Aux États-Unis, à Saint Louis dans le Missouri, un camion défraie la chronique. S’il a des airs de food truck, le camion de Jake Austin ne fait pas dans la restauration. Au lieu de cela, il propose aux personnes sans abris l’accès à une salle de bain itinérante, ainsi qu’aux produits d’hygiène élémentaires. Avec un peu de volonté et d’ingéniosité, Jake Austin a mis sur roue un moyen de rendre à ces personnes une part de dignité due à chaque être humain.
Un camion dans la ville
Ayant travaillé plusieurs années auprès d ‘associations d’aide aux sans-abris, Jake Austin a constaté que certains biens manquaient cruellement aux associations. Si celles-ci étaient capables de fournir la plupart du temps nourriture et vêtements, les produits d’hygiène, quant à eux, étaient bien souvent absents. C’est à ce moment-là que Jake Austin a commencé à apporter lui-même ces produits. Cependant un autre problème se posait : sans accès à une salle de bain, la mise à disposition de ces produits était presque inutile.
Jake Austin a alors eu l’idée de proposer aux sans-abris une « salle de bain sur roues » : Shower for the People. Pour cela, il a acheté un vieux camion sur l’équivalent américain du site LeBonCoin, investissant 5000 dollars de sa poche, et finançant les travaux nécessaires à l’aménagement du camion via une plateforme de financement solidaire. À l’intérieur du camion, on trouve aujourd’hui deux cabines de douche, des lavabos et des miroirs. Fournis à côté sont aussi serviettes propres, brosses à dent, dentifrice, gel douche, shampooing et rasoirs. L’eau, quant à elle, est fournie grâce à un système qui permet au camion de se brancher sur les bouches d’incendie, et est ensuite chauffée grâce à un chauffe-eau externe.
Aujourd’hui, Jake parcourt les rues d’Austin avec son camion, et permet à au moins 60 personnes d’accéder aux rudiments de l’hygiène chaque jour ! À côté, il a également monté une entreprise sociale, « Raise the bar », qui emploie d’anciens sans-abris à la fabrication de savons. La production est ensuite donnée à ceux qui en ont besoin, ou vendue au profit de l’association. Un cercle vertueux précieux qui mériterait d’inspirer d’autres initiatives du genre.
L’hygiène pour les sans-abris : un enjeu sanitaire et social
Outre les risques intrinsèques rencontrés par les sans-abris qui vivent dans la rue, l’hygiène fait partie des besoins élémentaires souvent inaccessibles à ces personnes. La plupart des sans-abris rencontrent d’extrêmes difficultés pour accéder à des douches, ou des endroits où effectuer leur toilette dans l’intimité. Plusieurs recourent par exemple aux lavabos disponibles dans les toilettes publiques, ou dans des cafés, quand certains vont jusqu’à utiliser clandestinement les tuyaux d’arrosage de parfaits étrangers ou les rivières attenantes aux villes. Pour avoir accès à de véritables douches, d’autres dépensent leurs économies dans des abonnements à la salle de gym, une solution très coûteuse pour ces personnes qui n’ont pas de quoi se payer un loyer, ou à manger.
Le risque est évidemment sanitaire, les problèmes de santé liés à l’hygiène étant importants. En France, les centres du SAMU qui accueillent les SDF, voient des centaines de personnes chaque jour franchir leurs portes. Les parasites, tels que les poux, ou encore les infections à la gale sont fréquents et nécessitent des déparasitages. Des plaies liées au manque d’hygiène peuvent également se développer, nécessitant l’intervention de médecins, s’il n’est pas déjà trop tard… Mais l’enjeu est aussi social. L’hygiène étant une des conditions pour trouver ou garder une activité quelconque. Sans accès quotidien à une douche, ou à la possibilité de se raser et de se brosser les dents, il est presque impossible pour ces personnes de retrouver un équilibre de vie.
En France, une situation qui perdure
Cette année comme depuis quatre ans, la Croix Rouge française a de nouveau distribué 100 000 kits d’hygiène. Lancés en 2012, ils avaient pour ambition de rétablir l’hygiène en tant que facteur d’estime de soi, de bien-être et d’insertion sociale. Ces kits comprennent brosse à dents, dentifrices, gel douche, un miroir, une brosse à cheveux, des préservatifs, mouchoirs et protections périodiques (très souvent inaccessibles aux femmes sans-abris). Ils ont une durée de vie de trois jours.
Aujourd’hui, si 97% des sans-abris interrogés se disent satisfaits de ces kits, seuls 15% peuvent se permettre des douches quotidiennes. Un chiffre déploré par Stéphanie Giron, interrogée par le Figaro et chargée de mission santé et précarité à la Croix-Rouge, mais qui s’explique par la fermeture progressive des bains/douches municipaux. En attendant le prochain Jake Austin français, donc…
Sources : Mymodernmet.com / LeMonde.fr / LeFigaro.fr / Toutes images à la discrétion de showertothepeoplestl.org