Tiny House en janvier 2016, après des mois de conception et de mise en place logistique. Nous avions alors trouvé une opportunité pour utiliser des machines adaptées dans les Vosges. Seulement, notre construction ne passant pas en hauteur au sein de l’atelier, nous avons commencé la construction dehors, au milieu des bois. Il s’agit de notre prototype de présentation, Maryse-Huguette, non-terminé à l’heure actuelle, puisqu’en partie financé par l’élaboration d’autres Tiny Houses comme la librairie itinérante, notre 2ème Tiny house, réalisée clefs en main pour un libraire mulhousien.
Romain : Quand nous avons démarré la construction, nous étions dehors, en plein hiver vosgien. Le chantier était sous une bâche que nous enlevions et remettions plusieurs fois par jour, au gré de la météo. Nos finances ne nous permettaient pas d’investir dans un abri suffisamment grand pour pouvoir travailler en toutes circonstances. 8 mois plus tard, nous avons eu la possibilité d’occuper un ancien hangar agricole. Nous étions à l’abri de la pluie, mais le hangar était ouvert aux quatre vents, avec de la terre battue au sol. Le faîtage n’était pas couvert, donc il pleuvait (ou neigeait) en plein milieu de l’atelier. Aujourd’hui, notre première Tiny House est en Dordogne, et nous disposons désormais d’un atelier fonctionnel pour pouvoir la terminer.
Mr Mondialisation : Un long parcours que vous semblez ne pas regretter. Mais qu’est-ce qui vous attire dans ces très petites maisons sur roue ?
Pauline : La Tiny House était le dénominateur commun de nos centres d’intérêts. Après avoir travaillé trois ans dans le secteur social, Romain cherchait à construire de ses mains un habitat accessible au plus grand nombre, avec la possibilité, dans le long terme, de former des personnes en réinsertion. Commençant en tant que charpentier couvreur, il fit ensuite sa formation d’apprenti en tant que charpentier de yourtes adaptées au climat vosgien. Face au caractère répétitif du travail (les charpentes circulaires des yourtes se ressemblant toutes), il a souhaitait se tourner vers autre chose, de plus diversifié, tout en restant dans l’habitat nomade.
Romain : Pauline, de son côté, a effectué son cursus de designer d’espace (plus de détails ici) dans des écoles publiques. Elle a intitulé son mémoire de fin d’études « Sur la route », se passionnant pour les espaces habités/générés par l’Homme et inscrits dans un mouvement.
Le concept de Tiny House fut pour nous comme une révélation : nos deux vocations n’avaient qu’un but : se réunir pour expérimenter la conception de Tiny Houses ! Depuis, tout s’enchaîne. On a à la fois l’impression d’avoir entrepris cette aventure il y a deux minutes et en même temps il nous semble qu’une décennie est passée.
Mr Mondialisation : Est-ce que les réseaux sociaux vous ont inspiré dans ce choix ?
Pauline : Après avoir découvert le concept via un reportage, nous avons évidemment épluché internet à la recherche d’expériences de construction et d’auto-constructions possibles. Les pages Facebook autour de projets d’autoconstruction de Tiny Houses n’existaient pas encore, ou marginalement, mais aujourd’hui, on peut en voir éclore de plus en plus. Il faut dire que la simple expérience d’auto-construction mérite d’être racontée. C’est un témoignage précieux pour tous ceux qui souhaitent se lancer. Il existe notamment le groupe de discussion du Collectif Tiny House, regroupant constructeurs, auto-constructeurs, et curieux ou avides de se lancer autour de tous les sujets touchant aux Tiny Houses.
Mr Mondialisation : Aujourd’hui, vous êtes sollicités très régulièrement par des particuliers qui construisent leur propre Tiny House…
Pauline : Oui. Cela vient sans doute de notre Journal de Bord, tenu depuis le début de notre histoire. Nous mettons à disposition le maximum d’informations découvertes lors de notre propre chantier d’auto-construction, Maryse-Huguette, notre première Tiny. Huit fois sur dix, les gens qui prennent rendez-vous avec nous pour venir visiter notre prototype sont des auto-constructeurs.
Romain : Quand les gens viennent nous voir à l’atelier, ils ont souvent des questions d’ordre général. Nous leur répondons, bien entendu, mais nous les éclairons aussi sur d’autres sujets auxquels ils n’avaient pas forcément songé, remettant parfois en cause leur projet. Certains repartent avec la confirmation que ce qu’ils avaient en tête est réalisable, et d’autres avec de la matière à réfléchir.
