« Changeons la tuyauterie de notre société en réinventant le métier de plombier ». Voilà un slogan sans artifice qui sied bien aux Cycloplombiers, ces réparateurs atypiques qui se déplacent à la force de leurs mollets. Leur mission ? Réinventer la manière dont l’artisanat se déploie en villes. Autant sur le plan écologique que social. Comment ? A travers des petits gestes décisifs : interventions à vélo-cargo, transparence, valeurs sociales, indépendance… On prend la direction de leur atelier !
L’histoire de CycloPlombier commence en 2014, sur une idée d’Elian Alluin, rapidement rejoint par Romain et Simon, et avec une envie simple : redonner à la plomberie toute sa dimension artisanale. En étant plus proches des gens, plus clairs et plus engagés dans la vie de la cité, ces passionnés souhaitent ainsi revenir à un sens du service plus humain. Pour y parvenir, ils se sont donné trois mots d’ordre : être éco-responsable, rester abordable et échanger avec clarté. Bref. Retisser un lien marchand de confiance, loin du climat prédateur favorisé par le capitalisme et son sens du profit. Compter les uns sur les autres, ils montrent que c’est possible. Découverte.
Troquer la voiture contre le vélo : un petit geste, beaucoup de sens.
Pour concrétiser cette aventure, les Cycloplombiers se sont lancé un défi osé : se déplacer uniquement à vélo. A vélo-cargo plus exactement. A défaut d’aller plus vite, les intervenants se sentent plus en forme et en accord avec l’urgence écologique. Ils évitent par ailleurs les embouteillages, le stress, mais également les frais automobiles. De quoi autant épargner des surcoûts aux clients que leur pollution à la planète.
« Parce que le changement passe d’abord par des initiatives locales qui ont de l’impact » souligne Elian, un tel choix est significatif. Si en tant que citoyens, nous pouvons agir sur nos modes de vies pour améliorer notre façon d’habiter le monde, initier ce type de transition en tant que professionnel permet d’influencer notre manière de travailler dans le monde et d’y construire les dynamiques de demain. « Il fallait aussi montrer que la mobilité professionnelle à vélo c’est possible, et qu’en ville c’est même une évidence. Avec l’idée que ça gamberge dans d’autres têtes et que la démarche pousse d’autres secteurs à s’y mettre aussi » confirment les Cycloplombiers.
Mais le pari écologique ne s’arrête pas là. L’équipe s’attache, qui plus est, à se fournir auprès de marques qui bannissent les emballages plastiques et, surtout, laissent le remplacement de pièces détachées possible. Le principe semble fondamental, mais s’avère de plus en plus rare, puisque bon nombre de fabricants poussent aujourd’hui l’obsolescence à son paroxysme en ne permettant aucune réparation. L’appareil, à peine abîmé, est bon à jeter en entier, pour que le client soit contraint d’en acheter un nouveau au prix fort. Au passage, des milliers de carcasses encore fonctionnelles s’accumulent au détriment de nos écosystèmes.
Plus qu’une question de déplacement responsable, donc, c’est notre capacité à transformer notre milieu professionnel qui est en jeu, comme notre besoin de réveiller la vie de quartier, de retourner à un certain minimalisme d’antan, voire de l’inscrire dans une démarche éthique plus affirmée encore. Notamment sur le plan social…
Cycloplombiers, des nouveaux uber ?
Cycloplombier compte pour l’instant seulement deux membres, voire prochainement trois. Mais quels que soient leurs effectifs, hors de question de céder à l’uberisation. Depuis février 2021, Romain fait pleinement partie de l’entreprise, mais en CDI : « pas d’auto-entrepreneuriat chez nous » insiste Elian. La configuration ne s’y prête pas et desservirait les recrues.
En effet, chaque année l’uberisation du marché réduit les droits des travailleurs : en leur faisant miroiter une collaboration gagnante-gagnante qui justifierait leur statut d’indépendant, là où ils sont en réalité asservis par les plateformes et leurs objectifs de rentabilité. Le rapport de domination les coince dans un état de dépendance : ils sont clairement des employés, mais sans le cadre et la protection qui vont avec. Ni congés, ni syndicats, ni horaires contrôlés…Et la liste est longue. Qu’on peut retrouver dans l’excellent film social de Ken Loach, « Sorry We Missed You », sorti en 2018.
Mais rien de tout cela chez Cycloplombier, qui se considère dans une démarche citoyenne : « Faire grandir CycloPlombier ça n’a du sens que si c’est pour avoir plus d’impact, changer un peu plus les mentalités et inspirer d’autres initiatives » s’enthousiasme son fondateur.
Pour que la qualité et la sincérité du service se ressentent dans chaque intervention, les artisans sont clairs : il faut sortir des logiques financières classiques. Rentabilité, croissance et profit à tout prix : ce n’est pas pour eux. Ils y préfèrent le temps des rencontres, la pérennisation des relations et l’indépendance qui prennent appui sur un réel besoin des habitants de se tourner vers des spécialistes de proximité et engagés. « Nous voulons que CycloPlombier soit financé par les gens qui l’utilisent ou voudraient le faire, pas par ceux qui pensent en récupérer de jolis dividendes » résument les concernés.
Et de poursuivre : « Ça a l’air évident, mais ces dernières années c’est devenu dingue à imaginer : 6 dépanneurs sur 10 enfreignent la loi selon la DGCCRF. Avec la multiplication des arnaques et leur révélation dans les médias, la confiance qu’on a dans les artisans a complètement disparu…« . Cette confiance, Cycloplombier semble vouloir la reconstruire autant par son fonctionnement interne que ses prestations auprès du voisinage.
https://www.youtube.com/watch?v=LgIfxuJZJ1A&ab_channel=CycloplombierCycloplombier
Mais pour ce faire, ce qui n’était qu’un plombier à vélo, puis deux, et trois, pour devenir récemment Cycloplombier, compte sur une campagne de crowdfunding qui propose des bons pour réparation en échange. Actuellement situé dans le 19ème arrondissement de Paris, leur local temporaire ne permet pas un large périmètre d’intervention. Les cycloplombiers souhaitent, et se sentent prêts, à enfin s’agrandir pour toucher plus de monde et recruter de futurs cycloplombiers ou cycloplombières. D’abord à Paris et ses alentours, et puis peut-être dans d’autres villes. Le tout, dans une perspective réellement engagée, en dehors des dogmes du marché actuel, que ce soit dans les relations d’entreprise que dans celles que leur vocation entretient avec les clients, ou l’environnement. Leur campagne de financement participatif finit dans moins de 10 jours, et c’est par ici.
Leur site : https://www.cycloplombier.com/
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– Sharon H.