Tribune libre de Maintenant le Peuple! intitulée « COP24 : La planète n’est pas une marchandise » signée part un groupe de députés européens rouges/verts : Younous Omarjee (France), Marisa Matias (Portugal), Xabier Benito (Espagne), Søren Søndergaard (Danemark), Jens Holm (Suède). Partout, une même attente, un même espoir, un cri d’alarme d’alarme commun contre l’indifférence des décideurs européens.
« Faites ce que je dis, pas ce que je fais ». L’expression résume à merveille la politique climatique des principaux dirigeants européens. Mercredi 28 novembre, Miguel Arias Cañete, le commissaire européen à l’action pour le climat, déclarait que : « L’UE a déjà entamé la transformation vers une économie climatiquement neutre ». Toutefois, derrière le vernis verdâtre, l’Union européenne continue d’alimenter à plein les causes du changement climatique. D’ailleurs, en matière d’hypocrisie, la palme revient sans nul doute à Emmanuel Macron : le président français été sacré « champion de la Terre » alors que les émissions de gaz à effet de serre de la France sont reparties à la hausse.
La conférence des Nations unis sur le climat, la COP 24, qui se tient actuellement à Katowice en Pologne début décembre est censé en finir avec la politique de l’autruche. Fin 2015, lors de la COP 21, la plupart des pays de la planète s’étaient engagé à prendre les mesures nécessaires pour éviter la catastrophe. Mais depuis lors, le temps avance et les actes ne suivent pas. En l’état, même si les engagements de la COP 21 étaient tenus, ils nous entraîneraient vers un réchauffement de 3,2°C. Le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est pourtant sans appel : il faut tout mettre en œuvre pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C et pour cela le temps disponible est extrêmement limité. À Katowice, les États auront donc la lourde tâche de revoir à la hausse leurs contributions à l’effort commun.
La Terre s’est déjà réchauffée de 1,1°C et les conséquences se font déjà sentir. Les pertes de biodiversité sont énormes et les événements climatiques extrêmes sont de plus en plus réguliers, comme l’ont tragiquement rappelés les récents incendies en Californie et en Europe, en particulier dans les pays du Sud. Mais ce n’est qu’un aperçu de ce qui nous attend si nous ne faisons rien. D’après le GIEC, à un demi-degré près, les conséquences sur les conditions de vie sont colossales. Entre 1,5°C et 2°C, la perte de l’habitat naturel pour les vertébrés double. Entre +1,5°C et +2°C, le niveau des mers augmentera de 10 cm de plus, soit jusqu’à 10 millions de personnes supplémentaires sous les eaux.
Pourtant, des solutions existent. Pour les mettre en œuvre, il faut rompre avec le cadre dominant. Dans sa course folle, le système capitaliste repousse chaque jour un peu plus loin les frontières de l’exploitation de l’écosystème. À l’heure de la finance débridée, le productivisme et la recherche du profit ont pris le pas sur toute autre considération. La croissance verte est une chimère. Dans le cadre de l’Union européenne tout politique écologique ambitieuse se heurte aux traités : le Pacte budgétaire empêche les États de mettre en place un grand plan de financement public de la transition écologique. L’architecture européenne permet aux lobbys d’imposer leurs choix comme pour le glyphosate. Les traités de libre-échange, à l’instar du CETA, vont à l’encontre des productions locales et des circuits courts, etc.
Construire les alternatives
Dans son livre « Tout peut changer », Naomi Klein présente le réchauffement climatique comme une opportunité. Le système fonce dans le mur ; c’est le moment de tout réinventer. Réinventer une nouvelle manière de produire et de consommer et plus généralement construire une autre façon de vivre en société. Sans attendre, des expériences se font jour. En Espagne, les Ayuntamientos del cambio, « les mairies du changement » ont municipalisé les services énergétiques afin d’assurer l’approvisionnement en énergie des foyers le plus modestes et de produire de l’électricité renouvelable. Dans le même temps, les activistes d’Ende Gelände descendent dans les mines de charbon en Allemagne pour bloquer dès maintenant l’extraction du combustible le plus nocif pour le climat.
La lutte contre le changement climatique est par nature mondiale. Entre autre, les politiques climaticides du président étasunien ne doivent pas servir de faux prétextes pour ne pas redoubler nos efforts. Par ailleurs, il ne faut pas oublier la responsabilité historique de l’Europe en matière d’émissions de gaz à effet de serre. L’Europe se doit de garantir les mécanismes qui permettent au pays du Sud de se développer de manière soutenable et juste.
Dans sa stratégie à long terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la Commission européenne prévoit d’atteindre la « neutralité climatique » d’ici 2050. Non seulement cet objectif est insuffisant – il faut tendre vers l’émission zéro d’ici 2040 – mais en plus il est inatteignable avec les méthodes et outils actuels. En effet, l’UE a adopté début novembre, avec le soutien de tous les grands groupes politiques, y compris des Verts, ses objectifs en matière d’énergie renouvelables et d’efficacité énergétique pour 2030, respectivement 32% et 32,5%. Avec des objectifs aussi bas autant dire que l’objectif de long terme est un vœu pieux. De plus, la Commission propose de fausses solutions, aussi dangereuses qu’incertaines comme le nucléaire et le captage et stockage du carbone. En vue de la COP, l’UE doit augmenter d’urgence les contributions nationales au Fonds vert pour le climat. La possibilité d’acheter des crédits d’émission de carbone, défendue par l’UE, et le soutien à l’industrie fossile gazière – alors que nous devrions nous débarrasser des combustibles fossiles -, sont des exemples clairs des politiques européennes incohérentes dans ce domaine. C’est la planète donnée aux marchés et au profit. Mais l’environnement n’est pas une marchandise, c’est notre vie.
L’Union doit rompre avec la « règle d’or » et en lieu et place instaurer la règle verte c’est-à-dire le principe de ne pas prélever sur la nature plus de ressources que ce qu’elle peut reconstituer. Nous n’avons pas de planète B. Il faut reconnaître l’eau et l’énergie comme des biens communs, sanctuariser les espaces naturels comme les forêts qui stockent naturellement le carbone et promouvoir une agriculture paysanne et écologique. Seules ces transformations profondes permettront de mettre un coup d’arrêt à la catastrophe planétaire engagée et répondre par la même occasion à l’urgence sociale dans nos pays en créant de nombreux emplois durables et de qualité qui promeuvent la transition technologique, l’atténuation et l’adaptation au changement climatique.
Younous Omarjee (député européen, FI), Xabier Benito (député européen, Podemos, Espagne), Marisa Matias (députée européenne, Bloco de Esquerda, Portugal), Søren Søndergaard (député, Alliance Rouge-verte, Danemark), Jens Holm (député, Parti de Gauche, Suède).