Un collectif formé par des habitants du Diois dans la Drôme s’est battu contre l’extension d’une zone commerciale et artisanale menaçant des terres agricoles et des espèces végétales protégées. Un projet qui, cynisme en supplément, devait principalement profiter à une entreprise fabricant de produits bio. Mr Mondialisation a relayé leur tribune… Deux jours plus tard l’entreprise a annoncé l’abandon du projet. Victoire ! 

Des organismes, collectifs et associations tels que le GIEC, les Soulèvements de la Terre, ATTAC ou encore la Confédération paysanne portent la problématique de la destruction des terres agricoles dans le débat public. Un sujet d’actualité qui résonne avec les problématiques d’autonomie alimentaire, de changement climatique ou de protection de la biodiversité. Voici la tribune initialement publiée le 1er juin, avant la victoire.

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La bétonisation des terres agricoles continue

Le dernier rapport du GIEC confirme le caractère irréversible de la disparition des terres agricoles. Que ce soit 5 hectares ou 150, pour des contournements routiers, des aéroports, des méga-bassines ou des zones artisanales, l’urgence est là. Chaque hectare compte, pour le climat, pour l’eau, pour l’autonomie alimentaire.

Si de grands projets d’aménagement sont contestés et ces luttes relayées dans les médias, des milliers de petites parcelles de moins de dix hectares, dispersés sur le territoire national, disparaissent progressivement sans qu’une mobilisation de masse ne puisse résonner. Leur importance reste pourtant considérable dans le processus de destruction des terres et de la biodiversité.

Un projet d’extension d’une zone d’activité sur des terres agricoles

Dans la plaine de Chamarges (Die, Drôme), en bordure du parc naturel du Vercors, la communauté de commune du Diois a voté la bétonisation de terres agricoles en vue d’agrandir la zone d’activité existante, pourtant vide à 40%.

Habitat naturel de nombreuses espèces, cinq hectares de terres sont désormais classées constructibles. Ces terres cultivables et perméables sont donc vouées à disparaître sous le béton et les hangars.

Ce projet d’artificialisation profiterait principalement à une filiale de Léa Nature, célèbre fabricant de produits bio (au chiffre d’affaires de 501 millions en 2021). L’entreprise souhaiterait éventuellement étendre son activité dioise à l’avenir. Théoriquement ouverte aux alternatives existantes, Léa Nature se satisfait de ce projet pourtant en total contradiction avec sa communication « verte ».

Destruction d’espèces protégées

Dans cette plaine de Chamarges, une population de Tulipes sauvages (Tulipa sylvestris) abonde, égayant les champs et les haies de ses fleurs jaunes. La présence de cette espèce est liée à des pratiques culturales de labour, la Tulipe sauvage ayant un cycle biologique calée sur le travail automnal du sol de céréales et d’autres cultures annuelles. Indicatrice de labours peu profonds et d’une faible ou nulle utilisation de pesticides, la Tulipe sauvage est le symbole d’une synergie entre biodiversité et agriculture raisonnée.

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Selon le Conservatoire Botanique National, le bassin de Die abrite les plus importantes populations mondiales, même si elle a déjà souffert par le passé d’aménagements réalisés au mépris des lois sur la protection de la nature. En effet, la Tulipe sauvage est protégée au niveau national et doit normalement faire l’objet de mesures de gestion et de protection. En lieu et place de cela, l’aménageur se targue d’avoir mis en place des mesures compensatoires (arrachage des bulbes et transplantation) dont l’analyse des résultats s’avère un fiasco de génie écologique : 20 % de reprise végétative et 6 % de floraison. Outre la Tulipe sauvage, ces terres abritent un cortège de plantes messicoles en danger d’extinction ainsi que des orchidées, qui malheureusement pour elles, ne cadrent pas non plus avec ce business plan.

