La colère continue de monter dans le milieu universitaire. Il y a quelques jours, nous évoquions la fermeture du Master communication et démocratie de l’Université de Clermont-Auvergne. Le 27 mars dernier, cette décision a été actée de manière définitive : à la rentrée prochaine, les élèves de M1 se verront proposer un nouveau cursus, « Communication des organisations et numérique » alors même que les étudiants craignent que cette formation ne réponde pas à leurs besoins. Mais la problématique dépasse de loin une simple suppression de cursus. Eric Dacheux, Professeur des universités et responsable jusqu’à présent du parcours communication et démocratie, explique dans le texte « coup de gueule » qui suit les raisons de sa colère contre les réformes du gouvernement, le manque de moyens des universités, les restrictions budgétaires et les pressions croissantes sur le corps enseignant et les étudiants.

Coup de gueule retranscrit intégralement :

Voici le témoignage d’un universitaire en grève à Clermont-Ferrand qui en marre que le gouvernement sous prétexte d’améliorer l’entrée à l’université instaure la sélection à l’entrée. Sans concertation aucune avec le monde universitaire, on impose une modalité d’inscription encore plus ingérable que la précédente. Des milliers de lycéens vont se retrouver sur la touche. Intolérable !

Y en a marre plus généralement de cette administration centrale formée à l’ENA ou à Science po qui ne cesse de pondre des règlements absurdes pour réguler une université dans laquelle ils n’ont jamais mis les pieds. Inadmissible !

Y en a marre que les enseignants-chercheurs se fassent élire à la tête des universités et des conseils de fac sur des programmes de maintien du service public et se comportent, dès qu’ils sont élus, comme des petits chefs zélés faisant appliquer à toute force des réglementations qui cassent le service public. Honteux !

Y en marre de l’indigence des ressources humaines. Un universitaire se plaint de harcèlement auprès de sa DRH, demande la protection juridique en novembre, en mars on lui répond, par oral, que la meilleur solution est encore qu’il se fasse arrêter ! Consternant !

Y en a marre que des gestionnaires aient pris le contrôle de l’administration des universités. Marre d’être pris pour des voleurs et des fraudeurs qui doivent sans cesse remplir une paperasse toujours plus importante alors que les frais remboursés sont toujours plus maigres et les délais de remboursements toujours plus long. Marre aussi de vivre dans la seule organisation où l’on demande de ne plus engager aucun frais à partir du 15 novembre pour pouvoir établir le bilan comptable ! De qui se moquent-on ? Est-ce que l’on demande aux cadres de Michelin d’arrêter toute dépense pour des raisons comptables ? Délirant !

Y en a marre de voir cette logique quantitative s’imposer partout. Peu importe si les étudiants sont ou non satisfaits de leur formation. Peu importe, s’ils ont les outils intellectuels et pratiques pour mener à bien leur projet de vie. Peu importe si des liens sont noués avec le territoire et les acteurs locaux. Non, la seule chose qui compte c’est : un, réduire les coûts et deux, remplir au maximum les formations ! On transforme ainsi un service public formant à l’intelligence critique en une machine à fabrique des chômeurs. Stupide !

Y en a marre aussi de la lâcheté des universitaires. Les premiers à râler dans les couloirs, les premiers à protester dans les repas privés, les derniers à manifester dans la rue, les dernier à contester dans les différents conseils où ils sont présents. Insupportable !

Y en a marre surtout de voir des étudiants en souffrance qui n’ont aucune infirmière prés de le leurs lieux de cours et ne peuvent se confier, en tout et pour, qu’à un seul docteur. À Clermont, une docteure en médecine préventive pour 40 000 étudiants. Scandaleux !

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Y en a marre toujours de voir de plus en plus d’étudiant se prostituer ou faire des boulots de merde pour payer leurs études, leurs loyers et leurs nourritures. Pas assez de logements universitaires, de livres dans les bibliothèques, d’assistantes sociales. Indigent !

J’en ai marre. Je suis cuit, vidé, épuisé. Plus de souffle, plus d’énergie sauf celle de la colère. Le désespoir me gagne : je ne sais plus ni quoi ni comment faire pour éviter que le plus beau métier du monde ne se transforme en la plus absurde des professions de l’univers.

Eric Dacheux, Professeur des Universités, Université Clermont-Auvergne.


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