Au sud de la Bretagne, à quelques kilomètres de Rostrenen, une petite route mène au Lieu-dit Kerlanic. Là-bas, une poignée d’habitants cultivent leur autonomie à l’initiative d’Audrey, qui a décidé de réinvestir ces lieux atypiques. Le jeune photographe Martin Bertrand, membre du studio Hans Lucas, y a passé une dizaine de jours. Son reportage photo nous fait découvrir une facette du quotidien des hommes et femmes qui ont décidé d’y vivre une vie sereine et libre.
De plus en plus d’individus semblent attirés par des modes de vie plus lents et équilibrés, en phase avec leurs valeurs, loin de la course effrénée de l’économie triomphante. Une oasis en France, qui plus est au cœur de la Bretagne ? À Kerlanic, sur le terrain qu’Audrey a acquis il y a quelques années, il y a comme un goût de liberté, une odeur d’insouciance, le sentiment que la vie peut être paisible. Petit détour inspirant.
« Les gens savent quand ils arrivent, mais ne savent pas quand ils repartent »
La petite communauté a progressivement pris pied grâce à Audrey. Lassée de la frénésie parisienne, elle déménage d’abord en Tourraine, mais cette nouvelle vie, bien qu’apaisante comparée au quotidien parisien, ne lui suffira pas. Elle décide alors d’investir dans un terrain de deux hectares de terrain en Bretagne. L’objectif ? Gagner encore plus en autonomie et créer un lieu ouvert à tous et toutes. Accueillir ceux qui le souhaitent et se concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire la production de nourriture, la construction de bâtiments habitables, le tout loin des injonctions à tout faire toujours plus vite.
Une dizaine de personnes résident aujourd’hui en permanence sur cet espace. Parfois ils sont jusqu’à une vingtaine à y partager des moments de vie en toute simplicité. Certains restent quelques semaines, pour d’autres, le séjour se poursuit indéfiniment. « Les gens savent quand ils arrivent, mais ne savent pas quand ils repartent », résume souvent Audrey, selon Martin Bertrand. D’autres viennent pour faire une pause dans leur vie, d’autres encore veulent expérimenter l’inconnu, au delà de leurs limites. Souvent, les raisons se mêlent. Aucune raison de juger.
Ici, on se consacre à l’essentiel
Au quotidien, la vie est rythmée par l’approvisionnement en eau, le travail au potager et parfois une escapade au marché du village d’à côté. Si tout n’est pas produit dans la communauté, la consommation reste locale. Les eaux potables sont récupérées à la source dans des bouteilles, les eaux non-potables sont issues des eaux de pluie puis traitées naturellement. L’électricité est produite grâce à des panneaux solaires. Les quelques chèvres permettent de produire du fromage qui est consommé d’une part par la communauté et vendu d’autre part à prix libre. Les habitants se nourrissent essentiellement de manière végétarienne.
« Le lieu marche à l’initiative des gens » constate Martin Bertrand. Les gens viennent des alentour pour aider dans les constructions. Ces membres du voisinage, attaché à « l’Oasis », « font partie de la communauté sans y habiter à terme ». Les enfants, eux, ont « une liberté totale, on ne les force à rien, ils font leur vie » : « ils participent, ils apprennent ». Au contact quotidien avec la terre et la nature, ils développent leur curiosité. Grâce aux nombreuses personnes de passage, ils s’éduquent. Une approche assumée qui ne manquera pas de faire grincer quelques dents.
« C’est du boulot »
Martin Bertrand, l’auteur du reportage photographique, confie avoir été frappé par la quantité de travail et l’investissement quotidien que demande le projet. Car il est souvent courant de confondre « simplicité » avec « facilité ». Ce mode de vie très peu polluant est tout sauf facile. Martin a pris connaissance du lieu à l’occasion d’un financement participatif organisé sur internet pour pérenniser le projet. « J’ai envoyé un message à Audrey, qui m’a répondu : passe nous voir », se souvient-il. Après un premier contact très naturel, il revient avec son appareil photo pour s’immerger dans la communauté pendant environ deux semaines.
Le plus frappant ? C’est Audrey, « figure matriarcale malgré elle », qui ne cesse de travailler. Construire une communauté, la faire fonctionner au quotidien, « c’est du boulot, mais c’est une vie agréable, une ambiance sereine », observe le photographe. Le rapport à l’activité humaine y est bouleversé. Ici, on ne vit plus pour gagner sa vie ou accumuler les chiffres, on vit, tout simplement. Et tout un chacun est bienvenu comme il est, du moment « qu’on n’arrive pas avec ses gros sabots ». Audrey doit vieller à ce que l’esprit de ce petit paradis reste intacte.
Découvrir le travail de Martin Bertrand : http://hanslucas.com/mbertrand/photo.
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