Des habitants du Diois se mobilisent

Le territoire diois importe 90% de son alimentation et l’accès au foncier pour des jeunes paysannes et paysans est dans un état de tension croissant, accentué par la main-mise de nouveaux arrivants fortunés, souvent en recherche de résidence secondaires. Qui plus est, les terres plates, profondes, fertiles et potentiellement irrigables sont rares (et chères) : 8% sur la totalité de la commune ; les paysans en recherche d’installation se voient, quand ils y arrivent, octroyer les landes pentues et rocailleuses des collines avoisinantes.

Comble de notre pseudo-démocratie, la Communauté de Communes du Diois sert sur un plateau, en tant que maître d’ouvrage, ces terres pour engraisser le marché d’import-export, en totale incohérence avec l’urgence de solutionner l’autonomie alimentaire et la protection de la nature. Plus de deux millions d’euros d’argent public devraient être ainsi investis pour les travaux de viabilisation et de voirie, alors que d’autres domaines (culturel, social, sanitaire, environnemental) souffrent chaque jour un peu plus de la précarité budgétaire croissante. À cette question de choix politiques, la collectivité se retranche derrière les engagements passés en 2009 et reste déterminée à détruire un espace gorgé de vie et au nom d’un potentiel développement économique.

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Dans ce contexte, le projet de bétonisation fait l’objet, depuis trois ans, de contestation dont les principaux moteurs sont La Tulipe Sauvage (un collectif local qui œuvre « pour le maintien des terres agricoles, pour l’autonomie alimentaire et la biodiversité ») et la Confédération Paysanne. Pétition, demande d’un moratoire, interruption d’un conseil communautaire, recours gracieux, courrier à la préfecture, occupation et mise en culture des terres lors des Zadimanches… le collectif et la confédération ont tenté de faire entendre raison aux élus. Ces derniers ne semblent prêts ni à dialoguer ni à retarder les travaux, annoncés pour le mois de juin 2023…

Le collectif de la Tulipe Sauvage appellera-t-il a une occupation du lieu pour empêcher les travaux ? C’est une possibilité à envisager, puisque malgré la mobilisation, les politiques publiques s’entêtent à nous proposer du béton confit à la sauce bitume. Même bio, il nous faudra le mâcher durement !

En conséquence, nous, habitant·e·s du Diois, vous appelons donc à vous tenir prêt·e·s à rejoindre la lutte et défendre la terre contre les machines dès que ça sera nécessaire.

Pour se tenir informé·e :
– Le site du collectif de la tulipe sauvage
– Le compte instagram
– La page Facebook

Victoire !
Depuis la publication de cet article le 1er juin 2023, nous avons d’abord reçu, ce 2 juin 2023, un droit de réponse de l’entreprise Léa Nature. Le voici :

« Bonjour

A la suite de votre article paru sur votre site : Dans la Drôme, un géant du bio menace des terres agricoles nous vous demandons un droit de réponse.

Actuellement nous subissons des pressions d’un collectif local dans la Drôme pour empêcher l’extension du bâtiment de Nateva.

Nous sommes pris à partie par ce collectif nous accusant de participer à la bétonisation des sols. Nous nous insurgeons contre ces accusations infondées car ce terrain est classé en zone artisanale et commerciale depuis 2005.

Nous avons prévu d’acquérir 1 ha sur les 2,5 ha disponibles pour y construire une extension de 4000 m².

Nous entendons les arguments du collectif en faveur de la préservation des terres fertiles sur cette plaine. Mais cette décision est du ressort de la Communauté des Communes du Diois et non du nôtre.

Cependant si la polémique persiste, Léa Nature réfléchit très fortement à suspendre son projet le temps que la Communauté des Communes et le collectif règlent leur différend.

Nous tenons à rappeler que le soutien du milieu agricole bio est depuis toujours une priorité chez Léa Nature tout comme pour Nateva qui travaille avec 90 producteurs de plantes bio dans la Drôme, ce qui participe au développement économique de la région.

Vous en remerciant et restant à votre disposition pour tout complément d’informations,

Cordialement,

COMPAGNIE LEA NATURE »

 

Puis le lendemain, nous avons reçu un second communiqué, annonçant cette fois-ci l’abandon définitif du projet ! :  

 


Photo de couverture : Page Facebook Tulipe Sauvage

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