Nous avons tendance à être très bavards avec nos visiteurs, et le temps que nous passons avec eux, nous ne le passons pas sur notre prototype. Nous avons donc essayé de regrouper les visites le soir à partir de 18h, ce qui n’est pas toujours idéal. Nous envisageons, dans un futur proche, de réaliser des conférences, pour que les visiteurs se retrouvent entre eux, et que les expériences de chacun puissent servir à tous.
Mr Mondialisation : Pourquoi accordez-vous tant d’importance à l’auto-construction ?
Pauline : À notre niveau, nous autorisons nos clients à venir participer à la construction de leur Tiny Houses (voir le témoignage de Jean-Jacques, libraire itinérant) car nous pensons que plus il y a d’implication personnelle dans un projet, plus celui-ci gagne en substance et en valeur. Lorsqu’ils acquièrent leur maison, ils l’apprécient d’autant plus qu’ils ont noté le soin particulier qui a été apporté à chaque détail, et qu’ils ont pu expérimenter eux-mêmes le temps de la création.
Au niveau national, le mouvement en France des Tiny Houses étant tout jeune et en pleine expansion, il est évident qu’il aura comme acteurs beaucoup d’auto-constructeurs. Ce sont eux, autant que les constructeurs professionnels actuels, qui donneront la forme et le caractère au concept de Tiny houses en France pour les prochaines décennies.
L’innovation étant ce qu’elle est – entourée d’un vide juridique côté lois, et faite de recherches et d’ajustements du côté des acteurs – il nous semble crucial d’agir dès aujourd’hui à la bonne circulation des informations, de réussir à nouer le meilleur dialogue possible entre constructeurs et auto-constructeurs afin de montrer le sérieux de ce concept précurseur.
On ne construit pas une Tiny House, véritable maison à ossature bois, posée sur une remorque homologuée, qui roule sur l’autoroute à 90 km/h avec son chargement, comme on construit sa cabane d’enfant. La question du poids et celle de l’équilibrage sont notamment des points très importants.
Nous avons récemment échangé avec des auto-constructeurs qui avaient fait fabriquer la version « hors d’eau hors d’air » (vide mais étanche) de leur Tiny House par un constructeur de maisons à ossature bois. Résultat : la maison vide était déjà trop lourde pour rouler ! Attention, encore une fois, fabriquer une Tiny House nécessite un travail précis et des techniques spécifiques, souvent méconnus même pour les professionnels de la maison à ossature bois. C’est un concept à part entière.
L’expérience même de l’autoconstruction est à prendre au sérieux. Concernant les Tiny Houses, comptez une à cinq années, selon que vous êtes tout seul ou accompagnés, travailleurs ou en disponibilité, avec ou sans réserve de fonds. Alors certes, c’est moins que pour une habitation traditionnelle, mais ce n’est pas rien non plus.
Mr Mondialisation : Vous souhaitez désormais lancer votre propre activité. Parlez-nous un peu de votre prototype.
Pauline : Nous n’avons jamais caché notre but : faire de la construction de Tiny Houses notre métier.
Seulement, sortant d’études pour ma part, et Romain n’ayant de l’expérience « que » dans l’ossature bois classique et dans les yourtes, il nous a semblé essentiel de commencer par fabriquer un prototype de Tiny House, qui réunirait un florilège de nos savoir-faire, testés et approuvés à la fin de l’ouvrage. Par principe, nous ne voulions pas faire de première fois sur la Tiny House de nos clients.
Évidemment, c’est un luxe. Dès lors que l’entreprise et ses charges furent lancées, nous avons dû mettre notre Tiny « test » de côté afin de réaliser la librairie itinérante, pour le compte de notre premier client. Pour le remercier de sa confiance (il s’agit de notre première Tiny House terminée), nous lui avons fait un prix : 28 000 € TTC au lieu de 38 500 € TTC (comptez huit mois de travail et 16 000 € de matériaux).
Lorsque nous avons enfin pu déménager des Vosges, 900 km plus bas, en Dordogne, nous avons fait suivre notre prototype inachevé. Après l’aménagement, toujours à deux, de notre nouvel atelier, nous avons enfin repris le chantier de Maryse-Huguette, mais nous avons toujours le même problème : il ne se finance pas tout seul.
Mr Mondialisation : C’est pour cette raison que vous lancez aujourd’hui un appel à soutien ?
Pauline : Oui. Nous démarrons une campagne de financement participatif pour terminer notre prototype de démonstration Maryse-Huguette. Toutes les informations concernant le projet sont sur Ulule. Merci pour votre soutien !
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Source : lamaisonquichemine.fr