Des images récupérées par les journalistes de CNN montrent la vente d’êtres humains en Libye, contre l’équivalent de quelques centaines de dollars « pièce ». Alors que l’Europe a progressivement fermé ses frontières ces derniers mois, ces personnes déplacées, particulièrement vulnérables et fragiles, sont de plus en plus victimes de passeurs et des réseaux de trafiquants. Rien de moins que de l’esclavagisme, au 21ème siècle.
« 800, 900, 1000, 1100, 1200 » dinars libyens peut-on entendre dire un homme. Ceci n’est pas une vente aux enchères pour acquérir une voiture, mais un être humain, « un grand garçon fort pour les travaux dans les champs ». Ailleurs dans la vidéo publiée par CNN, la même voix interroge ceux qui sont venus pour acheter des esclaves : « Qui a besoin d’un mineur ? C’est un mineur, un grand homme fort, il va creuser. » Les jeunes hommes, debout, attendent d’être fixés sur leur sort. Ils ne sont pas mieux traités que s’ils étaient de simples objets. La vidéo a été envoyée en août dernier à la rédaction de CNN, qui a alors décidé d’enquêter pour confirmer ces premières images. Aujourd’hui, il n’y a plus de doute sur la pratique.
https://www.youtube.com/watch?v=mPSrO278H8I
Douze personnes vendues en 6 minutes
400 dollars, c’est donc désormais le prix d’une vie humaine en Libye à l’occasion de « ventes aux enchères » organisées. Un des journalistes de la chaîne de télévision américaine a en effet finalement pu personnellement assister à une telle vente et filmer la scène en caméra cachée. Il a observé comment en l’espace de 6 minutes, douze personnes ont été vendues selon un procédé similaire à celui décrit plus haut. L’équipe de CNN a pu s’entretenir avec les jeunes hommes vendus un peu plus tôt, traumatisés par ce qu’ils venaient de vivre et de subir. Les images ont été remises au gouvernement libyen, qui promet qu’une enquête sera menée.
Au cours de son enquête, CNN s’est également entretenu avec un jeune homme qui a été victime du phénomène. Victory, 21 ans, a eu affaire aux passeurs. Il a été dépossédé de toutes ses affaires puis vendu comme travailleur. Pour « payer sa dette » et être libéré, il a été forcé au travail, et sa famille a été obligée de payer une rançon. « CNN a entendu parler de telles ventes aux enchères dans neuf endroits en Libye, mais on peut croire qu’il y en a bien plus », écrit Nima Elbagir, journaliste chez CNN.
Alors que l’Europe ferme ses frontières, un phénomène en plein développement
Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de personnes essayent de rejoindre l’Europe via la Méditerranée. Certains fuient la guerre et les persécutions, d’autres sont à la recherche d’un avenir meilleur et de travail. Ils sont essentiellement originaires du Nigeria, du Sénégal et de la Gambie. Dans ce contexte, la traite d’humains se serait développée ces derniers mois, alors que les bateaux de migrants ont de plus en plus de difficultés à traverser la méditerranée sans être arrêtés. À la place, les passeurs se tourneraient vers un autre business, le trafic d’êtres humains.
Au micro de France Inter, François Gemenne, chercheur en science politique à l’université de Liège (CEDEM) et à Sciences Po Paris, spécialiste des flux migratoires a eu des propos alarmants. « La Libye est une sorte de camp de concentration à ciel ouvert pour les migrants », a t-il ainsi considéré.
Le phénomène a été vivement dénoncé par le Haut Commissaire des Nations unies (ONU) aux droits humains, Zeid Ra’ad Al-Hussein, qui s’inquiète de la détérioration des droits humains en Libye. L’Union européenne est spécifiquement visée. « La communauté internationale ne peut pas continuer à fermer les yeux sur les horreurs inimaginables endurées par les migrants en Libye, et prétendre que la situation ne peut être réglée qu’en améliorant les conditions de détention », a t-il notamment commenté. Ces derniers mois, différentes instances s’étaient inquiétées de l’augmentation du commerce d’esclaves par des passeurs. En avril dernier, c’était l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) qui tirait la sonnette d’alarme. Désormais, les yeux se tournent vers l’Union européenne pour voir comment elle réagira.
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Sources : letemps.ch / edition.cnn.com / lemonde.fr / francetvinfo.fr / rtbf.be